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Les questions sans réponse de VK. Une lecture critique de l’intervention de Vital Kamerhe au 15ème anniversaire de la Monusco (suite)

Les questions sans réponse de VK. Une lecture critique de l’intervention de Vital Kamerhe au 15ème anniversaire de la Monusco (suite)

Les questions sans réponse de VK. Une lecture critique de l’intervention de Vital Kamerhe au 15ème anniversaire de la Monusco (suite) 837 612 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

Revenir sur l’intervention de VK au 15ème anniversaire de la Monusco suscite plusieurs questions. Cela aide, tant soit peu, à comprendre pourquoi l’inversion sémantique a élu domicile au Congo-Kinshasa. Cela aide surtout à voir, comment, à partir d’une certaine lecture de l’histoire collective d’un pays, on peut participer, consciemment ou inconsciemment, à ‘’la stratégie du chaos et du mensonge’’ dont raffolent les Etats profonds des ‘’grandes puissances’’.

Dans son intervention au 15ème anniversaire de la Monusco, VK voudrait, soutient-il, éviter toute ‘’lecture partisane’’ de l’histoire du Congo-Kinshasa depuis la guerre de l’AFDL et surtout à partir de l’intervention de la Monusco dans ce pays. Il voudrait partir ‘’des faits’’. Y arrive-t-il ? Non. Il lit cette histoire à partir de ce que lui considère comme étant ‘’des faits’’. Il y en a d’autres qui lui échappent. Les stratégies et les tactiques convoquées par les commanditaires de la guerre menée contre les Grands Lacs africains semblent lui échapper.

Vital Kamerhe et la falsification de notre histoire

Et voici l’un ‘’des faits’’ qu’il évoque au point 06 de son texte : « Et Mzee Laurent Désiré Kabila, qui a décidé d’en finir avec le régime de Mobutu, avait minimisé les vraies intentions de ses alliés rwandais et ougandais qui, au delà du soutien lui apporté, visaient en réalité le contrôle du Zaïre et de ses immenses richesses ainsi que l’éradication de leurs groupes armés sur le territoire congolais. Une guerre avec deux agendas. »

Partir du postulat selon lequel la décision d’en finir avec Mobutu était prise par Mzee Kabila est lourd de conséquences pour la lecture de l’histoire du Congo-Kinshasa. Ce postulat falsifie cette histoire. Il cache les acteurs pléniers de la guerre de basse intensité et de prédation menée contre le Congo-Kinshasa. Il falsifie la nature de cette guerre. Il présuppose qu’elle a été, comme l’AFDL l’a, en son temps, proclamé sur les toits, ‘’une guerre de libération’’.

Or, plusieurs chercheurs, journalistes d’investigation et écrivains et autres analystes politiques ayant étudié profondément cette guerre ont témoigné (et témoignent encore) qu’il était question d’une ‘’ guerre de basse intensité’’ de ‘’l’impérialisme intelligent’’ menée par des ‘’proxies’’ ougandais et rwandais interposés (Michel Collon), de ‘’crimes organisés’’ (Honoré Ngbanda), de ‘’pillage, corruption et criminalité en Afrique’’ (Alain Denault et Delphine Abadie), de ‘’Carnages et des guerres secrètes des grandes puissances en Afrique’’ (Pierre Péan), etc. Relisant l’un des rapports des experts de l’ONU-le rapport Kassem de 2002- auxquels VK fait allusion de son intervention, Colette Braeckman a écrit un livre intitulé ‘’Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale ‘’ (2003). Ce rapport, en effet, traite entre autres des réseaux d’élite de prédation auxquels plusieurs acteurs apparents de la politique des puissances anglo-saxonnes ont participé. (Et certains de ces acteurs du pillage du Congo-Kinshasa sont encore présents dans les institutions formelles de ce pays.)

Pourquoi VK semble-t-il ignorer toute cette documentation au point reconduire ‘’la lecture officielle’’ du Congo-Kinshasa telle qu’elle est faite par les acteurs pléniers dominants ? Quelles peuvent en être les conséquences ?

Kamerhe, la « lecture officielle » du Congo-Kinshasa et ses conséquences

L’une des conséquences est de participer consciemment ou inconsciemment à ‘’la stratégie du chaos et du mensonge’’ telle qu’elle a été concoctée par l’Etat profond anglo-saxon en ignorant son rôle de pyromane. Une lecture fausse de la nature de la guerre menée contre le Congo-Kinshasa peut conduire à la conclusion des alliances compromettantes avec ceux qui ont orchestré cette guerre de prédation et de basse intensité. N’est-ce pas à cette conséquence qu’aboutissent VK et les autres membres de ‘’l’opposition politique congolaise’’ en créant des alliances avec des ‘’agences de sédition made in USA’’ (dont le NDI) et en promouvant le programme ‘’TOMIKOTISA’’ ? L’histoire nous le dira bientôt.

Une autre conséquence est celle d’embrasser ‘’les mercenaires’’ rwandais, ougandais ou congolais impliqués dans cette guerre comme partenaires politiques. N’est-ce pas à cette conséquence qu’a abouti VK en choisissant ‘’le Cheval de Troie’’ du Rwanda et en le vendant aux Congolais(es) comme candidat présidentiable en 2006 ?

L’une des conséquences est de participer consciemment ou inconsciemment à ‘’la stratégie du chaos et du mensonge’’ telle qu’elle a été concoctée par l’Etat profond anglo-saxon en ignorant son rôle de pyromane. Une lecture fausse de la nature de la guerre menée contre le Congo-Kinshasa peut conduire à la conclusion des alliances compromettantes avec ceux qui ont orchestré cette guerre de prédation et de basse intensité. N’est-ce pas à cette conséquence qu’aboutissent VK et les autres membres de ‘’l’opposition politique congolaise’’ en créant des alliances avec des ‘’agences de sédition made in USA’’ (dont le NDI) et en promouvant le programme ‘’TOMIKOTISA’’ ? L’histoire nous le dira bientôt.

Une autre conséquence encore est de passer consciemment ou inconsciemment à côté du mode opératoire des ‘’grandes puissances en Afrique’’. Pourquoi font-elles rédiger des accords ? Ce n’est pas en fonction de leur lutte pour la paix, la démocratie et la liberté. Non. Elles agissent à partir du principe de la pure force. L’accord de Lusaka par exemple fut, à en croire Pierre Péan, ‘’un coup d’Etat diplomatique’’. Le dialogue qui l’a précédé et/ou accompagné visait l’affaiblissement de Laurent-Désiré Kabila et le renforcement de la légitimité politique des mouvements rebelles. Ce dialogue avait pour facilitateur, Ketumile Masire, ancien président du Botswana (1980-1998). La politique économique de ce pays était principalement fondée sur son alliance avec De Beers, une société diamantaire britannique, et avec les USA qui y ont construit une base militaire à Mapharananwane. « Le projet d’accord a été piloté par Philip Winter, fonctionnaire britannique, spécialiste de la région des Grands Lacs.

Et l’homme de l’ombre de l’accord est Howard Wolpe, un personnage qu’Israël avait mobilisé dans son soutien à Mobutu dans les années 1980 ; il est là cette fois pour le compte de l’administration Clinton. C’est lui qui, au cours de réunions secrètes tenues à l’hôtel Livingstone, à Pretoria, en 1999, reçoit les émissaires du RCD-Goma, rencontre Kagame et Museveni, mais aussi Mandela et Mbeki ; lui encore qui rédige le texte de l’accord, transmis à Bill Clinton, Madeleine Albright et Kofi Annan via l’ambassade américaine à Pretoria. »[1] Plusieurs noms susmentionnés sont ceux des ‘’principaux partisans du redécoupage de l’Afrique des Grands Lacs et de l’Afrique centrale depuis la chute du mur de Berlin’’.
La signature de l’accord de Pretoria obéit à la tactique de ‘’talk an fight’’, de négocier tout en faisant parler les armes (avec le soutien des acteurs pléniers).

La guerre de basse intensité, les mercenaires et le « dialogue inclusif »

Agissant en suivant le principe de la pure force, les proxies US ont fini par assassiner Laurent-Désiré Kabila après la signature de l’accord de Lusaka.

Quand VK pose la question de savoir comment après plusieurs résolutions et plusieurs accords signés, la Monusco présente un bilan négatif, il peut trouver à travers cette petite analyse un début de réponse : les initiateurs de la guerre de basse intensité et de prédation menée contre le Congo-Kinshasa considèrent les négociations, les accords et tout ce qui rentre dans le processus démocratique comme étant des ‘’objectifs vagues et irréels’’. Ils utilisent la force et instrumentalisent les proxies pour atteindre leurs objectifs majeurs. Leur rhétorique officielle sur la démocratie et la liberté est un baratin pour apprivoiser ‘’les esprits faibles’’ et ‘’les autres naïfs’’ ayant renoncé à la relecture de l’histoire et la pensée comme ‘’sport de combat’’.

Une autre conséquence enfin est la difficulté à rompre avec le processus martialo-mafieux produit par la fausse lecture de la guerre de basse intensité et de prédation. Il est interprété comme un engagement sur la voie de la démocratisation du pays. Les mercenaires ayant infiltré les institutions formelles du pays sont ‘’reconnus’’ comme ‘’président’’, ‘’ministres’’, ‘’PDG’’, ‘’généraux’’, ‘’lieutenants’’, ‘’colonels’’, etc. Et le baratin politicard se nourrit en permanence de cette inversion sémantique dans un Etat complètement raté.

Et c’est avec ces mercenaires que l’on croit possible de créer ‘’un dialogue inclusif’’ pour conjurer ‘’la crise de légitimité’’ ! Ici, il n’y a même pas crise de légitimité ; il y a un engagement dans un faux processus que les faussaires qui l’ont créé et dont dépend leur survie ne peuvent pas corriger de l’intérieur. D’où le fourvoiement dans lequel le Congo-Kinshasa se retrouve présentement… (à suivre)

 

Mbelu  Babanya Kabudi

[1] P. PEAN, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Paris, Fayard, 2010, p. 398-399.

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