Par Jean-Pierre Mbelu
« Lumumba, même mort, fait peur et à plusieurs de ses compatriotes et à la descendance de ses bourreaux. Ils peuvent, tous, quand cela leur plaît, l’honorer des lèvres tout en essayant de tout faire pour que leurs cœurs et leurs esprits échappent aux idées pour lesquelles il a été assassiné le 17 janvier 1961. »
– Babanya
Mise en route
Il est rare de suivre des débats entre « politiciens » kongolais au sujet des questions liées à la géostratégie, de la géopolitique et de la géoéconomie. Le Kongo-Kinshasa est l’un de ces rares pays où, après « les élections », les débats tournent autour de la prochaine étape électorale. En attendant, les attaques ad hominem dominent l’espace public. Les djalelistes en profitent pour battre anticipativement la campagne de leurs gourous. Dans ce contexte, ils embrigadent des multitudes des compatriotes faibles d’esprit dans cette campagne précoce.
Le partage et « l’enseignement de l’ignorance » ont fini par manger les coeurs et les esprits plongés dans un attentisme servile et avilissant d’un bonheur collectif qui ne serait que le fait des « gourous » au service des mondialistes apatrides promoteurs de l’ultralibéralisme nihiliste et obsolète.
Dans ce contexte, « la défaite de la pensée » participe de la régression anthropologique. Comment peut-il être possible que, dans un pays aux enjeux multiples, le choix prioritaire soit porté sur le processus électoraliste vantant, à tort, « le fondamentalisme démocratique » comme étant la meilleure option pour garantir « le pouvoir du peuple », la justice sociale, la cohésion sociale et la cohésion nationale ?
En fait, le partage et « l’enseignement de l’ignorance » ont fini par manger les coeurs et les esprits plongés dans un attentisme servile et avilissant d’un bonheur collectif qui ne serait que le fait des « gourous » au service des mondialistes apatrides promoteurs de l’ultralibéralisme nihiliste et obsolète.
Vouloir guérir cette servilité et cet avilissement la veille d’un processus électoraliste
Vouloir guérir cette servilité et cet avilissement la veille d’un processus électoraliste est une peine perdue. Certaines convictions ancrées dans les cœurs et les esprits au cours d’un long processus de régression anthropologique sont difficiles à déboulonner comme par une baguette magique. Surtout dans un pays marginalisé par ses « élites » du point de vue de la marche du monde et au sujet des questions essentielles.
Copier les modèles des gouvernements représentatifs devenus obsolètes ailleurs sans un examen approfondi de leur mode de fonctionnement peut se révéler fatal pour un pays aux enjeux multiples comme le Kongo-Kinshasa.
Au sujet des convictions ancrées, il y a , entre autres, la confusion consciemment entretenue selon laquelle « la démocratie » égale au « processus électoraliste », que tout « gouvernement » représentatif est une « démocratie », que « l’assemblée nationale » dans un contexte néocolonial et néolibéral représente « le peuple », que « les masses populaires » sont « le peuple », « la majorité » a toujours raison, « la foule » pense, etc.
Pourtant, tout gouvernement représentatif n’est pas une démocratie. (Lire B. MANIN, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 1995). Il peut représenter les intérêts d’un Etat profond, d’une « caste » ou des acteurs néocoloniaux et néolibéraux tapis dans les coulisses de l’histoire. Il peut être au service d’un totalitarisme pervers (Lire A. DENEAULT , Le totalitarisme pervers. Aux origines de la médiocratie, Paris, Rue de l’échiquier, 2017).
Copier les modèles des gouvernements représentatifs devenus obsolètes ailleurs sans un examen approfondi de leur mode de fonctionnement peut se révéler fatal pour un pays aux enjeux multiples comme le Kongo-Kinshasa. Il en va de même pour le choix de la violence comme voie d’accès au partage du « pouvoir-os ».
Le Kongo-Kinshasa est prisonnier du « fondamentalisme démocratique »
Ce grand pays au cœur de l’Afrique a besoin d’une approche holistique des enjeux qu’il représente et des réponses qu’il apporte à ses questions essentielles. Pour cela, il aurait besoin, entre autres, d’une sérieuse remise en question du « fondamentalisme démocratique ». Que peut bien dire cette expression ? « Elle désigne l’usage arrogant d’un mot – « démocratie »-, qui, dans les faits, cache et recouvre le contraire de ce que, étymologiquement, il veut dire, en même temps que l’intolérance envers toute forme d’organisation politique autre que le parlementarisme, l’achat, et la vente des suffrages, le « marché » politique. » Vu sous cet angle, « tout ce qui s’écarte du modèle parlementaire est censé être totalitaire. Cette façon de de voir – mieux voudrait dire de ne pas voir – la réalité a frappé dans toutes les directions, empêchant de comprendre la multiplicité du monde (…). » ( L. CANFORA, L’imposture démocratique. Du procès de Socrate à l’élection de G.W. Bush, Paris, Flammarion, 2002, p. 25)
En répétant depuis 2006, le processus électoraliste privilégiant, dans une large mesure, « le parlementarisme », le Kongo-Kinshasa est prisonnier du « fondamentalisme démocratique ». Ses « élites », ses « politiciens » refusent de questionner ce modèle. Pourquoi ? Peut-être pour faire plaisir aux « partenaires classiques » ou aux « décideurs ».
Il y a , donc, aux origines du « fondamentalisme démocratique », un rejet d’autres formes et modes d’organisations politiques en marge du parlementarisme. Et même de « la démocratie des autres », c’est-à-dire d’autres façons de penser »la démocratie » en marge de l’espace occidental. (Lire A. SEN, La démocratie des autres. Pourquoi la liberté n’est pas une invention de l’Occident, Paris, Payot, 2005)
En répétant depuis 2006, le processus électoraliste privilégiant, dans une large mesure, « le parlementarisme », le Kongo-Kinshasa est prisonnier du « fondamentalisme démocratique ». Ses « élites », ses « politiciens » refusent de questionner ce modèle. Pourquoi ? Peut-être pour faire plaisir aux « partenaires classiques » ou aux « décideurs »… Donc, ce pays ne s’inscrit pas dans une perspective d’une sérieuse remise en question d’un processus politique engendrant et/ou alimentant « un chaos constructeur » après « les élections-pièges-à-cons ».
Pourtant, que nous révèle le réel dans le monde actuel ? Il nous révèle que c’est un pays communiste, la Chine, qui en en train de devenir une première puissance économique mondiale et qu’elle est l’une des actrices majeures engagée dans un processus de co-développement et de promotion d’un monde polycentré avec la Russie, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Egypte, l’Ethiopie, les Emirats Arabes Unis, l’Iran et l’Arabie Saoudite.
Une petite conclusion
Oui . C’est vrai. Dans ce monde polycentré qui vient, remettre en question les modèles de gouvernement et d’accès au pouvoir (réel) imités, devenus obsolètes et nihilistes dans leur « déification du triple vide spirituel, éthique et culturel » s’impose comme étant une urgence. Les repenser, mobiliser les capacités et les moyens qu’il faut pour cela, produire de l’intelligence collective et des infrastructures matérielles pour donner corps aux modèles alternatifs est un défi à relever collectivement.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961