Par Jean-Pierre Mbelu
« Toute tentative de remplacer l’idéologie par un pur pragmatisme ne peut avoir qu’un effet – relatif et toujours réversible – à court terme. » – A. Douguine
Copier l’idéologie des autres sans questionner ses principes majeurs, se mettre au service des organismes supranationaux tels que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, c’est opter pour le néocolonialisme et la renonciation à l’avènement d’un Etat-nation riche et plus beau qu’avant au cœur de l’Afrique.
Le Kongo-Kinshasa des années 1960 est le fruit de trois grandes orientations politico-culturelles ayant en commun la revendication de l’indépendance.
ABAKO, « Conscience Africaine » et MNC
Quelques « évolués » kongolais sont frustrés. Les efforts qu’ils ont déployés pour être « les égaux » du colon ont échoués. Ils pensent qu’il est bon qu’ils deviennent « maîtres » chez eux. Trois étudiants catholiques s’inscrivant dans cette mouvance créent un groupe dénommé « Conscience Africaine » en 1956. Joseph Iléo, Joseph Malula, Joseph Ngalula- c’est d’eux qu’il s’agit- vont écrire ensemble le « Manifeste de la conscience africaine ». « Le texte revendique la fin de la ségrégation raciale et le droit à la libre expression politique et culturelle. »(Alain Libert, Les plus sombres histoires de l’histoire de Belgique, 2014, p. 412)
ABAKO, « Conscience Africaine » et MNC sont, entre autres, « les ancêtres » de la multitude des partis politiques et des associations de « la société civile » que le Kongo-Kinshasa va avoir à partir de son « indépendance formelle » en 1960. Cette multitude des partis politiques et des associations de « la société civile » est en grande partie le fait de « la recherche de la gloriole et des intérêts personnels » mais aussi de l’application de la politique du « diviser pour régner »…
Ce groupe est né six ans après l’ABAKO créée par Joseph Kasa-Vubu en 1950. L’ABAKO publie aussi son « Manifeste » en 1956. Il réclame « l’émancipation immédiate » de la colonie. Le 5 octobre 1958, Lumumba, fort du soutien du milieu anticolonialiste belge, créé le MNC. « Le 28 octobre, Lumumba fait un discours devant sept mille congolais à Léopoldville. Il y est question de la libération du peuple congolais du régime colonialiste et de son accession à l’indépendance qui est une condition sine qua non de la paix. » (Ibidem, p. 413)
ABAKO, « Conscience Africaine » et MNC sont, entre autres, « les ancêtres » de la multitude des partis politiques et des associations de « la société civile » que le Kongo-Kinshasa va avoir à partir de son « indépendance formelle » en 1960. Cette multitude des partis politiques et des associations de « la société civile » est en grande partie le fait de « la recherche de la gloriole et des intérêts personnels » mais aussi de l’application de la politique du « diviser pour régner » chère à l’idéologie capitaliste, néolibérale et ultralibérale pour le triomphe de son hégémonie dans un monde qu’elle veut « unipolaire ».
Tous les mots de la politique sont corrompus
Pris au piège de cette idéologie individualiste, séparatiste et atomisante dont les principes majeurs sont la libéralisation, la privatisation et la déréglementation, Mobutu, en créant le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) a réussi une »unité superficielle » sans une justice sociale conséquente et sans une cohésion nationale des cœurs et des esprits ; et portant le culte de la personnalité à son paroxysme. Les partis nés avant et après la Conférence Nationale Souveraine ont voulu faire l’apologie de « la démocratie » sans se rendre compte que cette « démocratie des autres » était un mot « corrompu ».
Tous reproduisent les mécanismes de cette idéologie individualiste, séparatiste et atomisante en y ajoutant le culte de la personnalité. Les associations de la société civile kongolaise ne sont pas une exception à cette règle. Elles sont les auxiliaires de cette idéologie.
En effet, écrit Alain Badiou, « la démocratie a massivement représenté l’organisation, à une très large échelle, de l’impérialisme, du colonialisme et de guerres mondiales entassant les morts par millions. Elle se nourrit partout, cette « démocratie », d’une complicité générale avec le développement d’inégalités monstrueuses, accompagné de l’idée que le capitalisme est la seule voie possible. Remarquons au passage que tous les mots de la politique sont corrompus. » (Alain Badiou, Trump, 2020, p. 68-69)
Plusieurs « partis libéraux kongolais » n’ont pas compris cela. Tout comme leurs amis de « la social-démocratie » ( Lire « Les libéraux » kongolais ont fait le choix éternel du monde unipolaire ! ). Tous reproduisent les mécanismes de cette idéologie individualiste, séparatiste et atomisante en y ajoutant le culte de la personnalité. Les associations de la société civile kongolaise ne sont pas une exception à cette règle. Elles sont les auxiliaires de cette idéologie.
Copier l’idéologie des autres sans questionner ses principes majeurs, se mettre au service des organismes supranationaux tels que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, c’est opter pour le néocolonialisme et la renonciation à l’avènement d’un Etat-nation riche et plus beau qu’avant au cœur de l’Afrique.
La nécessité du changement de paradigme
Tel est le contexte dans lequel prospère le culte de la personnalité, le fanatisme, l’assujettissement, la soumission, l’abrutissement, l’abêtissement des masses populaires (appauvries anthropologiquement et) transmutées en thuriféraires, en tambourinaires et en applaudisseuses. Dans ce contexte piégé prospèrent aussi « le nomadisme », « le commerce doux », l’inculture et la déculturation méprisant les racines tribales et ethniques ainsi que le côté positif des collectifs villageois.
Cet échec de la particratie est souvent dénommé « pragmatisme » ; c’est-à-dire une adaptation aux diktats de l’hégémonie ultralibérale dominante et un choix camouflé de « l’esclavage volontaire ».
Ce contexte est celui de l’échec de la particratie. Il en appelle à un changement de paradigme politique et socio-culturel. L’un de mes derniers articles (Le Kongo-Kinshasa et ses « basukuidi ». Pour une revalorisation des « tupangu »), en marge de mes livres, en donne quelques orientations.
Malheureusement, cet échec de la particratie est souvent dénommé « pragmatisme » ; c’est-à-dire une adaptation aux diktats de l’hégémonie ultralibérale dominante et un choix camouflé de « l’esclavage volontaire ». Ce choix étant opéré par « la hiérarchie compradore » du pays, il entraîne les masses populaires dans un ensauvagement n’ ayant comme objectif que la reproduction de la caste de ces sous-fifres des « décideurs » et la redistribution des miettes tombant de leurs tables aux compatriotes massifiés, empêtrés dans un consumérisme déresponsabilisant et ignorant tout ou presque des choix de leurs « gourous ».
Dieu merci ! Les minorités éveillées comprennent, petit à petit, la nécessité du changement de paradigme par le renversement des rapports de force et l’option stratégique pour un Etat-nation fort au cœur d’un monde multipolaire. La lutte continue… Tenir contre vents et marées nous a été possible grâce à la solidarité familiale et amicale. Opter pour un solidarisme patriote et souverainiste en valorisant les collectifs citoyens à la base serait une bonne voie (idéologique).
Babanya Kabudi Somba Manya
Génération Lumumba 1961