Rapport technique du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, publié en janvier 2011.
Bien que la République Démocratique du Congo (RDC) soit le pays d’Afrique possédant les ressources hydrologiques les plus importantes, elle doit aujourd’hui faire face à une crise aiguë de l’approvisionnement en eau potable. En effet, seuls 26 pour cent de la population congolaise ont accès à une eau potable salubre, une estimation bien en dessous de la moyenne des 60 pour cent pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. En raison des infrastructures endommagées – fragilisées par des années de sous-investissement et de conflit – et de la croissance rapide de la population, le taux de couverture de l’approvisionnement en eau a décliné jusqu’à récemment. Les conséquences sociales et sanitaires de la rupture des services d’eau ont été considérables. Les tranches les plus pauvres de la société ont été touchées de façon disproportionnée par le déclin de la prestation des services et la hausse des prix de l’eau. Cette situation a été observée dans les zones rurales mais également de façon croissante dans les villes connaissant une expansion rapide.
Malgré la complexité de la situation post-conflit, la forte volonté politique et l’aide internationale ont généré aujourd’hui une dynamique positive au sein du secteur de l’eau. Ainsi, depuis 2004, la RDC a réussi à enrayer le phénomène de déclin de l’accès à l’eau puis à renverser progressivement la tendance. Les efforts qui ont mené à cette réussite importante méritent d’être reconnus et soutenus. Malgré ce revirement encourageant, les prévisions actuelles indiquent que même dans le meilleur des scénarios, la RDC ne sera pas en mesure d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et les buts relatifs à l’eau inscrits dans son Document de la Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP). Afin d’atteindre les objectifs nationaux de développement, pourtant significativement en dessous des OMD relatifs à l’eau, le pays devra déjà faire face au défi conséquent que représente l’approvisionnement en eau potable de 20,3 millions de personnes supplémentaires d’ici à 2015.
Un avant-projet de loi portant Code de l’Eau a été récemment validé et sera bientôt soumis au Parlement pour adoption. Fondé sur une approche de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), le Code de l’Eau représente une étape majeure dans le processus de réforme de la gouvernance et des institutions liées au secteur de l’eau. Comme prévu dans le Code de l’Eau, le développement de stratégies pour la gestion des ressources en eau et pour le service public de l’eau devrait être prioritaire. Ceci permettrait de construire une vision commune et d’établir le cadre institutionnel pour la gestion décentralisée du secteur.
Il faudra également faciliter le développement de dispositions réglementaires et de directives adéquates pour la mise en oeuvre efficace de ce code.
Dans le contexte administratif fragile de la RDC, l’absence de contrôle effectif du développement du territoire représente une menace fondamentale pour les sources stratégiques d’eau potable. La faible planification de l’utilisation du territoire et l’insuffisance de la protection des sources d’eau – à tous les niveaux, des sources de villages aux zones de captage des usines de traitement de l’eau – affectent les progrès vers la réalisation des OMD et des objectifs du DSCRP. En effet, la durabilité des investissements dans les infrastructures hydrauliques est fréquemment menacée par la dégradation environnementale qui en résulte, comme le montre l’exemple de l’usine de traitement de Lukunga à Kinshasa. Par conséquent, des mesures provisoires prioritaires doivent être mises en oeuvre, à savoir la sécurisation des périmètres attenants aux sources d’eau potable et l’application de plans de gestion des sources au niveau des micro-bassins versants. Plus généralement, la déforestation accrue et la dégradation des services écosystémiques forestiers représentent une menace directe pour l’approvisionnement en eau des communautés locales ainsi que pour la réalisation des OMD et des objectifs nationaux relatifs à l’eau. Ceci est particulièrement vrai dans les zones rurales, où plus de 90 pour cent de la population dépendent de sources situées dans les forêts denses (forêt-galerie ou forêt tropicale).
Les années de conflit ayant entraîné le délabrement progressif des capacités publiques, l’administration des services de l’eau dans les zones rurales et périurbaines est devenue aujourd’hui en grande partie informelle et ne fait plus l’objet d’une surveillance indépendante. En raison du manque global d’expertise technique des divers acteurs en zones urbaines et périurbaines, la qualité des structures d’approvisionnement en eau ainsi que leur entretien ont été compromis, ce qui a de graves conséquences pour la santé publique. Après avoir réalisé des contrôles ponctuels de la qualité de l’eau, le PNUE a conclu à un taux élevé de contamination bactériologique. Le renforcement des capacités des autorités nationales en termes de coordination d’activités ou de garantie du respect des standards minimums est donc une priorité. Parallèlement, il incombe aux acteurs humanitaires d’établir un mécanisme au travers du cluster WASH (traitant de questions relatives à l’eau, l’assainissement et l’hygiène) – afin de contrôler et d’évaluer leurs propres interventions. Par ailleurs, il convient de noter qu’en général, les centres urbains ne connaissent pas ce type de problèmes. En effet, les analyses ponctuelles de l’eau distribuée par la REGIDESO (Régie de Distribution d’Eau) réalisées par le PNUE ont globalement indiqué une bonne qualité pour ces zones. La capacité de la REGIDESO à fournir une eau potable de bonne qualité dans des circonstances difficiles atteste donc de la solidité de l’institution et du professionnalisme de son personnel.
En accord avec les lois sur la décentralisation et la réforme de l’entreprise publique, une restructuration institutionnelle de grande envergure est prévue dans l’avant-projet de loi portant Code de l’Eau. Etant donné le manque important de ressources financières et humaines en RDC, la mise en oeuvre de ces réformes doit être réaliste et se dérouler au moment opportun. Bien que la gouvernance décentralisée soit largement acceptée en tant que principe sous-jacent à la réforme de l’eau, il est crucial que la transition institutionnelle soit effectuée de façon cohérente. Ainsi, dans plusieurs provinces, les institutions décentralisées en charge de l’eau ne pourront pas être en place à court et moyen terme. Afin d’éviter tout vide de gouvernance lors de cette phase provisoire, la priorité consistera à renforcer les capacités des autorités provinciales et locales. Des mesures spéciales pourraient également être prises afin d’éviter de possibles disparités relatives aux services de l’eau entre différentes régions.
Bien qu’il soit important de développer les grandes infrastructures hydrauliques en RDC, la mise en oeuvre de projets à petite échelle touche souvent un plus grand nombre de bénéficiaires et produit de meilleurs résultats par unité d’investissement. D’une part, des stratégies novatrices telles que des systèmes autonomes de services d’eau articulés à l’échelle communautaire ou des solutions techniques à faible coût (bornes-fontaines, « spring boxes »1 ou source aménagées, pompes manuelles) soutenues par une variété de partenaires du développement (CTB, KfW, UNICEF) représentent autant de voies prometteuses. D’autre part, le soutien de la Banque Mondiale au service public de l’eau (REGIDESO) devrait aider à revitaliser les infrastructures hydrauliques de grande échelle dans les centres urbains. Quant à la gouvernance du secteur de l’eau, le projet de réforme soutenu par la GTZ ainsi que l’avant-projet de loi portant Code de l’Eau devraient aider à créer les conditions propices à la participation des entreprises privées et des organisations de l’économie sociale, et aider à mobiliser des ressources essentielles. Aujourd’hui, il est nécessaire d’embrasser un horizon étendu en explorant un mélange de solutions à petite et grande échelles afin de développer et d’étendre les initiatives positives à des programmes nationaux de grande envergure. En même temps, l’établissement d’un système national complet d’information sur l’eau est tout aussi important, notamment pour le développement des secteurs économiques clés.
Les ressources hydrologiques abondantes de la RDC sont un atout majeur pour le développement du pays. Les défis à relever dans le secteur de l’eau sont importants mais ne sont pas insurmontables. Ceux-ci pourront être dépassés par le déploiement d’investissements ciblés et la réforme de la gouvernance du secteur. Les bailleurs de fonds se sont engagés à verser plus de 500 millions de dollars mais le rythme de déboursement n’a pas été suffisamment soutenu ce qui a retardé la mise en oeuvre des projets. En plus de la somme de 2 milliards de dollars requise pour les projets d’infrastructures nécessaires à la réalisation des OMD relatifs à l’eau, la présente évaluation recommande une enveloppe d’investissements d’environ 69 millions de dollars pour le développement des politiques publiques et de la réglementation, la collecte de données, le renforcement des capacités et les solutions technologiques locales durant les cinq prochaines années. Les interventions stratégiques proposées devraient aider à renforcer le secteur de l’eau qui pourra en retour participer au relèvement économique de la RDC et financer son développement à long terme.
[…] INGETA, « Problématique de l’eau en République Démocratique du Congo : défis et opportunités », (page consultée le 12 avril 2016), http://www.ingeta.com/problematique-de-leau-en-republique-democratique-du-congo-defis-et-opportunite… […]