Source: Geopolis. Par Laurent Ribadeau Dumas.
En Zambie et en République démocratique du Congo (RDC), pays au sous-sol très riche, le cuivre est notamment exploité par le suisse Glencore, plus grande société de négoce de matières premières au monde. Celle-ci ne laisse à ces deux Etats que des miettes de profit ainsi qu’une importante pollution de l’air et des sous-sols.
Les pratiques de Glencore en RDC ont été rendues publiques par un rapport de deux organisations chrétiennes suisses, Pain pour le prochain et Action de Carême, publié en avril 2012. Rapport rédigé après plus six mois d’enquête menée avec des associations locales, dont une commission de la conférence épiscopale de l’Eglise catholique congolaise. Glencore a démenti ces accusations qu’il estime «sans fondement».
Selon ce document, l’entreprise helvétique rachète des minerais, du cuivre et du cobalt, extraits illégalement de la mine à ciel ouvert de Tilwezembe au sud du pays. Celle-ci est une concession de la société Kamoto Copper Company, qui appartient à 75,2% à la multinationale. Le cuivre y est extrait par des enfants et des jeunes de moins de 17 ans «dans des conditions déplorables». L’entreprise suisse dit ne «pas du tout» être impliqué dans les activités sur place.
Le rapport fait par ailleurs état de «pollution massive de cours d’eau à Luilu» ainsi que «des stratégies d’optimisation fiscale qui font perdre des millions de dollars au fisc congolais».
La Zambie et son cuivre
Les mêmes accusations sont portées dans un sujet intitulé «Zambie, à qui profite le cuivre ?» , réalisé par Alice Oudiot et Audrey Gallet, qui ont obtenu le prix Albert Londres. Diffusé sur France 5 en mai 2012, le sujet vise là encore les activités de Glencore dans ce petit pays enclavé, situé au sud de la RDC.
Indépendante depuis 1964, la Zambie, dont l’économie repose en grande partie sur l’exploitation minière, avait privatisé ses mines dans les années 2000 à la demande du FMI et de la Banque Mondiale pour l’octroi d’un prêt. La multinationale suisse y exploite la mine de Mopani par l’intermédiaire d’une filiale, Mopani Copper Mine.
Selon Alice Oudiot et Audrey Gallet, les taux d’arsenic et de dioxyde de soufre rejetés dans l’air sont largement supérieurs aux normes (72 fois pour le dioxyde de soufre). Autre problème : la combinaison des deux substances est cancérigène. Sans parler de l’acide sulfurique déversé sous-pression dans les sous-sols pour extraire le cuivre plus facilement. En 2005, la mine de Mopani avait pourtant reçu de la BEI, la banque publique de l’UE, un prêt de 48 millions d’euros, notamment pour réduire le taux de dioxyde de souffre.
«Manipulation des prix de transfert»
Comme en RDC, Glencore a par ailleurs réussi à mettre au point en Zambie une ingénieuse stratégie fiscale qui lui permet, apparemment, de ne payer aucun impôt sur ses bénéfices dans ce pays. Selon les cinq ONG qui ont engagé une plainte contre la firme helvétique auprès de l’OCDE, «sa filiale, la Mopani Copper Mine, aurait privé l’Etat zambien d’environ 550 millions de dollars de recettes entre 2005 et 2008, en utilisant notamment la technique de la manipulation des prix de transfert», explique le président de l’ONG Transparency, Daniel Lebègue.
Pour ce faire, elle utilise un mécanisme simple : elle «vend une importante partie de sa production de cuivre à un prix très inférieur à celui du marché à sa maison mère, basée en Suisse, qui la revend, elle, au prix du marché. Résultat, Glencore ne réalise aucun profit imposable en Zambie, mais en fait là où est situé son siège social, le canton de Zoug».
Dans le même temps, selon des informations révélées par l’ONG CTPD, Glencore aurait obtenu de verser aux autorités zambiennes des royalties de 0,6% pour le cuivre alors que la moyenne mondiale est de 3%.
«Patrons voyous»
En France, la multinationale suisse, connue pour son opacité, est tout sauf une inconnue. C’est elle qui, en 2003, avait fermé sans plan social l’usine Metaleurop de Noyelle-Godault à la suite d’une faillite frauduleuse. Une fermeture qui a entraîné la perte de plus de 800 emplois et l’abandon d’un site industriel considéré comme le plus pollué du pays. Le président d’alors, Jacques Chirac, avait alors parlé de «patrons voyous»…
Zambie; à qui profite le cuivre ?
L’entreprise a été fondée par Marc Rich, homme d’affaires américain sulfureux qui s’est réfugié en Suisse en 1983. Il fuyait alors une inculpation qui lui a valu une condamnation à 325 années de prison par contumace avant d’être gracié en 2001 par le président Bill Clinton.
Depuis, Marc Rich a été évincé de la présidence de Glencore. Mais cela n’a pas empêché cette dernière, valorisée près de 60 milliards d’euros, de suivre sa route. En mai 2011, son introduction à la Bourse de Londres et de Hong Kong a été saluée comme la troisième plus importante de l’histoire européenne. Même si certains de ses intérêts ont été nationalisés en Bolivie, elle vient d’augmenter sa participation indirecte dans la mine de Mutanda en RDC et de racheter une mine en Namibie. La demande en matières premières demeure «saine» au niveau mondial, a annoncé le géant helvétique le 9 mai 2012.