Par Jean-Pierre Mbelu
La philosophie, je l’aime. Elle m’a aidé à savoir que « le sapere aude », le « oser user de son entendement » est possible. Elle m’a aidé à comprendre, en lisant Régis Debré, que « Les lumières ont leurs ombres ». Avec mes ancêtres et Habermas, j’ai appris le sens des « masambakanyi », de la palabre dans la production de l’intelligence collective, du vivre et de l’être ensemble. Etre tout le temps préoccupé par la question du « pourquoi » m’a toujours séduit.
Dans mon pays, les écoles de philosophie seraient en train de disparaître. Et je comprends que ceux et celles qui posent des questions dérangeantes soient exposées à la mort. Le cas de Noël Tshiani est un exemple.
Une proposition n’est pas une imposition
Noël Tshiani demande une protection supplémentaire. Il est menacé de mort pour avoir fait une proposition de loi sur l’accès aux postes régaliens au Kongo-Kinshasa.
Une proposition n’est pas une imposition. Une proposition sollicite un débat. Elle peut être acceptée ou rejetée.
Il a fait une proposition. Une proposition n’est pas une imposition. Une proposition sollicite un débat. Elle peut être acceptée ou rejetée. Moi, je la rejette parce que je suis convaincu que la loyauté n’est pas biologique. Elle relève du culturel. Elle relève de l’acquisition du « common decency » fait de devoirs et de valeurs (la justice, la liberté, la solidarité, le dévouement, la compassion, etc.)
Ne pas être d’accord avec Noël Tshiani ne signifie pas accepter qu’il soit tué pour ses convictions et ses propositions. Et personnellement, je ne comprends pas que « notre jeune démocratie » rejette le débat. A mon avis, c’est signe que le débat, la délibération et les délibérations sont exclus de la gestion de notre « jeune démocratie ». C’est signe que chez nous, nous ne savons pas ce que signifie « la démocratie ». Elle nous a été vendue sans que nous puissions, par nous-mêmes, en examiner les tenants et les aboutissants.
Vers « le gouvernement par la peur »
Depuis le début de la guerre raciste de prédation et de basse intensité orchestrée contre notre pays, la croyance en la violence brute comme mode d’accès aux « affaires » est devenue la chose la milieux partagée dans les milieux politicards.
Il ne sera pas surprenant que demain, au Kongo-Kinshasa, penser et faire des propositions soumises au débat soient considérés comme un crime passible de mort. Le Kongo-Kinshasa, s’il accepte que Noël Tshiani soit tué, se dirige vers « le gouvernement par la peur ».
Tuer Noël Tshiani, c’est vouloir faire peur à ceux et celles qui, contrairement à moi, croient que le biologique est une garantie à la loyauté. Or, le débat inspiré de l’histoire peut les aider à repérer les trahisons des « de père et de mère ». Tout comme il peut aider les « de père et de mère » a devenir davantage conscients de leurs responsabilités historiques et collectives.
De toutes les façons, le Kongo-Kinshasa, comme plusieurs pays du monde, a ses fanatiques de la doxa globaliste luttant contre la pensée critique. Il ne sera pas surprenant que demain, au Kongo-Kinshasa, penser et faire des propositions soumises au débat soient considérés comme un crime passible de mort. Le Kongo-Kinshasa, s’il accepte que Noël Tshiani soit tué, se dirige vers « le gouvernement par la peur ».
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961