Par Jean-Pierre Mbelu
« L’ignorance peut être synonyme d’une non-compréhension du monde dans lequel on vit, d’un manque criant de l’intelligence critique malgré les diplômes accumulés. »
– Babanya
La rage et la colère que peut provoquer une guerre menée par procuration peuvent conduire à l’organisation de la résistance et de la contre-offensive pour sauver les vies innocentes. Néanmoins, dès que la haine de l’humain s’y mêle, elle peut provoquer la perte de la lucidité et du discernement. La haine de l’humain peut porter atteinte à l’intelligence critique au point de rendre la conscience historique inopérante.
Les Hutu et les Bantous
Sans nier le fait que les raisons économiques justifient en partie la guerre par morceaux que connaît le Kongo-Kinshasa depuis 1884-1885, il ne serait pas sage de perdre de vue qu’elle a d’autres objectifs : la soumission, l’assujettissement, l’abâtardissement, l’abrutissement, et la dépopulation au cœur de l’Afrique. Une approche un peu plus holistique de cette guerre aiderait à envisager des issues plus rationnelles et plus raisonnables. La rationalité consiste, entre autres, à organiser des lieux où le débat argumenté, la délibération et la participation aux décisions collectives l’emportent sur la confiscation des institutions et de l’espace public par une caste manducrate ayant fait de la corruption, du clientélisme et de l’hédonisme sa seconde nature.
Sans nier le fait que les raisons économiques justifient en partie la guerre par morceaux que connaît le Kongo-Kinshasa depuis 1884-1885, il ne serait pas sage de perdre de vue qu’elle a d’autres objectifs : la soumission, l’assujettissement, l’abâtardissement, l’abrutissement, et la dépopulation au cœur de l’Afrique.
Des compatriotes participant aux émissions de la RTNC autour de cette guerre ont fait des révélations dont les artisans et les partisans de la thèse économiciste ne semblent pas tenir compte : plusieurs militaires rwandais soutenant le M23 sont des Hutu recyclés.
Qu’est-ce que cela pourrait signifier pour un pays à majorité Hutu ? Entre autres ceci que « tuer jusqu’au dernier Hutu (Muntu) » afin que « la race des Seigneurs » règne au Rwanda est une hypothèse à creuser pour mieux gérer les réponses à cette guerre menée par procuration.
Ces Hutus (Bantous) sont assimilés aux autres Bantous des Grands Lacs Africains. Leur extermination pourrait permettre à « la race des Seigneurs » d’implanter leur empire avec l’appui de leurs tuteurs.
Un plan conçu depuis 1962
Un plan conçu dans ce sens en 1962 serait toujours à l’oeuvre. Voilà ce qui est écrit à son point 10 : « Grâce aux fonctionnaires que nous avons sous notre contrôle, nous devons ridiculiser les Bantous ignares et les traiter de prétentieux ; nombre de membres de l’élite hutu nous aideront à éliminer leurs camarades, car les Hutu ne se soucient aucunement du sort de leur prochain. » Et au point 11 : « Toutes les fois que nous constatons que les Hutu se souciaient du sort de leur prochain, nous devons effacer ce état d’esprit en divisant ceux qui en sont partisans : nous devons diviser pour régner. [1]»
L’ hypothèse économiciste est facile à brandir. Elle ne demande pas un grand travail de recherche et d’investigation. Celle de la dépopulation est un peu plus exigeante. Elle invite à fouiner dans le passé et à passer du temps à lire des livres (qui délivrent). Cela n’est pas souvent à la portée du plus grand nombre. Il est préoccupé par la recherche de son pain quotidien.
Dans ce plan, il est d’abord question de contrôle, de pouvoir, de règne, de domination, d’élimination et non des minerais. Ce plan est plus vieux que la guerre de l’AFDL des années 1997.
Il est héritier de l’idéologie coloniale du « diviser pour régner ». Le connaître, l’étudier collectivement en profondeur , cela est d’une importance capitale dans une sous-région où les Bantous sont en permanence ridiculisés, soudoyés et opposés les uns aux autres pour que triomphent « les Seigneurs ».
Dans ce contexte, l’ hypothèse économiciste est facile à brandir. Elle ne demande pas un grand travail de recherche et d’investigation. Celle de la dépopulation est un peu plus exigeante. Elle invite à fouiner dans le passé et à passer du temps à lire des livres (qui délivrent). Cela n’est pas souvent à la portée du plus grand nombre. Il est préoccupé par la recherche de son pain quotidien.
Une petite conclusion
Dès que l’on a découvert que cette guerre fondée sur la haine de l’humain participe aussi de la dépopulation de l’Afrique et du monde [2], il est possible de chercher à en connaître les acteurs majeurs, leur projet pour le monde de demain, les tactiques et les stratégies auxquelles ils recourent en se servant de leurs nègres de service pour les rendre efficaces. Connaître cela aiderait à un questionnement en profondeur de certains liens géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques en vue de sauver la vie et les vies. Ici, la naïveté est une des pires bêtises, la promotion de l’intelligence collective, du patriotisme et de la courageuse résistance, une voie possible de salut collectif.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
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[1] C. ONANA, Ces tueurs Tutsi. Au coeur de la tragédie ccongolaise, Paris, Duboiris, 2009, p. 94.