Par Jean-Pierre Mbelu
« Le mal extrême s’introduit dans le monde quand les citoyens désertent l’espace publico-politique pour se réfugier dans la sécurité et la chaleur des valeurs privées ; quand ils acceptent d’accomplir des ordres qu’ils désapprouvent en s’en lavant les mains ; quand ils refusent de penser par eux-mêmes pour suivre le mouvement. »
– C. VALLEE
Les guerres menées par procuration peuvent être des guerres d’usure. Elles peuvent avoir comme l’un de leurs objectifs le fait de brouiller les cartes. C’est-à-dire de livrer au grand public une version selon laquelle les marionnettes instrumentalisées sont les actrices plénières. Réussir à imposer cette fausse piste est une belle réussite pour les coulisses de l’histoire.
Le terrorisme intellectuel
Cette réussite embrigade des intellectuels conformistes et les masses lobotomisées par les médias mainstream. Les réseaux sociaux aidant, le recours à l’histoire, à la documentation et aux archives peut être tenu pour dérisoire. Un exemple. Il n’est pas possible qu’après avoir lu le dernier livre de Charles Onana, « Holocauste. L’omerta de la communauté internationale. La France complice ? », on continue à croire que c’est le Rwanda qui est l’acteur majeur de la guerre menée contre le Kongo-Kinshasa.
Une guerre d’usure brouille toutes ces cartes et peut enfermer dans l’immédiatisme. Pourquoi? Le besoin d’en finir vite peut l’emporter sur la rationalité et produire « la dérive de la raison ».
Les lecteurs du même auteur ont la confidence d’une américaine (sur les acteurs pléniers de cette guerre), Cynthia McKiney, dans son livre intitulé « Ces tueurs Tutsi. Au coeur de la tragédie congolaise » (Paris, Duboiris, 2009). Pour rappel, Cynthia McKinney, fut l’envoyée spéciale de Bill Clinton dans les Grands Lacs Africains.
Donc, une guerre d’usure brouille toutes ces cartes et peut enfermer dans l’immédiatisme. Pourquoi? Le besoin d’en finir vite peut l’emporter sur la rationalité et produire « la dérive de la raison ». Celle-ci peut imposer « le terrorisme intellectuel » marginalisant « les empêcheurs de penser en rond ».
La recherche de raccourcis
Dans ce contexte, « les intellectuels », au lieu de s’engager dans un travail de recherche sur le temps long en amont et en aval, vont chercher à se conformer à ce que pense tout le monde. Ils vont opter pour le conformisme. Question d’éviter d’être mal vus par le plus grand nombre. Et pourtant, ils sont censés savoir que le monde est dirigé par les minorités averties, lucides et ayant une grande capacité de discernement et/ou d’enfumage.
Le problème du Kongo-Kinshasa n’est pas que celui de sa classe politique. Il est aussi celui de ses « intellectuels » à la recherche des raccourcis au cours d’une guerre d’usure.
En fait, l’histoire nous enseigne que la recherche des raccourcis n’est pas la spécificité des « intellectuels » kongolais. « La trahison des élites » est une donne historique permanente. Hannah Arendt n’a pas compris comment un philosophe de la trempe d’Heidegger a pu accepter « la banalité du mal » et « la solution finale ».
Le problème du Kongo-Kinshasa n’est pas que celui de sa classe politique. Il est aussi celui de ses « intellectuels » à la recherche des raccourcis au cours d’une guerre d’usure. Tous lobotomisent les masses et refusent de mettre à leur disposition les productions intellectuelles et les documents archivés au sujet de cette guerre d’usure et de basse intensité. Leur recours aux principes de compétitivité et de concurrence exacerbés leur permet de se cacher derrière leurs petits doigts en vue des intérêts matériels certains et aux dépens des pans entiers des populations kongolaises appauvries, imbécilisées et abâtardies.
Babanya Kabudi