Par Jean-Pierre Mbelu
Dans mon pays d’origine, le Kongo-Kinshasa, j’entends de plus en plus dire que l’Eglise doit prêcher l’amour. Je suis d’accord à 1000%. Mais souvent, le contenu de cet amour n’est pas explicité. Il est possible d’en esquisser quelques traits. Il peut être écoute de l’autre, générosité, bienveillance, don de soi, partage, service, compassion, etc. Le chapitre 13 de la première épître de Paul au Corinthiens est plus explicite. Il classifie l’amour parmi les dons les meilleurs à rechercher. OK.
Mais peut-on prêcher l’amour sans penser aux conditions de possibilité de sa mise en pratique et des handicaps pouvant empêcher cela ? A mon avis, cela ne serait pas possible. A ce point nommé, intervient la dimension prophétique de l’Eglise dans la lignée d’Osée, d’Amos, de Jérémie, d’Ezékiel, d’Isaïe, de Jean-Baptiste, de Jésus, etc. »Vous construisez les tombeaux des prophètes que vos pères ont tué », c’est du Jésus tout craché.
Peut-on prêcher l’amour sans penser aux conditions de possibilité de sa mise en pratique et des handicaps pouvant empêcher cela ? A mon avis, cela ne serait pas possible.
Et puis, à un certain moment, l’impression est qu’il y a une approche simpliste de l’Eglise au Kongo-Kinshasa. Tous ces ministres ordonnés n’auraient étudié que la liturgie pour dire la messe et prêcher l’amour, sans plus. Mais non. Au sein de l’Eglise, il y a une énorme diversité de spécialisations. A ce point nommé, j’estime qu’il y a un énorme malentendu.En tant que prêtre, mes meilleurs professeurs de Philosophie, de la Théorie critique et de Philosophie politique sont des prêtres. J’ai des amis prêtres spécialisés en communication, en développement, en sociologie, en psychologie, en histoire des religions, etc. Que pourrait signifier, pour eux, l’Eglise doit prêcher l’amour ? Passer son temps à l’université à étudier Eboussi Boulaga, Jean-Marc Ela, Oscar Bimwenyi, Gustavo Gutierrez, Frei Betto, Habermas, Hans Jonas, Johns Rawls , Hannah Arendt, Frantz Fanon, Cheikh Anta Diop, etc. ne fait pas de vous un prédicateur innocent de l’amour.
A mon avis, j’ai l’impression qu’au Kongo-Kinshasa, une certaine approche des ministres du culte ne tient pas compte de la diversité de leurs spécialisations. Il y a, dans cette approche, comme un ravalement vers le basique, vers ce qui n’ est pas problématisable. Cela étant, avouer que le travail de la problématisation se ferait sans heurts et sans erreurs serait un mensonge. Tout comme l’appel important à avoir beaucoup plus de témoins que des prédicateurs. D’où l’importance du débat et de la remise en question, de manière permanente. Il permet de questionner la doctrine sociale de l’église et son humble présence prophétique au coeur de la société en prenant en compte la diversité de ses ministères et ses faux pas. Le débat a un côté positif : éviter aux femmes et aux hommes d’Eglise de se poser en donneurs de leçons, sans plus.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961