Par Jean-Pierre Mbelu
« L’ignorance peut être synonyme d’une non-compréhension du monde dans lequel on vit, d’un manque criant de l’intelligence critique malgré les diplômes accumulés. » – Babanya
« Les peuples comprenant la société dans laquelle ils vivent deviennent de bonnes troupes et produisent de bons chefs. Pour eux, il n’y a pas de mauvais chefs, il n’y a que de mauvaises troupes. » – Babanya
Au cours d’une interview avec un journaliste de la télévision LCI, Darius Rochebin, le président de « notre jeune démocratie » va inverser les rôles. Répondant à la question sur ceux qui pourraient rafler la mise en Afrique entre les Islamistes, les Russes et les Chinois, il va avouer, après avoir reconnu que c’est une belle question, que ce sont les Russes et les Chinois reconnus comme étant des partenaires (fiables) passant par la grande porte au dépens des islamistes qui ne sont pas désirés.
« C’est quoi la démocratie? »
Cette réponse a incité le journaliste à reconduire les clichés au sujet de la nature des régimes russe et chinois qui ne sont pas des démocraties. D’où la question de Fatshi : «C’est quoi la démocratie ?»
Pourquoi faut-il, tout en relativisant cette « démocratie illibérale du marché », lui ouvrir l’espace kongolais en demandant à « ses représentants » de cartographier les minerais du pays ? Est-ce cohérent ?
Après avoir inversé les rôles, Fatshi a esquissé sa réponse en faisant allusion aux valeurs supposées être au coeur de « la démocratie libérale » occidentale et qui ne sont mises en exergue lorsqu’il s’agit de sanctionner un petit Etat africain, le Rwanda, menant une guerre par procuration contre le Kongo-Kinshasa. A mon avis, cette inversion de rôles fait partie des moments de lucidité de Fatshi…
A la place de Darius Rochebin, j’aurais demandé à Fatshi : « Comment, vous, le Président d’une jeune démocratie, pouvez me poser la question de savoir c’est qu’est la démocratie ? » Et j’aurais solliciter qu’il dise lui-même ce qu’il entend par la démocratie. Peut-être que sa réponse remettrait en question la processus électoraliste en cours dans son pays où le modèle représentatif a élevé la corruption au niveau d’un « sport national ». Lui-même a avoué qu’au coeur de l’Afrique, la corruption est devenue une seconde nature sans montrer comme sa présidence a joué pour éradiquer ce fléau.
« C’est quoi la démocratie ? » Pourquoi Fatshi a-t-il posé cette question ? Se serait-il rendu, d’un coup compte, que depuis le discours de la Baule tenu par François Mitterrand, l’Afrique a « acheté » « le marché autorégulé » sous couvert du « fondamentalisme démocratique »?
Répondre positivement à cette question serait une hypothèse plausible dans la mesure où au cours de la même interview, Pour cause. Au cours de cette interview, Fatshi a eu une certaine admiration pour le modèle communiste chinois et son économie suffisamment planifiée. Il a soutenu que lors de son passage en Chine, il a échangé avec des chinois en aparté et qu’ils lui ont avoué qu’ils étaient heureux de vivre dans leur pays. Donc, il serait possible de dire que, pour Fatshi, « la démocratie libérale » vendue aux Africains depuis le discours de la Baule est un modèle relativisable. Soit !
Pourquoi faut-il, tout en relativisant cette « démocratie illibérale du marché », lui ouvrir l’espace kongolais en demandant à « ses représentants » de cartographier les minerais du pays ? Est-ce cohérent ? N’est-ce pas cette incohérence qui pourrait jouer en faveur de la perte de crédibilité de ces bonnes questions posées à raison ?
Quelle est la place de l’Occident en Afrique ?
Ailleurs, en France par exemple, l’une des grandes intellectuelles de ce temps, Catherine Galactéros a lu l’interview de Fatshi comme un appel à la fin de l’arrogance des donneurs des leçons frustrante pour les Africains (Quelle est la place de l’Occident en Afrique ? – YouTube ).
Au Kongo-Kinshasa, plusieurs compatriotes de Fatshi n’ont pas partagé son idée d’effectuer son dernier voyage en France. Ils n’en ont pas vu la nécessité.
Au Kongo-Kinshasa, plusieurs compatriotes de Fatshi n’ont pas partagé son idée d’effectuer son dernier voyage en France. Ils n’en ont pas vu la nécessité. Donc, pour eux, les propos de Fatshi sont tenus à contretemps. C’est comme si, sur la question, leur religion était déjà faite. Comme plusieurs de leurs compatriotes africains, les Kongolais(es) seraient sceptiques au sujet d’une certaine efficacité d’un partenariat entre le pays de François Mitterrand et le leur.
Ceci rompt le mariage entre Fatshi et les pans entiers de la population kongolaise. Aurait-il raison de croire qu’il faut diversifier le partenariat au moment où ses compatriotes ont déjà fait leur choix? Une question dont il devrait tenir compte.
Questions essentielles et mauvais choix
« C’est quoi la démocratie ? » Souvent, Fatshi donne l’impression de revenir sur des questions essentielles après qu’il ait fait de mauvais choix. Il est revenu sur « sa fraternité » avec Paul Kagame lorsqu’il a été lui-même poignardé dans le dos , comme il l’a avoué. Se servant de la documentation existante, il ne serait pas engagé sur cette piste compromettante. Ses compatriotes le lui ayant déconseillé ont été, dans les milieux qui lui sont proches, diabolisés. Et plusieurs jusqu’à ce jour.
Remettre en question « la démocratie illébérale » ne suffit pas. Il faut s’engager sur la voie d’un changement profond de paradigme. La tradicratie ouverte est la meilleure.
Il en va de même pour sa foi dans « la démocratie illibérale ». Son camp ne jure que par elle. Maintenant qu’ il vient de la remettre en question, effectuera-t-il une conversion à la tradicratie ouverte en entraînant toute sa suite ? Ce n’est pas très sûr.
Le viol de l’imaginaire a été collectivement suicidaire. Certaines de ses prises de position, certains de ses actes et ceux de ses proches ont ruiné la confiance de plusieurs compatriotes en eux. Sans des assises de refondation dignes de ce nom, la relève du Kongo pourrait relever d’un miracle.
Une petite conclusion
Rompre avec l’illogisme, l’illibéralisme et opté pour « la démocratie des autres » et la cohérence, cela pourrait être nécessaire à la renaissance de la confiance indispensable à la cohésion nationale et sociale pour bâtir un pays plus beau qu’avant. Remettre en question « la démocratie illébérale » ne suffit pas. Il faut s’engager sur la voie d’un changement profond de paradigme. La tradicratie ouverte est la meilleure.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961