Par Jean-Bosco Kongolo/DESC-Wondo.org
Le peuple congolais observe et suit attentivement les élections véritablement apaisées, libres et transparentes qui se déroulent dans d’autres pays du continent africains et se demande, à juste titre, quand cela pourrait-il arriver en République Démocratique du Congo? Les plus pessimistes attribueraient notre situation à la convoitise des puissances extérieures, qui n’auraient aucun intérêt à voir notre pays émerger tandis que d’autres donnent raison à l’ancien Secrétaire d’État américain, Henry Kissinger, qui avait dit que « Chaque peuple n’a que des dirigeants qu’il mérite ».
Qu’il s’agisse de la première comme de la deuxième affirmation, nous sommes de ceux qui pensent que l’élite intellectuelle et politique, toutes tendances confondues, est en grande majorité tellement médiocre qu’elle laisse libre cours à ces puissances extérieures de faire ce qu’elles ne font pas exactement ailleurs et ce, à cause du déficit de leadership responsable en RD Congo. Cette élite, au sens du commun des mortels, comprend aussi bien les politiciens « de carrière » (ceux qui concourent à la conquête et à l’exercice du pouvoir) que tous ceux qui, par leur savoir et leur position sociale, devraient jouer le rôle de faiseurs d’opinions et d’éclaireurs de la population majoritairement alphabète. Nous en voulons pour preuve, le simulacre d’élections des Gouverneurs de province qui n’auraient même pas dû avoir lieu si la Constitution avait été strictement et honnêtement observée par cette élite. L’objet de notre analyse est donc de faire ressortir la part de responsabilité des uns et des autres dans la marche à reculons de notre pays vers la démocratie et le développement intégral.
1. La MP et les élections des Gouverneurs sur fond de violation des lois, de ruses et d’intimidations
Tout le monde convient que le simple fait d’organiser les élections ne suffit pas pour faire d’un pays un État démocratique si, d’une part ces élections ne se déroulent pas conformément aux règles établies par les lois du pays concerné ou si, d’autre part, elles sont chaque fois l’objet de contestations elles mêmes engendrées par des fraudes ne permettant pas de rendre les résultats crédibles. A ce sujet, nous affirmions dans notre précédente analyse que « Pour savoir si un pays africain a fait ou non des progrès en matière d’organisation des élections, il suffit d’établir sur une échelle le nombre et la fréquence de contestations, allant de la composition de la Commission Électorale Nationale Indépendante(CENI) jusqu’à la publication des résultats, en passant par le calendrier électoral et les listes des électeurs. »[1]
Loin de placer le pays sur la voie de la démocratie et de l’État de droit, pour lesquels des vies humaines ont été sacrifiées et continuent d’être fauchées, les élections au Congo-Kinshasa constituent au contraire un véritable cauchemar. En cause, la « majorité présidentielle » qui, comme nous l’écrivions en 2015 « La majorité présidentielle (MP) congolaise, pilotée par le PPRD, est unique dans l’histoire des partis politiques au Congo et dans le monde. C’est un super amalgame des partis politiques sans idéologie et n’ayant comme dénominateur commun que la personne de Joseph Kabila pour autant qu’il est encore Président de la République. A l’image du PPRD qui pilote ces centaines de partis, la MP réunit en sein des partis politiques et des gens que naturellement rien ne peut permettre de rapprocher. En effet, on y trouve les mobutistes et ceux qui les avaient chassés du pouvoir, les seigneurs de guerre ayant le sang de leurs compatriotes sur leurs mains et les chrétiens, les lumumbistes héritiers de la pensée de Lumumba et les complices de l’assassinat de ce héros national, les fédéralistes purs et les fédéralistes-séparatistes ainsi que les unitaristes, les opportunistes et les traditionnels vagabonds politiques, toujours en quête de repositionnement. »[2]
En regardant constamment dans le rétroviseur politique du Congo-Kinshasa, l’on se rend facilement compte que les manœuvres de violation de la Constitution et de ruses remontent à 2012, année d’expiration du mandat des députés provinciaux élus en 2007 pour 5 ans, conformément aux dispositions de l’article 197, alinéa 4 de la Constitution[3]. Il est très important de se souvenir qu’en 2011, l’élection présidentielle dont les résultats continuent d’être contestés jusqu’aujourd’hui, a été tellement médiocre que pour conserver les positions déjà acquises et éviter la sanction quasi certaine du souverain primaire aux provinciales, le camp du pouvoir, en complicité avec la Commission Électorale et grâce au silence coupable de l’opposition, avait trouvé politiquement salutaire de garder les mêmes députés provinciaux et, par conséquent, les mêmes Gouverneurs de province. Au seul bénéfice du pouvoir en place, la Constitution de la Troisième République venait ainsi de subir une grave et irréversible violation de sorte que tout ce qui se fait actuellement n’en constitue que les conséquences.
C’est dans le même contexte que, sans justification constitutionnelle ni légale, des Gouverneurs de province viennent d’être élus par des députés au mandat expiré depuis 2012 et qui avaient été eux-mêmes élus au suffrage universel direct pour des provinces qui n’existent plus juridiquement. Comme on peut aisément le constater, si la volonté de corriger l’erreur avait prévalu, la CENI et le Gouvernement auraient dû, à la rigueur, attendre le calendrier global pour organiser ces élections dans toutes les provinces du pays, y compris celles non démembrées. De quelle légitimité peuvent se prévaloir ces Gouverneurs fraîchement « élus » au second degré par des députés non élus eux-mêmes au suffrage universel direct dans leurs nouvelles provinces? De quelle durée sera leur mandat par rapport à leurs collègues des autres provinces non démembrées? La MP peut-elle sincèrement être fière d’avoir gagné des élections organisées sur fond d’intimidation des adversaires, de corruption et dont les résultats étaient d’avance connus de tous? En effet, nous écrivions ceci : «A titre d’exemple, les fuites qui nous sont parvenues d’un compatriote membre de la MP, en provenance de la province de Lomami, signalent que les députés provinciaux et leurs commissaires spéciaux se sont déjà distribué les rôles de la manière ci-après : «Le Gouverneur viendrait de Luilu (ex-territoire de Muene-Ditu), le Vice-gouverneur de Lubao, le Président de l’Assemblée Provinciale sortirait de Kabinda, son Vice de Ngandajika, le Rapporteur serait de Mwene Ditu (Ville), son Adjoint de Kamiji et la seule femme députée (de Luilu) prendrait la Questure][4]
L’opposition peut-elle prétendre aujourd’hui qu’elle n’était pas alertée par des analystes congolais ?
2. L’Opposition politique : Ses contradictions, ses maladresses et ses stratégies stériles
Sous prétexte d’éviter de pratiquer « la politique de la chaise vide », l’opposition politique congolaise est, sciemment ou inconsciemment, partie prenante dans la violation de la Constitution et la déconstruction de la Troisième République. Sans le concours des pressions de la communauté internationale auprès de laquelle elle ne cesse de se lamenter dans ses points de presse, elle ne donne pas l’impression d’exister comme alternative crédible et d’avoir face à elle un adversaire commun : le camp du pouvoir. Issus du même moule sociétal que leurs collègues du pouvoir[5], la plupart des opposants congolais ne sont que des personnalités sans assise populaire à l’échelle nationale. Par sa pluralité, cette opposition ressemble à une équipe de football composée de quelques stars mais sans cohésion pour mener à la victoire, chaque joueur pratiquant un jeu personnel et égoïste non seulement pour son positionnement mais surtout pour éviter que l’autre lui vole la vedette. Entre eux, ils sont opposants les uns envers les autres. L’absence, jusqu’à ce jour, d’un porte-parole de l’opposition parlementaire, prévue par la Loi n° 07/008 du 04 décembre 2007 portant statut de l’opposition politique, conformément à l’article 8 de la Constitution, trouve notamment son explication dans ce qui précède.
Article 8 (Constitution)
« L’opposition politique est reconnue en République Démocratique du Congo.
Les droits liés à son existence, à ses activités et à sa lutte pour la conquête démocratique du pouvoir sont sacrés. Ils ne peuvent subir de limites que celles imposées à tous les partis politiques par la présente Constitution et la loi.
Une loi organique détermine le statut de l’opposition politique. »
Comment, dans ces conditions, cette opposition peut-elle efficacement défendre son statut et concourir valablement à la conquête du pouvoir? C’est ainsi qu’à l’instar des parents qui ferment les yeux sur la prostitution de leurs filles, pour ne pas mourir de faim, les députés de l’opposition ont tous cautionné l’illégalité en ne levant pas le moindre doigt pour dénoncer, en 2012, la non tenue des élections destinées à renouveler les assemblées provinciales, les postes de gouverneurs de province et le Sénat à l’expiration de leur mandat constitutionnel. Outre les communiqués pour la plupart adressés « à la communauté tant nationale qu’internationale », on n’a vu aucun parti politique de l’opposition retirer ses représentants du Sénat ou des Assemblées provinciales du pays. Il en est de même des partis qui ont leurs représentants à la CENI et qui se plaignent eux aussi du fait que cette institution d’appui à la démocratie soit devenue une simple caisse de résonnance de la MP.
S’agissant des élections des Gouverneurs, récemment organisées dans les nouvelles provinces, il y a lieu de constater également la duplicité de certains partis politiques de l’opposition qui, après en avoir dénoncé le caractère illégal et anticonstitutionnel, ont fait le jeu de la MP en y faisant participer leurs candidats. Par cet acte et malgré quelques résultats « positifs », ces partis se sont non seulement décrédibilisés en cautionnant l’illégalité mais ils ont également conforté le camp présidentiel dans sa volonté de gouverner par défi. Il ne sera d’ailleurs pas étonnant que dans un avenir proche, ces quelques assemblées provinciales « gagnées » par ces partis trahissent, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, et renversent les tendances au bénéfice de la MP, comme cela fut le cas dans la ville de Kinshasa et dans les anciennes provinces de l’Équateur et du Kasaï-Occidental.
3. Les magistrats
Membres du pouvoir judiciaire, qui est une des quatre institutions de la République, ils font partie de la classe dirigeante et même politique au sens large, du fait de leurs décisions qui impactent la santé démocratique, l’État de droit et le processus électoral. Ce n’est pas pour rien que l’arrêt aussi erratique qu’honteux de la Cour constitutionnelle a été le prétexte pour le gouvernement, dirigé par la MP, et la CENI d’organiser le simulacre d’élections des gouverneurs des nouvelles provinces avec pour électeurs, des gens sans qualité (voir l’article 197, al. 4 de la Constitution).
Plus grave encore, et contrairement à ce que nous prévenions déjà dans une analyse prophétique d’août 2015, certaines Cours d’appel d’anciennes provinces se sont arrogé le droit d’étendre leur compétence territoriale au-delà de leurs ressorts pour examiner les contentieux électoraux émanant des nouvelles provinces. Or, l’article 19 de la Loi organique no 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire dispose ce qui suit : « Il existe une ou plusieurs Cours d’appel dans chaque province et dans la ville de Kinshasa. Le siège ordinaire et le ressort de la Cour d’appel sont fixés par le décret du Premier ministre. » Le législateur n’a jamais envisagé l’hypothèse, même absurde, d’instituer une Cour d’appel pour deux ou plusieurs provinces. Qu’a-t-on donc fait manger et boire à nos juges des Cours d’appel, anciens collègues, pour qu’ils ferment leurs yeux devant ces règles d’ordre public? Ces juges, sont-ils fiers du « travail » qu’ils ont réalisé ou peuvent-ils être fiers que leurs décisions soient retenues et publiées comme jurisprudence à suivre et à enseigner à la postérité? Quelle sera désormais leur attitude toutes les fois que seront soulevées, dans les affaires sous leur examen, des exceptions d’incompétence territoriale? A cette allure, il y a fort à craindre que désormais, par son influence et/ou grâce à ses relations avec les juges, une partie à un procès désigne, au gré de ses intérêts, la juridiction territorialement compétente pour connaître de son affaire.
A ce sujet précis, voici ce que nous prévenions : « Il ne faut pas être juriste ou juge pour comprendre que s’agissant du ressort, le législateur n’a nulle part prévu d’étendre la compétence territoriale d’une Cour d’appel à plusieurs provinces. Ce serait même violer la Constitution qui attribue la personnalité juridique à chaque province ainsi qu’à chaque entité décentralisée. Ce qui est plutôt légal c’est la possibilité d’en créer plusieurs dans une même province. Actuellement il n’y a que la ville de Kinshasa qui en compte deux (la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe et la Cour d’appel de Kinshasa/Matete) à cause de sa très nombreuse population. » Et nous ajoutions ce qui suit : « Tout étudiant au-delà de la deuxième année en Droit, tout défenseur judiciaire, tout auxiliaire de justice (avocat, greffier, inspecteur de police judiciaire), tout magistrat (juge ou officier du ministère public), et tout juriste sérieux savent, comme un enfant sait dire « maman ou papa », que les règles de compétences sont d’ordre public et que personne ne peut y déroger comme il l’entend. »[6] La moindre des choses aurait été de créer, même précipitamment comme on en a pris l’habitude, de nouvelles Cours d’appel juste avant ces fameuses élections pour donner un semblant de crédibilité. Malheureusement, la MP, le Gouvernement, la CENI et le Pouvoir judiciaire ont fait bloc pour donner force de loi aux caprices d’un individu.
4. Les autres juristes et l’ensemble des intellectuels
Il s’agit ici de tous ceux, détenteurs de diplômes du secondaire ou de l’enseignement supérieur et universitaire que, selon les cas et quels que soient leurs métiers ou professions, les non-instruits considèrent comme intellectuels[7] et assimilent, par conséquent, aux politiciens ou à la classe dirigeante, au sens plus large. Dans certains milieux ruraux d’ailleurs, est politicien tout celui qui parle français et qui est en mesure de comprendre et d’expliquer en « langues » les évènements et phénomènes sociopolitiques pas toujours à la portée des analphabètes. Dans leurs milieux familiaux ou professionnels, ils sont très écoutés et sont, à ce titre, des faiseurs d’opinions. Cependant, toute la question est de savoir s’ils contribuent à rehausser le niveau de la démocratie ou, au contraire, ils se confondent à la masse et tirent la nation par le bas. Une chose est certaine, la population considère globalement que depuis la deuxième République, les intellectuels (surtout juristes) sont responsables du nivellement du pays par le bas « Ba juristes nde babebisa mboko oyo ».
4.1. Les juristes
Juristes, donc connaisseurs « présumés des lois », comme leurs amis magistrats, la plupart d’entre eux sont des avocats et se retrouvent dans tous les arcanes du pouvoir (Présidence de la République, Primature, Parlement, Ministères et autres institutions d’appui à la démocratie) soit comme directeurs de cabinet ou conseillers soit comme eux-mêmes acteurs en tant que chefs de partis politiques, gouverneurs de province, députés nationaux ou provinciaux ou encore responsables au niveau de la société civile dans sa pluralité, en tant présidents des ONG. A titre personnel ou lorsqu’ils sont consultés dans l’exercice de leurs fonctions, ce sont eux qui éclairent leurs boss et sont censés éclairer naturellement l’opinion publique en général sur l’interprétation des lois, qui relève de leur science.
Même s’il faut admettre que le Droit n’est pas une science exacte, il y a tout de même des notions et principes qui ne peuvent subir aucune interprétation partisane en dehors de ce qui est universellement enseigné et pour lesquels, mêmes les profanes n’ont pas besoin de consulter des spécialistes. De la même manière que « devant l’argent, tout le monde est de la même religion », au Congo-Kinshasa, face à l’argent, des professeurs de droit constitutionnel se confondent aux autodidactes et à ceux qui ont appris leur droit sous les arbres, dans des établissements d’enseignement qui n’ont d’Universités que le nom. On les retrouve indistinctement dans la cave (sous-sol) du savoir sans que les plus titrés académiquement se ravisent de monter aux étages supérieurs afin de faire la différence. Le Vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur de la RD Congo M. Evariste Boshab, n’a-t-il pas affirmé haut et fort « qu’on n’a pas besoin de diplômes pour occuper des postes? » Il s’agit là d’une invitation à un nivellement par le bas et un médiocre message à la jeunesse congolaise. C’est ainsi qu’oubliant leur science, certains juristes ont cautionné et même vivement suggéré et soutenu la modification de la Constitution afin d’accorder au Président de la République sortant, un troisième mandat formellement prohibé par la Constitution.
C’est de la même manière que d’autres juristes, chefs ou membres des partis politiques, même de l’opposition, ont accepté sans réserve de participer à un processus électoral des gouverneurs des provinces entaché d’innombrables irrégularités et violant manifestement la Constitution et la loi électorale. Bien que sachant que les règles de compétence des cours et tribunaux, notamment en matière électorale, sont d’ordre public et qu’on ne peut d’aucune manière y déroger, certains avocats, cupides d’argent, ont préparé et introduit pour certains candidats gouverneurs des recours auprès des Cours d’appel des provinces autres que celles où leurs candidatures ont été introduites.
4.2 Les intellectuels
Qu’ils soient civils ou militaires, hommes de Dieu ou laïcs, gouvernants ou gouvernés, au sens congolais du terme, il s’agit de tout celui qui détient un quelconque diplôme qui lui donne une certaine considération parmi des analphabètes et grâce auquel ces derniers l’écoutent, le consultent et lui font confiance. Nos établissements d’enseignement supérieur et universitaire, au nombre impressionnant, en produisent par milliers chaque année à l’échelle nationale, sans compter ceux qui sont formés dans des universités et autres grandes écoles des pays étrangers. Mais lorsqu’on regarde le parcours politique, économique et social du pays, comparativement aux autres pays africains qui n’ont pas les mêmes ressources que nous, le Congo-Kinshasa donne l’impression de souffrir du déficit de son élite. Tout cela, à cause de l’orgueil, de la cupidité, du manque d’humilité, du tribalisme, de la jalousie et surtout de l’absence d’une vision scientifique de notre territoire.[8]
En effet, une fois sorti de sa formation académique, l’intellectuel congolais considère qu’il connaît tout, même dans les domaines d’expertise qui ne sont pas siens, et n’a plus besoin de se cultiver ou de se mettre à jour. Ils sont rares, les intellectuels congolais, au pays comme dans la diaspora, qui achètent des livres pour continuer de se former ou simplement pour apprendre ce que les autres écrivent notamment sur le Congo. Or, tous les complots ourdis contre le Congo et son peuple se trouvent dans des ouvrages des auteurs qui se disent spécialistes du Congo ou des Grands-Lacs. Il avait raison, l’Américain qui avait dit que « Pour cacher quelque chose à un africain, mettez-le par écrit. » Ils n’assistent jamais à des conférences sur l’actualité nationale ou internationale pour forger leurs arguments à utiliser dans des discussions entre amis ou avec des étrangers mais ne sont là que pour dénigrer leurs compatriotes. Il suffit de se connecter aux réseaux sociaux, conçus pour faciliter les échanges, pour se rendre compte de cette médiocrité. Plusieurs « universitaires » congolais, parmi lesquels nos anciens collègues hauts magistrats (jusqu’à la Cour suprême de justice) ne sont même pas connectés à l’Internet, cet outil postmoderne de la démocratisation du savoir.
Malgré les moyens technologiques de communication et d’information, ceux qui résident au pays renient à leurs frères et sœurs de la diaspora la capacité d’être bien informés sur l’actualité nationale ou carrément les traitent d’aigris ou d’opposants au régime. C’est ainsi qu’un ami ne s’était nullement gêné de nous écrire pour nous exprimer « gentiment » qu’il n’avait pas besoin de recevoir nos analyses. Lorsque par concours de circonstances, ils sont appelés à exercer de hautes fonctions, ils évitent de recourir à la collaboration de leurs compatriotes bien formés, pour privilégier celle de leurs « frères et sœurs » tribaux qui ne rehaussent pourtant pas leur prestation et qui n’apportent aucune contribution à la nation. Lorsqu’ils s’intéressent à la politique, ils préfèrent ne pas dévoiler leur véritable position idéologique afin de continuer de manipuler le peuple et profiter aisément des propositions alléchantes venant même de celui qu’ils ont tout le temps critiqué. Avec la désignation des candidats présidents de la République qui vient de démarrer, plusieurs d’entre eux surveillent l’espace politique en quête du meilleur positionnement.
Dans tout cela, le plus grand perdant, c’est le peuple congolais dans son ensemble, qui ne sait plus à quel saint se vouer et qui renforce sa conviction datant des années 1960, selon laquelle « La politique c’est l’art du mensonge. ». C’est pourquoi, intellectuels et illettrés ont tous indistinctement jubilé de retrouver les leurs (ethniquement parlant), nommés Commissaires spéciaux ou élus Gouverneurs de province en violation honteuse de la Constitution. Que peut-on attendre d’une telle « élite », qui n’est pas capable de respecter le pacte social qui régit son pays?
Conclusion
Il n’est plus normal, 56 ans après l’indépendance, de toujours imputer aux puissances extérieures le retard que connaît notre pays sur les plans politique, économique et social, comme si ces pays nous enjoignent de violer nos propres lois ou si, lors de chaque scrutin, leurs peuples viennent voter à notre place. Pourtant, sur chacun de ces plans et avec peu de ressources humaines et naturelles que le Congo-Kinshasa, plusieurs pays africains sont parvenus à sortir leurs têtes de l’eau grâce au patriotisme et au leadership visionnaire de leurs élites.
Il n’est pas non plus normal de permettre continuellement que chaque fois que le pays tente d’avancer, qu’un groupe d’individus provoque intentionnellement des crises pour ensuite justifier la tenue des dialogues et autres concertations qui le ramènent plusieurs années en arrière.
L’élite congolaise ayant montré ses limites et son égoïsme, nous pensons que seule une remise en question absolue, ou mieux une révolution populaire est à même d’écarter définitivement tous les aventuriers qui se croient tout permis et qui ont pris le pays en otage. Honnis soient ceux qui appelleront cela de la subversion mais en réalité, il n’y a pas mille manière de mettre fin à la récréation qui dure depuis l’accession de notre pays à l’indépendance[9]. Nous voudrons terminer cette analyse par cette recommandation de feu Aubert-Kizito Ntite Mukendi, un des témoins privilégiés de l’évolution politique de notre pays, dans une interview qu’il avait accordée en juin 2010 au journaliste Claude Kangudie de Mbokamosika : «La première chose, nous devons redevenir un pays des Congolaises et de Congolais. Nous devons, absolument, nous réapproprier notre pays. Alors à partir de ce moment-là, nous pouvons définir notre décollage».
Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste&Criminologue
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[1] Jean-Bosco Kongolo M., 2016. Preuves de collusion entre la majorité présidentielle et la CENI, In http://desc-wondo.org/fr/preuves-de-collusion-entre-la-ceni-et-la-majorite-presidentielle-mp-jb-kongolo/.
[2] JB Kongolo. 2015. Quel avenir pour les partis politiques du Congo-Kinshasa?, http://desc-wondo.org/fr/rdc-radioscopie-des-partis-politiques-mode-demploi-et-prospective-jb-kongolo/.
[3] Article 197, al.4 de la Constitution : « L’Assemblée provinciale est l’organe délibérant de la province. Elle délibère dans le domaine de des compétences réservées à la province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux.
Elle légifère par voie d’édit.
Ses membres sont appelés députés provinciaux.
Ils sont élus au suffrage direct et secret ou cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable. »
[4] In http://desc-wondo.org/fr/preuves-de-collusion-entre-la-ceni-et-la-majorite-presidentielle-mp-jb-kongolo/#sthash.mJgKE4k7.dpuf.
[5] JB Kongolo. 2015. Cap sur les élections générales en RD. Congo : « Émanation de la faune politique congolaise et pareille à la majorité au pouvoir, l’opposition congolaise est tellement plurielle qu’il faut être initié pour distinguer qui est véritablement opposant et qui ne l’est pas ou à quoi et à qui on s’oppose réellement. A quelques rares exceptions près, cette « opposition » est composée majoritairement d’hommes et de femmes qui n’ont ni idéologie, ni ambition, ni moyens financiers et matériels pour conquérir le pouvoir. L’activité principale de ces messieurs et dames est la quête permanente, grâce aux médias de coupage, de positionnement afin de sauter à la première occasion sur la mangeoire dès qu’on les y invite », http://desc-wondo.org/fr/cap-sur-les-elections-generales-en-r-d-congo-jean-bosco-kongolo/.
[6] JB Kongolo.2015. Ce qui arrive quand le politique ignore le juridique, In http://desc-wondo.org/fr/rdc-ce-qui-arrive-quand-le-politique-ignore-le-juridique-jean-bosco-kongolo-m/.
[7] Wikipédia, « Un intellectuel est une personne dont l’activité repose sur l’exercice de l’esprit, qui s’engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés ou pour défendre des valeurs, qui n’assume généralement pas de responsabilité directe dans les affaires pratiques1, et qui dispose d’une forme d’autorité. L’intellectuel est une figure contemporaine distincte de celle plus ancienne du philosophe qui mène sa réflexion dans un cadre conceptuel. », https://fr.wikipedia.org/wiki/Intellectuel.
[8] Tshibwabwa, S., 2016. Les Scientifiques congolais et la Remise en question de Mabika Kalanda. In Tshisungu wa Tshisungu, J. (eds). Mabika Kalanda et le XXIe siècle congolais. Ed Glopro, Canada].
[9] JB Kongolo.2015, Cap sur les élections générales en RD Congo, op.cit : « C’est ça aimer son pays et que la justice congolaise, instrumentalisée et sans scrupule, qualifie d’incitation à la désobéissance civile, d’incitation à la propagande subversive, d’atteinte à la sûreté intérieure de l‘État, d’incitation des militaires à commettre des actes contraires à la loi et à la discipline, d’association des malfaiteurs, etc. »