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Le Kongo-Kinshasa et la corruption des coeurs et des esprits

Le Kongo-Kinshasa et la corruption des coeurs et des esprits

Le Kongo-Kinshasa et la corruption des coeurs et des esprits 1080 599 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« Le pouvoir de l’argent sous le néolibéralisme doit contaminer toutes les relations sociales et assurer la construction d’individus néolibéraux qui ne devraient qu’à eux-mêmes leurs succès ou la responsabilité de leurs échecs. » – Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot

L’appauvrissement anthropologique des populations kongolaises est en train, depuis bientôt plus de trois décennies, de déstructurer les coeurs et des esprits, de les corrompre et de les désorienter au point de les pousser à adopter des attitudes opportunistes et/ou compromettantes face au « dieu Mammon ».

Des frères et des soeurs achetables par des psychopathes

Des politicards kongolais s’habituent à acheter les jeunes, les adultes, les vieux et les vieilles pour les entraîner dans une approche exclusivement marchande de la vie. Ils font de leurs frères et soeurs, des biens achetables. Ce faisant, ils détruisent, petit à petit, la vie dans ses principes essentiels que sont, entre autres, la justice, la solidarité et la vérité.

Les jeunes apprennent que ceux qui se préparent à gouverner le pays s’inscrivent dans la logique de la réification de l’humain. Et comme la justice n’intervient pas pour barrer la route à ces corrupteurs, le pays s’apprête à être fondé sur la chosification de l’humain, sur la primauté de l’avoir sur les valeurs faisant partie de ses marqueurs.

Avant, après et au cours de certaines manifestations organisées par ces politicards, des scènes de partage d’argent ou des disputes autour de la mauvaise distribution de l’argent perçu sont souvent observées. Des jeunes reçoivent cet argent. Après, il y en a qui répondent au mort d’ordre accompagnant cette perception de l’argent ou refusent de le suivre et l’exhibent publiquement tout en disant : « Nous avons reçu cet argent d’un politicard X ou Y. Nous le bouffons parce que c’est l’argent du pays. » Après cette confession publique, tout se passe comme si cette corruption de la jeunesse n’avait pas eu lieu. Et les politicards corrupteurs peuvent poursuivre leur petit bonhomme de chemin comme si de rien n’était.

Ce faisant, les jeunes apprennent que ceux qui se préparent à gouverner le pays s’inscrivent dans la logique de la réification de l’humain. Et comme la justice n’intervient pas pour barrer la route à ces corrupteurs, le pays s’apprête à être fondé sur la chosification de l’humain, sur la primauté de l’avoir sur les valeurs faisant partie de ses marqueurs.

Tel est le contexte dans lequel, les luttes et les guerres pour l’accès à l’avoir constituent un sacrifice sanglant permanent imposé au plus grand nombre par les « mammonistes vampires », leurs fanatiques, leurs thuriféraires, leurs tambourinaires et leurs applaudisseurs. Dans ce contexte dominé par « la « tétrade noire » (machiavélisme, narcissisme, psychopathie et sadisme) » décriée par le le Pr Jordan Peterson, (cfr Jean Michel-Dominique), les médias kongolais participent de la lobotomisation et du décérébrage du plus grand nombre.

Une entreprise déshumanisante en médiocratie

Les « mammonistes vampires » kongolais arrimés à leurs parrains prédateurs éprouvent beaucoup de difficultés à rompre avec le monde unipolaire dominé par le capital financier et néolibéral. Ils en sont les vassaux invétérés, contrairement à plusieurs compatriotes africains des pays tels que le Mali, le Burkina Faso et la République Centrafricaine, par exemple. Malheureusement, « la régression anthropologique du néolibéralisme, pour lequel aucun secteur de l’existence sociale et psychique ne doit lui échapper, aboutit à une déshumanisation au profit d’une idéologie technique, comptable, chiffrée, financiarisée qui considère l’être humain comme une simple marchandise. Cette violence est tue, naturalisée, déniée et dépolitisée.[1]»

Au cours de cette entreprise de déshumanisation, la solidarité sociale, la lutte contre la pauvreté et les inégalités ne sont pas inscrites à l’agenda des « mammonistes vampires » fabricant des esclaves , adeptes de la culture nihiliste et mortifère de la machette. Cette entreprise déshumanisante marche de pair avec « la médiocratie ».

Une rupture possible. Passer de la population au peuple

Que faire pour rompre avec elle ? La rupture avec « la médiocratie »[2] est l’une des pistes. Là où les principes essentiels de la vie ont connu la corruption, il est souhaitable qu’ils soient remplacés par des principes de la régénération. Les principes de la dignité humaine, de la liberté, de la paix, de la justice, de la vérité et de la solidarité, de l’amitié et de la coopération devraient se substituer aux principes mortifères de la servilité, de la vassalité, de la compétitivité et de la concurrence auxquels sont soumis les « mammonistes vampires ». Cette substitution n’aura pas lieu par un coup de baguette magique. Elle doit être cultivée et transmise par « les minorités organisées et éveillées » guidées par une leadership collectif ayant de la voyance.

Il y a des efforts à déployer pour transformer les masses populaires kongolaises en un peuple. Si la population est constituée de personnes partageant un espace commun, un peuple advient par les luttes qu’ il mène ensemble sur le temps long, qui le mettent debout et le poussent à bâtir un pays plus beau qu’avant en produisant de l’intelligence collective et un « nous fraternel et solidaire ».

Elles devraient se fixer comme objectif à court, moyen et long terme, le changement des rapports de force entre la minorité des « mammonistes vampires » et le peuple.

A ce point nommé, il y a des efforts à déployer pour transformer les masses populaires kongolaises en un peuple.

Si la population est constituée de personnes partageant un espace commun, un peuple advient par les luttes qu’ il mène ensemble sur le temps long, qui le mettent debout et le poussent à bâtir un pays plus beau qu’avant en produisant de l’intelligence collective et un « nous fraternel et solidaire ».

Un peuple, c’est « l’ensemble des héritiers d’une même histoire, soit une population façonnée par le temps. Elle lui doit sa langue, sa religion, ses habitudes alimentaires, une façon de s’habiller et, en général accompagnant ces traits distinctifs, une certaine fierté, sentiment qu’exaspère la présence prolongée d’intrus sur son sol qui n’est pas le leur.[3]»

Donc, un peuple, c’est l’ensemble des héritiers des luttes et des rêves des aïeux, enracinés dans leurs tribus, clans ou ethnies en vue de les convertir, souverainement, en actions émancipatrices des chaînes esclavagistes, néocoloniales et néolibérales en vue la production d’un « biso », d’un « nous collectif cohérent » et de la conjuration de la malédiction de la marchandisation de la vie.

Une petite conclusion : la loi du nombre peut faire la différence

A l’approche de toutes les « élections-pièges-à-cons », le Kongo-Kinshasa est toujours menacé par les démons de son implosion et de sa balkanisation que servent « les mammonistes vampires ». Il appartient aux « minorités organisées, éveillées, patriotes et souverainistes» d’ouvrir l’oeil et le bon ; et de travailler sans relâche à la transformation des populations kongolaises en peuple. En un peuple connaissant ses ennemis intérieurs et extérieurs. En un peuple courageux, conscient de ses droits mais aussi de ses devoirs et de ses obligations face à la minorité des « mammonistes vampires». En un peuple se rappelant qu’il est, comme l’avait souligné le Pape François, le meilleur diamant de son pays.

La loi du nombre peut jouer dans la balance du renversement antagonistique des rapports de force.

 

Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

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[1] M. PINCON et M. PINCON-CHARLOT, Les prédateurs. Main basse sur notre avenir, Paris, Textuel, p.59-60.

[2] A. DENEAULT, La médiocratie, Paris, Lux, 2015.

[3] R. DEBRAY, Civilisation. Comment sommes-nous devenus américains, Paris, Gallimard, 2017, p. 115.

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