Source: Le Potentiel, éditorial du 30 mai 2011.
C’était prévisible depuis un temps. Plusieurs experts l’avaient déjà prédit. Les tensions sur les eaux du Nil présagent d’une bataille sans précédent entre les pays du Bassin du Nil.
Long de près de 7.000 km, le Nil, issu de deux branches (Nil Blanc et Nil Bleu), traverse, longe ou concerne, par son bassin versant, une dizaine de pays africains (environ 380 millions d’habitants), parmi lesquels, notamment, trois géants régionaux dont l’équilibre politique est loin d’être garanti : le Soudan, l’Égypte et l’Éthiopie (totalisant près de 190 millions d’habitants).
L’Egypte, pays qui se considère depuis l’époque pharaonique, comme un « don du Nil », a décidé de se battre jusqu’au bout pour défendre sa raison d’être en tant qu’Etat. Que son ex-président Hosni Moubarak ait quitté le trône à la suite de derniers soulèvements, cette situation n’a rien changé dans la volonté du pays des pyramides de se défendre pour sauver « ses » eaux du Nil. Entre l’Egypte et son voisin, l’Ethiopie, les divergences ont été finalement étalées au grand jour.
En effet, les deux pays se réclament comme détenteur de la plus grande partie des eaux du Nil. Des tensions, il en a toujours existé entre les deux Etats. Mais, pas avec la même intensité que celles qu’on observe depuis quelques mois. Dans le cadre d’une organisation qui s’est fixée pour objectif de garantir un partage équitable des eaux du Bassin du Nil, un nouvel accord a été conclu dernièrement en Ouganda entre les pays membres du Bassin du Nil.
Ainsi, l’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie ont signé en 2010 un nouveau traité qui modifie intégralement celui de 1929, élaboré sous l’égide de la Grande-Bretagne au nom de ses colonies arrosées par le fleuve et amendé en 1959 par l’Egypte et le Soudan. La RDC, également membre du Bassin du Nil, s’est, en dernière minute, rétractée en refusant de signer le nouveau traité.
Le problème est que le premier traité, parrainé par les Britanniques, réservait la part du lion à l’Egypte et au Soudan. Les deux nations jouissaient à eux seuls d’environ 90% des eaux du Nil. En plus de tous ces avantages, l’Egypte détenait un droit de veto sur les eaux du Nil, si bien que rien ne pouvait se faire sur le Bassin du Nil sans son accord au préalable. Dépités, les autres pays du bassin ont donc décidé de revoir les clauses, jugées déséquilibrées, du traité de 1929. Ainsi, avec le traité amendé de 2010, tous les pays du Bassin du Nil jouissent des mêmes droits.
L’Ethiopie, chef de file des contestataires et pays qui s’est toujours considéré marginalisé dans le partage des eaux du Nil, est vite passée à l’acte. Addis-Abeba vient de lancer publiquement un projet de construction d’un barrage hydroélectrique, censé être le plus grand d’Afrique. Selon les projections, ce barrage d’une capacité de 5.000 mégawatts, devait retenir, en phase de production, près de 63 milliards m3 d’eau. Ce qui vraisemblablement change la donne dans le Bassin du Nil.
Pour l’Egypte, le projet éthiopien est un suicide pour lui. Le Caire a promis de riposter à tout imposteur sur les eaux du Nil. La guerre de l’eau est là, juste à la porte de la RDC – du reste membre du Bassin du Nil.
Même si elle feint de l’ignorer, la RDC est bel et bien concernée par ce qui se passe entre l’Egypte et l’Ethiopie. Par conséquent, elle a dans l’obligation de définir clairement sa position par rapport à l’épineux problème du partage des eaux du Nil.