Par Jean-Pierre Mbelu
Nous ne pouvons pas, à partir de l’Europe, voir l’éclosion des »Nuits debout » et continuer à faire croire à nos frères et sœurs au pays que nos solutions viendront de ceux qui, depuis longtemps, veulent en finir avec l’irruption des masses populaires sur l’arène politique. Qu’est-ce qui pousse VK à vouloir nous convaincre que les anglo-saxons (et leurs alliés) ayant mené une guerre raciste et de prédation au Congo-Kinshasa vont aider ce pays à devenir »une démocratie » pendant qu’ils sont occupés à détruite la souveraineté nationale et populaire dans les pays occidentaux ? VK a des raisons que »la raison collective congolaise » ne connaît peut-être pas…
L’ex-président de l’Assemblée nationale congolaise est un homme politique très sollicité par les médias mainstream. Cela veut à la fois rien dire et tout dire.
Vital Kamerhe, les fanatiques et les jaloux
Et il n’est pas rare que les chargés de sa communication mettent sur la place publique les interviews qu’il donne. Souvent, il arrive que ces interviews posent des questions de cohérence liées aux précautions de langage que Vital Kamerhe prend. L’impression que cela donne est que VK enfume souvent ses fanatiques et plusieurs de ses auditeurs. Ceux-ci ne semblent pas prendre le temps de revenir sur les textes produits à l’issue des interviews accordées par »leur leader ». Et il leur arrive de croire que les relecteurs de VK sont »jaloux », »mécontents » ou tout simplement »ennemis de ses succès ».
Cette approche de la relecture de VK constitue un handicap du point de vue du débat démocratique dont lui-même est le grand chantre. D’ailleurs, VK ne se retrouve pas seul dans ce cas de figure. La magie de l’Internet vient de mettre ensemble quelques extraits des interviews données par Lambert Mende. Les incohérences et les contradictions y abondent1. Comment expliquer cela ? (Nous reviendrons dans les mois à venir sur cette question.)
VK enfume souvent ses fanatiques et plusieurs de ses auditeurs. Ceux-ci ne semblent pas prendre le temps de revenir sur les textes produits à l’issue des interviews accordées par »leur leader ». Et il leur arrive de croire que les relecteurs de VK sont »jaloux », »mécontents » ou tout simplement »ennemis de ses succès ».
Relisons l’interview de VK [2]. Dans cette interview au cours de laquelle VK, ayant soutenu autrefois »le raïs » comme »artisan de paix » estime qu’il doit maintenant être »bousculé », une affirmation grave apparaît : « La RDC est pour l’instant un trou noir de l’Afrique. Notre communauté n’avance pas. » Pourquoi ? VK soutient que le pays connaît une croissance de 6%. Il est au même niveau que la Chine. Malheureusement, le fruit de cette croissance va dans les poches de quelques dirigeants au sommet de l’Etat.
Il dit exactement ceci : « Il y a la croissance et les fruits de cette croissance. C’est un pays paradoxal où 99 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, mais où l’on trouve quelques milliardaires, ce qui veut dire que l’argent reste et circule entre les mains de certaines personnes, d’une certaine classe, voire de quelques dirigeants au sommet de l’État. On nous annonce une croissance de presque 6 %, soit autant que la Chine, et en même temps, on dit qu’il n’y a pas d’argent pour organiser les élections. Moi, j’en déduis qu’il y a eu de l’argent détourné, et il faut revoir les conditions dans lesquelles sont négociés nos contrats avec l’extérieur, qui tire bénéfice de tout cela. Mais dans tous les cas, les chiffres de la croissance n’ont aucune incidence sur le développement du pays. » A partir de quand ce constat est-il fait ? L’interview ne le dit pas.
Le prédateur et l’artisan de paix
Historiquement, quand VK bat campagne en 2006 pour »le raïs, artisan de paix », le rapport des experts de l’ONU de 2001 classifie déjà ce dernier parmi »les nouveaux prédateurs ». De ce point de vue, il ne donne aucune nouvelle information. Néanmoins, une question se pose : « Comment a-t-il pu battre campagne pour »un prédateur » qu’il a présenté comme »artisan de paix » ? Les photos existent. C’est d’un. De deux. En lisant attentivement cette interview, on se rend compte que VK fait allusion à »terrorisme » dont le monde, l’Afrique et le Congo-Kinshasa sont victimes depuis plusieurs années.
Répondant à une question du journaliste sur le terrorisme, il dit ceci : « Les bombardements en Irak, en Afghanistan ou en Libye ont créé des monstres transfrontaliers, agissant en Afrique, nous sommes en train de payer pour les autres, par conséquent nous devons aborder ces questions avec le monde entier. En ce qui concerne la RDC, il a été démontré que des rébellions soutenues par des pays voisins et par certaines grandes puissances étrangères agissent depuis plus de vingt ans pour détruire notre pays. Il y a les FDLR du Rwanda, les ADF venus d’Ouganda, ou encore le FNL du Burundi, sans compter les groupes armés propres au Congo. »
Une question se pose : « Comment a-t-il pu battre campagne pour »un prédateur » qu’il a présenté comme »artisan de paix » ?
Quelles sont les dénominations des rébellions soutenues par les pays voisins ? Etaient-ce des rébellions ou des »groupes armés criminels »[3] dont Lambert Mende parlait récemment dans un point de presse ? Pourquoi VK parle-t-il des »rébellions » là où il est question des »crimes organisés » par »les grandes puissances et les pays voisins » ? L’une des réponses à cette question est présente dans le texte. VK croit que »les grandes puissances » qu’il n’ a pas citées nommément peuvent accompagner »le processus électoral » au cœur de »l’Etat raté » qu’ils sont créé.
Il le dit en ces termes : « D’une chose l’une, s’il n’y a pas d’argent pour organiser les élections, on le fait savoir à nos partenaires internationaux pour qu’ils nous accompagnent. Je rappelle que l’Union européenne, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni ont dit que si le processus est transparent, c’est-à-dire que le président Kabila ne touche pas à la Constitution, si le président Kabila ne pratique pas la répression aux opposants et contre la société civile, la communauté donnera cet argent . »
Rompre avec l’émotion et éviter toute complaisance
Qu’est-ce qui pousse VK à vouloir nous convaincre que les anglo-saxons (et leurs alliés) ayant mené une guerre raciste et de prédation au Congo-Kinshasa vont aider ce pays à devenir »une démocratie » pendant qu’ils sont occupés à détruite la souveraineté nationale et populaire dans les pays occidentaux comme en témoigne Philippe de Villiers [4], Jacques Sapir [5], Alain Deneault [6] et les »Nuits debout » organisées en France et à Bruxelles [7]?
Pourquoi VK et les autres compatriotes (politiciens et/ou politicards) congolais croient-ils que les anglo-saxons et leurs alliés vont être »généreux » à l’endroit des Congolais(es) ? Il est plus que temps que par-delà l’émotion, le fanatisme et la coterie, nous soyons prêts à mener des débats de fond sourcés sur notre devenir collectif.
Voyons ! Que vont-ils faire de la Libye ? Ils s’apprêtent à la balkaniser, à s’emparer de son pétrole, de son eau et de ses réserves en dollars [8]. Pourquoi VK et les autres compatriotes (politiciens et/ou politicards) congolais croient-ils que les anglo-saxons et leurs alliés vont être »généreux » à l’endroit des Congolais(es) ? Il est plus que temps que par-delà l’émotion, le fanatisme et la coterie, nous soyons prêts à mener des débats de fond sourcés sur notre devenir collectif.
En évitant toute complaisance. Nous ne pouvons pas, à partir de l’Europe, voir l’éclosion des »Nuits debout » et continuer à faire croire à nos frères et sœurs au pays que nos solutions viendront de ceux qui, depuis longtemps, veulent en finir avec l’irruption des masses populaires sur l’arène politique [9].
Rompre avec l’émotion, le fanatisme et la complaisance signifie que nous lisons, nous fouinons et nous débattons. Les réseaux et les médias alternatifs nous aident là où les contacts physiques ne sont pas possibles.
Mbelu Babanya Kabudi
1. https://www.youtube.com/watch?v=oQJxAlprU4c
2. http://fr.africatime.com/external?url=http://afrique.lepoint.fr/actualites/elections-rd-congo-vital-kamerhe-nous-allons-bousculer-le-pouvoir-de-kabila-08-04-2016-2030832_2365.php
3. http://www.congoone.net/cgo/index.php/politique/1735-quand-mende-dit-la-verite-suite-et-fin
4. P. de VILLIERS, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, Paris, Albin Michel, 2015.
5. J. SAPIR, Souveraineté, démocratie et laïcité, Paris, Michalon, 2016.
6. A. DENEAULT, Paris, Lux, 2015.
7. https://www.ingeta.com/la-diaspora-congolaise-et-les-nuits-debout-a-bruxelles-et-a-paris/
8. http://www.voltairenet.org/article191127.html
9. Lire S. GEORGE, Cette fois-ci en finir avec la démocratie. Le rapport Lugano II, Paris, Seuil, 2012 ou D. ROUSSEAU, Radicaliser la démocratie. Proposition pour une refondation, Paris, Seuil, 2015.