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Un nouveau gouvernement au Kongo-Kinshasa. Est-ce que la forme suffit ?

Un nouveau gouvernement au Kongo-Kinshasa. Est-ce que la forme suffit ?

Un nouveau gouvernement au Kongo-Kinshasa. Est-ce que la forme suffit ? 669 459 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« Je ne comprends pas pourquoi des gens meurtris, affamés, frappés par le chômage et tous genres de calamités chantent à notre gloire alors qu’ils devraient nous exiger plus comme c’est le cas en occident » dixit Félix Tshisekedi.

Des compatriotes auraient souhaité que les choses aillent vite comme au Sénégal. Qu’un gouvernement se mette vite en place au Kongo-Kinshasa. Mais pour quoi faire ? Ils répondent : « Pour répondre aux préoccupations des Kongolais(es) ». Très bien.

Evaluer collectivement le gouvernement sortant

Ne serait-il pas d’abord souhaitable de procéder à une évaluation collective du gouvernement sortant ? Quel a été son programme ? Qu’est-ce qu’il a pu réaliser ? Qu’est-ce qu’il n’a pas pu faire ? Pourquoi ? Quels étaient ses objectifs ? Qu’a-t-il disposé comme idées, moyens et compétences pour les réaliser ? Sur quels principes était-il fondé ? Dans quel contexte ? Quelles sont les réalités face auxquelles il a été confronté ? Le contexte et les réalités ont-ils changé ? S’ils n’ont pas changé, quelles garanties y a-t-il pour soutenir que le prochain gouvernement pourrait mieux faire ? Va-t-il mettre en place des mécanismes de reddition régulier des comptes pouvant pousser ou pas les populations kongolaises à croire que leurs attentes pourraient être réalisées ? Bref, les attentes d’un nouveau gouvernement sont-elles habitées par des questions pour lesquelles les compatriotes pourraient, au quotidien, attendre des réponses concrètes ?

Ne serait-il pas d’abord souhaitable de procéder à une évaluation collective du gouvernement sortant ? Quel a été son programme ? Qu’est-ce qu’il a pu réaliser ? Qu’est-ce qu’il n’a pas pu faire ? Pourquoi ? Quels étaient ses objectifs ? Qu’a-t-il disposé comme idées, moyens et compétences pour les réaliser ? Sur quels principes était-il fondé ? Dans quel contexte ? Quelles sont les réalités face auxquelles il a été confronté ? Le contexte et les réalités ont-ils changé ? S’ils n’ont pas changé, quelles garanties y a-t-il pour soutenir que le prochain gouvernement pourrait mieux faire ?

S’habituer à poser les questions telles que celles susmentionnées peut aider à avoir les deux pieds sur terre. Cela pourrait éviter, par exemple, que la négligence du contexte néocolonial et néolibéral dans lequel ce gouvernement pourrait travailler n’aide les compatriotes à comprendre que les dés sont pipés.

Entendons-nous bien. Cela ne signifie pas que dans ce contexte, quelques routes, quelques hôpitaux, quelques écoles pourraient être construits. Non. Cela signifie que tout ceci construit sur fond des principes mortifères pourrait servir à très peu de choses. Et que les puissances néocoloniales et néolibérales participant à leur construction peuvent, quand bon leur semble, les détruire ou en geler le fonctionnement optimal.

Tenir compte du contexte

Pour dire les choses autrement, le contexte dans lequel un gouvernement se forme est plus important que ce qu’il peut réaliser. Des réalisations faites dans un contexte néocolonial et néolibéral peuvent être détruites à tout moment par ceux qui tiennent le cordon de la bourse. Donc, la forme d’un gouvernement ne suffit pas. Surtout là où il n’y a pas des mécanismes de contrôle permanent et une souveraineté garantie.

Le contexte dans lequel un gouvernement se forme est plus important que ce qu’il peut réaliser. Des réalisations faites dans un contexte néocolonial et néolibéral peuvent être détruites à tout moment par ceux qui tiennent le cordon de la bourse. Donc, la forme d’un gouvernement ne suffit pas. Surtout là où il n’y a pas des mécanismes de contrôle permanent et une souveraineté garantie.

Tenez. Des compatriotes s’habituent à se mentir eux-mêmes. Ils savent, par exemple, que plusieurs candidats gouverneurs des provinces et sénateurs se préparent à corrompre leurs électeurs ; c’est-à-dire des députés provinciaux. Et ces compatriotes voudraient que ces corrupteurs et ces corrompus se mettent, demain, à leur service. C’est fou. Ils ont opté, dès le départ pour la médiocratie. Et surtout dans un pays où tous ces députés ne sont pas liés par un mandat impératif. Il en va des députés provinciaux tout comme des députés nationaux.

Dans un pays sérieux, une évaluation du fonctionnement de tous ces parlements depuis 2006 aurait pu être organisée pour pouvoir dire s’ils sont encore nécessaires ou pas. En fait, la forme des institutions peut être trompeuse. Elles peuvent être vides de contenu et de sens. Elles peuvent être légales sans se légitimer dans leur mode de fonctionnement. Elles peuvent être à la fois des institutions ratées et manquées.

Il se pourrait que notre attrait pour « la forme » au détriment du « fond » ait quelque chose à voir avec notre histoire et notre mémoire collective. Est-ce un hasard que plusieurs parmi les compatriotes aiment un peu plus « la forme » ? Qu’est-ce qu’on entend par « la forme » chez nous ? Ce sont les belles apparences. Elles peuvent cacher un fond hideux et corrompu, ce n’est pas un problème.

Donc, au Kongo, « la forme » réussie peut donner accès à tout même si le fond est vide. N’est-ce pas sur « la forme » que nous avons voulu bâtir « notre grandeur » en négligeant le fond ? N’est-ce pas au nom de « la forme » que nous avons embrassé et fabriqué des « monstres » que nous avons de plus en plus du mal à dompter ? Cela fait que notre « eloko ya makasi » sans fond est toujours menacé de disparition. Dieu merci ! Des patriotes amoureux du fond sont au front. Dieu merci !

Habiter « notre grandeur »

Donc, pour habiter « notre grandeur », nous avons un devoir et une responsabilité : faire de la forme l’alliée indispensable du fond (pétri des valeurs structurantes) dans un contexte souverainiste où le devoir de redevabilité est permanent et populaire, dans un contexte où , en attendant l’avènement d’une tradicratie promotrice des collectifs citoyens défendant leurs intérêts sur une pyramide renversée, le mandat impératif fait partie du fonctionnement normal du parlementarisme, où la possibilité d’un référendum révocatoire existe et où le principe de subsidiarité guide des minorités éveillées, résistances, dissidentes et résilientes ayant rompu avec l’infantilisme et le paternalisme induisant les cris immatures du genre « gouvernement talela biso likambo oyo ».

Nous avons beaucoup plus besoin de ces minorités formant une masse critique que d’un gouvernement formel sans fond consistant. Il y va du changement systémique de paradigme.

 

Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

INGETA.

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