Par Jean-Pierre Mbelu
« L’approche systémique signale que les faits doivent être mis en relation, en chaîne et inscrits dans le temps long. Montrer les mécanismes permet de situer le niveau des enjeux où il faut agir. »– E. Domb et alii
Depuis quelques semaines, la télévision kongolaise accueille des compatriotes journalistes, historiens, activistes de la société civile, militaires, politiciens, etc. afin de conter publiquement la mémoire de la guerre raciste de prédation et de basse intensité imposée au pays depuis une trentaine d’années. Les luttes perdues sont celles qui ne sont pas menées, dit-on.
Place des victimes du GENE-COST et 30 ans, ça suffit
Ces dernières années, des kongolais(es) mobilisé(es) comme un seul homme ont pu peser de tout leur poids dans la balance des rapports de force kongolais afin d’obtenir le départ des casques bleus de l’ONU du pays. Aujourd’hui, cela est en train de devenir une réalité. Il en va de même au sujet de la campagne orchestrée par plusieurs jeunes au pays et dans plusieurs pays du monde afin que le génocide kongolais soit officiellement reconnu par les gouvernants. Encore une fois, cette lutte a produit ses fruits. A Kinshasa, il y a, sur la place autrefois dénommée »place des évoluées » une plaque portant cette inscription : « Place des victimes du GENE-COST ».
Les luttes perdues sont celles qui ne sont pas menées, dit-on.
Le choix de « 30 ans, ça suffit » comme thème rendant vivante la mémoire kongolaise de la guerre que les mondialistes apatrides mènent au pays par procuration est aussi une victoire d’une lutte perpétuelle des patriotes, résistants et dissidents kongolais en vue de combattre l’amnésie entretenue sur « le génocide » en cours au coeur de l’Afrique.
Les émissions organisées autour de ce thème semblent être orientées de façon que les Kongolais(es) ne tombent pas dans les travers où ont sombré des pans entiers des populations du monde ont été massivement « génocidés » sans laisser des traces. Eviter ces travers, c’est armer les jeunes générations kongolaises d’une mémoire critique pouvant leur permettre de bâtir un pays plus beau qu’avant.
La question de l’audience
Néanmoins, la question de l’audience pouvant être atteinte par ces émissions se pose dans un pays où le courant électrique est une denrée rare et où la pratique de la justice sociale est remise aux calendes grecques. Avoir accès aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, à la radio ou à la télévision demande un minimum de moyens matériels. Qui en dispose aujourd’hui dans un pays où les masses populaires sont appauvries au quotidien par des mammonistes vampires ?
Ces émissions, malgré le fait qu’ils sont indispensables dans un pays où l’accès au livre et à l’alphabétisation fonctionnelle font cruellement défaut, posent des questions du fonctionnement systémique du pays. Comment les suivre sans avoir du courant ? Comment avoir du courant sans un emploi digne de ce nom pour payer la facture ? Comment avoir du courant dans un pays où des sommes énormes destinées aux barrages sont détournées et le matériel abandonné ? Comment revenir sur le droit chemin dans un pays où l’impunité et la corruption sont très loin d’être éradiquées ?
Une autre question que soulèvent ces émissions est celle du privilège accordée à la langue française. Comment faire pour que »les maman bipupula » participent de cette production de la mémoire vivante sans qu’elles se réfèrent aux traducteurs ?
Le souhait aurait été que ces genres d’émissions publiques se multiplient sur le temps long. Qu’elles aient lieu dans les écoles, dans les universités, dans les églises, dans les villages sous les arbres à palabre afin que l’éveil des consciences devienne réellement une question du nombre ; d’un grand nombre de Kongolais(es) disposé(es) à devenir collectivement les démiurges de leur propre destinée.
Une petite conclusion : mémoire collective et changement systémique
Donc, ces émissions, malgré le fait qu’ils sont indispensables dans un pays où l’accès au livre et à l’alphabétisation fonctionnelle font cruellement défaut, posent des questions du fonctionnement systémique du pays. Comment les suivre sans avoir du courant ? Comment avoir du courant sans un emploi digne de ce nom pour payer la facture ? Comment avoir du courant dans un pays où des sommes énormes destinées aux barrages sont détournées et le matériel abandonné ? Comment revenir sur le droit chemin dans un pays où l’impunité et la corruption sont très loin d’être éradiquées ?
Donc, travailler à l’éveil des consciences, à la production et à l’entretien de la mémoire collective appelle profondément un changement de paradigme dans la conduite systémique du pays. Cela appelle une refondation du pays sur des bases sûres.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961