Par Jean-Pierre Mbelu
« La seule leçon de l’histoire, c’est qu’on n’apprend rien de l’histoire, sauf pendant une courte durée appelée vie humaine. Une fois cette vie humaine passée, la génération suivante a des échos, et celle d’après, est totalement ignare. » – Patrick Reymond
Des compatriotes ont pris l’initiative d’organiser des conférences dans les milieux intellectuels et étudiants pour échanger autour du dernier livre de Charles Onana. Ils semblent avoir compris que sortir de l’inconscience dans laquelle plusieurs compatriotes sont plongés passe par un éveil des consciences en revisitant notre mémoire collective. L’un des conférenciers a compris que le plongeon dans cette inconscience est favorisé, entre autres par les médias kongolais, « les gouvernants » incapables de lucidité et de discernement, ignorants de l’histoire, et la musique kongolaise inadaptée.
L’exemple du Cameroun et l’inconscience congolaise
Lorsque Justin Bitakwira participant à la présentation du livre de Charles Onana, « Holocauste. L’Omerta de la communauté internationale. La France complice ? » (2023), fait allusion à notre musique en la comparant à celle de l’Afrique du Sud. Il y arrive au bout d’une interpellation comparant ce qui se passe dans notre pays et ce qui a eu lieu ailleurs.
Chez nous, même si deux mille tombent au front, qui en parle ? « Ce sont des mouches qui sont mortes »…
Il parle de sa deuxième patrie, le Cameroun et de la façon dont ce pays a mobilisé son peuple au cours de la guerre contre le Nigeria. Il rappelle que le Cameroun a fait face au géant Nigeria pendant dix ans. Et le Cameroun a fini par gagner le procès grâce à la mobilisation populaire. C’est-à-dire que chaque fois qu’un seul militaire camerounais mourrait au front, le pays décrétait l’arrêt du travail. On va attendre le corps à l’aéroport et tout le monde attend le long de la route jusqu’à ce que que le corps arrive à la morgue. Cela a aidé les camerounais à se rendre compte qu’ils sont en guerre.
Chez nous, même si deux mille tombent au front, qui en parle ? « Ce sont des mouches qui sont mortes », dit le petit-fils de sa grand-mère. A son avis, il trouve que cette inconscience va nous coûter cher. Cette inconscience a été entretenue par « le gouvernement ». Certains membres du gouvernement et des PDG se faisaient nommer sur recommandations de Kigali. Kigali disait : «Mettez-nous celui là à l’endroit où il y a l’argent parce que nous avons besoin d’argent et on mettait. »
Myriam Makeba, la musique et les médias kongolais
Le petit-fils de sa grand-mère finit par montrer que cette inconscience est la chose la mieux partagée par plusieurs médias kongolais. Que ça soit la presse écrite ou celle en ligne. Il finit par les inviter à changer de comportement et de ligne éditoriale avant de souligner que notre musique c’est notre mort, parce que c’est une musique vide à quelques exceptions près.
La musique kongolaise est aujourd’hui inadaptée. Elle chante l’amour pendant que le pays est en guerre. « Les Kongolais n’ont pas besoin d’écouter l’amour, les Kongolais ont besoin d’entendre comment Kagame doit disparaître. »
Bien qu’aimant les grands noms de la musique kongolaise, il estime qu’elle est aujourd’hui inadaptée. Elle chante l’amour pendant que le pays est en guerre. A son avis, « les Kongolais n’ont pas besoin d’écouter l’amour, les Kongolais ont besoin d’entendre comment Kagame doit disparaître. » Pour lui, Luambo aurait relevé le défi s’il était encore en vie. « Or, dit-il, la musique, c’est une grande voix pour libérer le pays. » Prenant l’exemple de Myriam Makeba, il explique comment l’organisation de ses concerts servaient à financer »les Maï Maï de l’Afrique du Sud ». Il se pose la question de savoir comment procéder pour boycotter les musiciens kongolais sur place au pays afin de les forcer à changer de style.
Le petit-fils de sa grand-mère s’en est aussi pris à Fatshi béton pensant qu’il entretient une confusion entre les escadrons de la mort de Paul Kagame et les Banyamulenge. Recourant à ses théories de la division de travail, il lui l’a aidé à voir que les deux groupes poursuivaient les mêmes objectifs et organisaient des moments de mise en commun au cours desquels ils réalisaient que les comptes étaient bons.
Comment sortir de cette inconscience généralisée ?
Des propositions sont déjà présentes dans les propos de Justin Bitakwira. Organiser le deuil national chaque fois que les militaires kongolais tombent au front. Forcer les musiciens kongolais et les médias à intégrer le thème de la guerre dans leur musique et dans leurs lignes éditoriales. Dans le cas contraire, les boycotter. Forcer « les gouvernants » kongolais signant des accords bidons avec Kagame et ses escadrons de la mort à y renoncer et leur exiger de mettre sur la place publique ceux qui ont été déjà signés afin qu’ils en rendent compte. Les forcer à organiser le mémorial des millions des morts kongolais et d’indiquer un jour de l’année pour le célébrer sur toute l’étendue du territoire nationale.
Féliciter la diaspora kongolaise pour sa persévérance dans le boycott de la musique kongolaise avilissante et lui décerner une médaille de la résistance. Censurer les publicités de la musique kongolaise liées à la transformation des Kongolais en consommateurs de l’hégémonie culturelle consumériste néolibérale.
S’organiser
Tout ceci ne peut être possible que si les collectifs citoyens et les minorités éveillées se constituent en une masse critique à même de peser dans la balance des « gouvernants » téléguidés ou à partir de Kigali ou à partir des lobbys des globalistes apatrides. Des critiques évitant la promotions d’un grand mouvement souverainiste de patriotes et de résistants kongolais pouvant infléchir les orientations du pays n’allant pas dans le sens de la reconquête de sa souveraineté, de la protection de son intégrité territoriale et d’autodéfense intérieure peuvent se révéler stériles. Tout devrait conduire au renversement des rapports de force qui sont défavorables au pays. A ce point nommé, conjugues des remises en question lucide, une bonne maîtrise de notre mémoire collective et sens d’organisation citoyenne me semble indispensable.
Conclusion : Ecouter attentivement le petit-fils de sa grand-mère
Ecouter signifie se laisser toucher au plus intime de soi-même afin de s’engager, avec les autres, sur le chemin d’un retournement profond de sa façon de penser, de vivre et d’être en vue d’un devenir collectif différent.
Voilà ! Vers la fin de son exposé, le petit-fils de sa grand-mère révèle que plusieurs pasteurs « kongolais » sont proches de Kagame et de ses escadrons de la mort. Dans ce contexte, une théologie et une philosophie de la libération mettant en exergue les forces historiques des appauvris kongolais peuvent être indispensables à une écoute transformatrice du destin kongolais.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961