Par Jean-Pierre Mbelu
« Déchiffrer ta parole illumine, et les simples (humbles) comprennent. »
Ce verset du psaume 118 est tout un enseignement. La Parole de Dieu est livrée à son déchiffrage, à son interprétation. Le fondamentalisme évite de se livrer à cet exercice très exigeant. Il exige que le texte soit d’abord situé dans son contexte et réponde, entre autres, aux questions du genre : « Ce texte vient d’où. Quand est-il écrit ? Dans quelle langue ? Qui est l’orant ? Quelle approche a-t-il de « Dieu » ? De quel « Dieu » s’agit-il ? Qu’est-ce qui donne sens à cette prière ? »
Les »simples », »les humbles » sont ces humains sachant qu’ils sont faits d’un peu de terre, ont conscience de leur fragilité, de leur vulnérabilité, du fait qu’ils ne peuvent tenir dans cette existence qu’en faisant fructifier leur lien avec la Source de leur Vie, avec eux-mêmes et avec les autres. Ils font de cette reliance le fondement de leur Vie.
Dès qu’ils déchiffrent « la Parole », ils la comprennent. C’est-à-dire qu’ils la prennent avec eux et en eux ; ils y restent fidèle afin qu’elle puissent leur donner du discernement et de la lucidité nécessaires au sens à donner à leur pèlerinage sur cette terre des hommes. Souvent, le déchiffrage de cette »Parole » demeure un balbutiement confronté aux dangers permanents d’anthropomorphisme et de perversité. (Lire M. BELLET, Le Dieu pervers, Paris, Descelée de Brouwer, 1998) Il se fait dans le contexte de la foi et a une orientation performative.
Alors, quand nous disons : Tout pouvoir vient de « Dieu », que voulons-nous dire ? Comment s’exerce le pouvoir qui vient de « Dieu ». Lisons encore ces versets du psaume 71 (dit de Salomon):
Dieu donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
Qu’ils fasse droit aux malheureux !
Les pouvoirs du fils de roi sont ceux de « Dieu ». Et le peuple aussi. Il est un peuple d’autrui. Il n’est pas la propriété privée du gouvernant. Celui-ci est appelé à le gouverner dans le respect du droit et de la justice. Dans ce contexte théocratique, il arrivait que les rois soient interpellés par les prophètes lorsque la justice sociale venait à faire défaut. Le prophète Amos est l’un des exemples de ces prophètes.
Tout ceci est à replacer dans un contexte où la foi en Dieu est la chose la plus partagée dans sa performativité.
Et pour les Chrétiens, le meilleur horizon d’interprétation est la vie de Jésus de Nazareth. Il encense les acteurs du monde nouveau en Matthieu 25, 31-40. Ses disciples sont ces acteurs du monde nouveau dans la mesure où leur vie, fondée sur l’Amour inconditionné, est tournée vers les autres, vers l’échange et le partage (Ils partagent à manger et à boire. Ils couvrent ceux et celles qui sont nu(e)s. Ils font du bien aux malades et aux prisonniers. Ils ouvrent leurs bras aux étrangers, etc.)
Dans le contexte de la foi, lorsque nous disons »Dieu », nous avons les Ecritures comme référence. Les déchiffrer nous exigent un minimum de bagage intellectuel, le discernement et la lucidité que donne le Souffle du Très-Haut. Il est un Esprit de courage, d’intelligence, de sagesse, de piété et de force dont le fruit nous est partagé par St Paul dans Galates 5,22.
(Le bagage intellectuel s’appelle Histoire des religions, Exégèse, Herméneutique, Philosophie analytique, Philosophie du langage, théologie biblique, etc.)
Babanya Kabudi