Par Jean-Pierre Mbelu
« Le culte de la personnalité rendu positivement ou négativement peut détourner le pays de la nomination du système de sa régression anthropologique et de l’instrumentalisation des copains et des coquins comme marionnettes au grand dam des masses populaires imbécillisées. Ce culte crée des fanatiques incapables de penser ledit système. Il est d’une grave nocivité pour »le nous collectif ». » – Babanya
Le 03 mai 2023, il s’est passé quelque chose de merveilleux au Togo : une rencontre entre dix pays africains soucieux de jeter les bases d’une Alliance Politique Africaine. Etudier les orientations majeures de cette APA remonte le moral et permet de prendre une petite distance vis-à-vis de la régression anthropologique dont témoignent plusieurs compatriotes.
Manipulation des identités tribales : un spectacle hideux
En effet, la régression anthropologique dont souffre le Kongo-Kinshasa induit un culte de la personnalité conduisant à l’évitement d’une remise en question sérieuse du système détruisant « le nous collectif » et instrumentalisant les identités au grand dam de la cohésion nationale.
Pendant que plusieurs Kongolais choisissent la voie du culte de la personnalité et de l’instrumentalisation des identités tribales, ailleurs, dans plusieurs pays africains, les appels à l’unité, au panafricanisme et à la reconquête d’une réelle souveraineté se multiplient.
Cette instrumentalisation des identités tribales est une épée de Damoclès sur la tête du Kongo-Kinshasa. Elle peut, à tout moment, produire l’implosion et la balkanisation du pays. Elle constitue un spectacle hideux dont s’emparent les réseaux sociaux au point de plonger plusieurs compatriotes dans un certain désespoir au sujet de notre devenir collectif.
Pendant que plusieurs Kongolais choisissent la voie du culte de la personnalité et de l’instrumentalisation des identités tribales, ailleurs, dans plusieurs pays africains, les appels à l’unité, au panafricanisme et à la reconquête d’une réelle souveraineté se multiplient. Pendant ce temps, une autre Afrique est en train de naître. Ailleurs, quelques pays africains estiment que la renaissance africaine est l’une des meilleures voies à suivre pour une Afrique réellement indépendante et souveraine.
Sortir des sentiers battus
Pour ces pays, sortir des sentiers battus est vital pour l’Afrique dans un monde tourné de plus en plus vers la multipolarité. Se rencontrant au Togo, leurs « ministres ont salué l’initiative togolaise de lancement de l’Alliance politique africaine qui permettra, par-delà les cadres habituels de coopération existants, de fédérer les nations africaines, qui sont convaincues des idéaux du panafricanisme et déterminées à œuvrer pour une Afrique décomplexée, politiquement forte, non-alignée, indépendante et agissant de façon souveraine sur la scène internationale. » (AFRIQUE : Lancement de l’Alliance politique africaine à Lomé – Afrique Education )
Les Alliés Politiques Africains estiment que la renaissance d’une Afrique souveraine implique des ruptures épistémologiques, culturelles, intellectuelles, symboliques et idéologiques.
Optant pour « le principe de non-alignement » cher à l’ OUA, ces « ministres ont souligné la nécessité pour l’Afrique de se constituer en une force politique indépendante, souveraine, s’autodéterminant politiquement et agissant en toute liberté sur la scène internationale » et « ont, également, souligné la nécessité pour l’Afrique de s’émanciper de toute tutelle étrangère, quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne, et d’œuvrer à se préserver des influences et ingérences extérieures, qui sont, parfois, des facteurs de crises et d’instabilité sur le continent. »
Ils ont compris que la mutualisation des efforts, le fait de parler d’une seule voix en vue d’agir collectivement et de défendre ensemble les intérêts africains sur la scène internationale est un meilleur choix pour une Afrique libre et consciente de ses responsabilités.
Les Alliés Politiques Africains estiment que la renaissance d’une Afrique souveraine implique des ruptures épistémologiques, culturelles, intellectuelles, symboliques et idéologiques. Se projetant déjà dans l’avenir, ils entendent faire de l’APA, périodiquement, « un cadre ce concertation et de dialogue politique et d’actions communes fondé sur les liens historiques de fraternité et les principes d’égalité souveraine des Etats, d’indépendance, d’interdépendance et d’unité d’action. »
Les vassaux ne sont pas des pièces d’un jeu d’échec
Comment en sont-ils arrivés là ? Après avoir fait le constat de l’inefficacité des institutions classiques africaines et internationales au sujet des drames que connaît l’Afrique tels que le terrorisme et la guerre. Donc, ils ont opté pour une voie alternative en réunissant, pour commencer, dix pays : l’Angola, le Burkina Faso, la République Centrafricaine, le Gabon, la Guinée, la Libye, le Mali, la Namibie, la Tanzanie et le Togo.
Les vassaux ne sont pas de simples pièces d’un jeu d’échecs pouvant être facilement manipulées par un seul et unique joueur. Ce sont des êtres humains dotés de raison ; il est probable, pour ne pas dire certain, qu’un excès de pouvoir ressenti comme injuste provoquera non seulement du ressentiment, mais également une résistance efficace.
Il y a, dans le chef de ces pays, un appel à rompre avec les différentes formes de vassalité. Ce faisant, ils semblent donner raison à Peter Dale Scott, lorsque, critiquant le fléau de l’expansionnisme pratiqué par « l’impérialisme intelligent » dont le « Grand Echiquier » de Brzezinski faisait la propagande, il écrit : « Les vassaux ne sont pas de simples pièces d’un jeu d’échecs pouvant être facilement manipulées par un seul et unique joueur. Ce sont des êtres humains dotés de raison ; il est probable, pour ne pas dire certain, qu’un excès de pouvoir ressenti comme injuste provoquera non seulement du ressentiment, mais également une résistance efficace. [1]»
Il me semble que l’Alliance Politique Africaine s’inscrit désormais dans cette logique du ressentiment et d’une résistance se voulant efficace.
Cette Afrique et ces Africains mutualisant leurs efforts sont en train rompre avec le culte de la personnalité pratiqué par les fanatiques kongolais au profit de plusieurs de leurs « gourous » ayant choisi la voie de la vassalité et de l’esclavage volontaire.
Conclusion : Renaissance Africaine et Kongo-Kinshasa
Cette Alliance Politique Africaine parle de principes, de dialogue, de concertation, de l’Afrique, de sa souveraineté, de sa renaissance, son refus de toutes formes de tutelle, de causes communes, de fraternité, de panafricanisme, d’égalité souveraine entre les Etats, d’interdépendance, etc. Elle voit grand. Elle rejette l’enfermement dans la manipulation des identités tribales.
Elle a compris, longtemps après Lumumba et Kwame Nkrumah, que l’Afrique doit s’unir et que pour cela, elle doit commencer quelque part.
Cette Alliance Politique Africaine signe le début de la fin du temps des humiliés[2] africains. Le Kongo-Kinshasa finira-t-il par entendre raison et s’inscrire dans cette perspective dans la renaissance d’une Afrique souveraine et panafricaniste en rompant avec ses politicards, agents de la politique du « diviser pour régner » ? C’est possible…
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
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[1] P. DALE SCOTT, La machine de guerre américaine. La politique profonde, la CIA, la drogue, l’Afghanistan, Paris, Demi-Lune, 2012, p.263. [2] Lire B. BADIE, Le temps des humiliés. Pathologie des relations internationales, Paris, Odile Jacob, 2014.