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Etat de siège, Beni et vigilance citoyenne

Etat de siège, Beni et vigilance citoyenne

Etat de siège, Beni et vigilance citoyenne 770 514 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« La philosophie nous apprend à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter. » – Aldous Huxley

Dans un article intitulé, « Etat de siège ou trêve de la pensée…Faut-il choisir ? », j’ai posé un certain nombre de questions liées à ce qui a été décrété à l’Est du Kongo-Kinshasa depuis bientôt un mois. J’écrivais, entre autres, ceci : « La trêve de la pensée » serait un danger grave pour le débat public et pour le pluralisme de la pensée. Des questions du genre : Pourquoi l’ « Etat de siège » et pas la mise en place urgente de la Commission Justice, Vérité et Réconciliation ; pourquoi l’ « état de siège » seul et pourquoi pas l’ « état de siège » accompagné immédiatement d’une justice transitionnelle ; pourquoi l’ « état de siège avant l’audit de l’armée » et la mise en accusation des pays voisins impliqués dans la guerre de basse intensité menée contre le pays comme ça était le cas pour l’Ouganda ? Toutes ces questions et beaucoup d’autres peuvent se poser dans un contexte de guerre perpétuelle, de recherche et de maîtrise de ses causes profondes. »

Ces questions sont portées par l’une de mes convictions les plus profondes : une armée infiltrée est un instrument important pour une guerre perpétuelle . Mais aussi par un travail d’analyse critique politique, historique et socio-économique de ce qui se passe dans notre pays depuis plusieurs années sans me limiter aux questions dites d’actualité. Un travail assidu étudiant « l’adversaire », « la nature de l’adversité », les enjeux liés à cette « adversité », les méthodes, les tactiques et les stratégies auxquelles il recourt pour réaliser ses objectifs sur le temps long.

Ce qui s’est passé à Béni…

Ce travail m’a aidé à comprendre combien « le paradigme léopoldien » avait triomphé au Kongo-Kinshasa au cours de deux dernières décennies et combien « le réseau transnational de prédation » le mettant en pratique a contribué à la descente du pays de Lumumba aux enfers. Ce travail a ses ennemis acharnés : des partisans de « la selfisation de la pensée » et de « la défaite de la raison ». Enfermés dans « l’immédiatisme » et « le courtermisme », ils ont fait une option préférentielle pour une amnésie perpétuelle les convainquant que sans une mémoire collective « insoumise », sans une approche avertie de l’histoire, ils peuvent devenir « un peuple libre » !

L’armée kongolaise est infiltrée par les mercenaires des pays voisins. Les opérations de démobilisation et de réinsertion de ces mercenaires, celles de mixage et de brassage l’ont transformée en un « Cheval de Troie » pour le pays.

Ce qui s’est passé à Beni il y a quelques jours, pendant « l’Etat de siège » est un fait apportant de l’eau à mon moulin : un soldat des « FARDC » pris la main dans le sac au cours d’une opération de massacres de nos populations. (Je mets FARDC entre guillemets parce que l’armée kongolaise est infiltrée par les mercenaires des pays voisins. Les opérations de démobilisation et de réinsertion de ces mercenaires, celles de mixage et de brassage l’ont transformée en un « Cheval de Troie » pour le pays. D’où l’importance de son audit.)

Voici un extrait de ce qui s’est passé à Béni : « Ces attaques, attribuées précipitamment par les autorités aux « ADF », se sont révélées être l’occasion de redécouvrir certaines vérités longtemps cachées. Après le massacre du samedi 29 mai 2021 à Kinyatsi, dans le secteur Ruwenzori, il s’avère que ce sont les soldats FARDC qui se déguisent en ADF pour tuer la population. Les preuves sont tellement indiscutables que l’affaire continue d’embarrasser l’armée.

En effet, les témoignages des habitants de Kinyatsi, sont qu’un soldat FARDC est tombé dans un trou de WC alors qu’il pourchassait une femme avec une machette pour la tuer. Le soldat est resté coincé dans le trou avec son fusil et sa machette qui portait encore les traces de sang de ses victimes. Au retour des habitants de Kinyatsi, ils ont découvert le soldat et l’ont interrogé. Il a avoué qu’il appartient à l’unité de l’armée basée à Kibanda, dans le même secteur, et que l’ordre d’aller massacrer la population leur avait été donné par le général Peter Chirimwami, commandant de l’opération Sukola 1 qui couvre le territoire de Beni. Les habitants de Kinyatsi ont contacté le général Chirimwami pour lui demander de venir récupérer son soldat ; il a refusé de se déplacer. Ils ont contacté d’autres officiers. »

Vigilance citoyenne et dignité du souverain primaire

La vigilance citoyenne aide à battre en brèche la thèse fantaisiste du « terrorisme islamiste », cheval de bataille du « réseau transnational de prédation » et nous (re)avertit que le ver est dans le fruit. Et cela depuis le début de la fausse « guerre de libération » de l’AFDL. En principe, cette vigilance citoyenne devrait faire tomber les écailles des yeux de ceux qui croient naïvement que ce  »réseau transnational de prédation » peut mettre fin à cette guerre.

La vigilance citoyenne aide à battre en brèche la thèse fantaisiste du « terrorisme islamiste », cheval de bataille du « réseau transnational de prédation » et nous (re)avertit que le ver est dans le fruit. Et cela depuis le début de la fausse « guerre de libération » de l’AFDL.

Je dis bien : « En principe ! » Car, en réalité, le choix de la propagande, le rejet de la pensée critique, la volonté d’ignorer, le refus d’apprendre de notre histoire et des autres peuples du monde, tout cela a fini par manger les cœurs et les esprits des masses populaires kongolais ayant opté, consciemment et/ou inconsciemment, pour la triptyque mortifère : consommation, abrutissement et massification.

Cette vigilance citoyenne nous enseigne que les minorités éveillées, « le peuple », est d’abord et avant tout sa propre sentinelle. C’est à ce « peuple » qu’il appartient d’organiser sa sécurité et sa légitime autodéfense, eu égard à la complicité permanente entre « les élites kongolaises compradores » impliquées dans cette guerre perpétuelle, raciste et de basse intensité et ses bourreaux. Le fait que la Monusco soit encore présente sur le sol kongolais est un signe de cette complicité. Elle s’inscrit dans la logique de lutte contre cette vigilance citoyenne et l’organisation de la résistance kongolaise. Lire et relire Frantz Fanon sur cette approche de l’ONU reste indispensable. Voici ce qu’il écrivait il y a plus de soixante ans et qui reste encore et toujours d’actualité : « Il n’est pas vrai de dire que l’ONU échoue parce que les causes sont difficiles. En réalité, l’ONU est la carte juridique qu’utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la force brute échoue. Les partages, les commissions mixtes contrôlées, les mises sous tutelle sont des moyens légaux internationaux de torturer, de briser la volonté d’indépendance des peuples, de cultiver l’anarchie, le banditisme et la misère. »

Un « peuple vigilant » organisé et résistant, une armée auditée, modernisée et patriote, des médias alternatifs résistants aux assauts pécuniaires des « kulunas en cravate » et des mouvements interconnectés de « conscience kongolaise » peuvent être le fer de lance dans la production des fondements solides pour un Kongo-Kinshasa souverain riche de sa mémoire collective et respectueux de la dignité du souverain primaire.

Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

INGETA.

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