Par Jean-Pierre Mbelu
« Aide-toi et le Ciel t’aidera. »
Les Léopards du Kongo-Kinshasa vont jouer la demie finale de la CAN le mercredi (07 mars 2024) prochain après avoir enchaîné quelques victoires contre les équipes adverses. Cela a procuré une immense joie à des millions des compatriotes. Ils ont sauté. Ils ont dansé. Ils ont crié. Plusieurs soutiennent que le Kongo-Kinshasa va prendre cette coupe de la CAN. Et ils disent : « Tozali ». (Nous sommes encore là.) Les victoires footballistiques créent facilement un « nous », un « tozali ». Pour combien de temps ? L’avenir proche nous le dira.
Avant la victoire, il y a du travail
Mais le « nous » créé par ces victoires ne semble pas être très réfléchi. Il serait le produit magique de « la grandeur » du Kongo, de « la RDC eloko ya makasi » ou de « la justice de Dieu ».
Tel est le danger des célébrations des victoires par les foules. Elles ne les pensent pas. Elles en jouissent. Et souvent, elles font partie de leur opium pour les détourner de s’engager sur le terrain des questions vitales et existentielles. Leur offrir régulièrement du pain et des jeux, cela peut facilement les rendre esclaves.
Le travail déployé en amont par les footballeurs kongolais semble être mis entre parenthèses. Il en va de même pour des sacrifices oblatifs consentis par ces jeunes joueurs. Ils prennent le temps de s’entraîner, de regarder les vidéos des matches livrés par les équipes adverses pour connaître et maîtriser leur philosophie du jeu. Pendant plusieurs jours ou plusieurs mois, ils sont séparés de leurs familles et des êtres qui leur sont chers. Leurs jambes et leurs corps prennent des coups qu’ils supportent au nom des objectifs qu’ils se sont assignés et des couleurs du pays qu’ils portent.
Donc, comme le soulignait un ami, avant la victoire, il y a tout ce travail en amont.
La connaissance de soi, l’acceptation des privations et des sacrifices, la préparation sur le temps long, la maîtrise de la philosophie (du jeu) de l’adversaire, la capacité de faire face à l’adversité, la mobilisation des moyens conséquents, la maîtrise de l’intelligence du jeu, une certaine spiritualité-c’est-à-dire la création d’un même esprit-, l’unicité dans l’action (sans traîtrise), etc., c’est tout cela qui conduit à la victoire.
Souvent, ce travail fait en amont n’est pas connu par les foules célébrant les victoires de leurs joueurs. Et cette ignorance peut facilement retourner ces foules contre les mêmes joueurs après un match perdu. Elles sont loin de penser que les équipes adverses peuvent mener le même travail en amont et renverser les rapports de force sur le terrain du jeu. Tel est le danger des célébrations des victoires par les foules. Elles ne les pensent pas. Elles en jouissent. Et souvent, elles font partie de leur opium pour les détourner de s’engager sur le terrain des questions vitales et existentielles. Leur offrir régulièrement du pain et des jeux, cela peut facilement les rendre esclaves. Et des esclaves corvéables à souhait.
Le travail en amont et la guerre de basse intensité
Le rejet et/ ou l’ignorance du travail déployé en amont peut être appliqué à la question de la guerre perpétuelle menée contre le Kongo-Kinshasa depuis 1885. Les foules kongolaises demandent que le pays fasse la guerre. Mais contre qui ? Elles disent : « Contre Kagame ».
La foi naïve dans les victoires footballistiques (et musicales) offertes par le ciel a fini par corrompre les coeurs et les esprits au coeur de l’Afrique. L’essentiel, ce sont les victoires. Penser ne sert à rein. Le travail en amont, les sacrifices oblatifs ne servent à rien. Vive « la RDC », « eloko ya makasi » sans une philosophie de la grandeur partagée.
Mais le Rwanda n’a pas participé à la conférence de Berlin. Comment expliquer qu’il fasse au pays une si longue guerre « par morceaux » ? Le Rwanda est un petit pays pauvre et il ne fabrique pas les armes. Où trouve-t-il l’argent et les argent pour faire la guerre au Kongo-Kinshasa depuis plus de trois décennies ?
Pour les foules, l’ignorance de l’adversaire et de la nature de l’adversité est un élément négligeable. Il faut faire la guerre au Rwanda. Oui, mais qui est le véritable adversaire contre lequel le pays est en guerre ? Le travail en amont est-il fait et partagé ? La philosophie et l’intelligence du jeu sont-elles maîtrisées ? Pour les foules, cela n’est pas le problème. Il faut faire la guerre. La foi naïve dans les victoires footballistiques (et musicales) offertes par le ciel a fini par corrompre les coeurs et les esprits au coeur de l’Afrique. L’essentiel, ce sont les victoires. Penser ne sert à rein. Le travail en amont, les sacrifices oblatifs ne servent à rien. Vive « la RDC », « eloko ya makasi » sans une philosophie de la grandeur partagée. Eza pasi. Eza mawa !
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961