L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu analyse la folie meurtrière de la Kabilie dans la semaine du 19 janvier 2015, apporte un éclairage sur le rôle de la communauté occidentale dans la tragédie congolaise en lien avec le système néolibéral imposé aux congolais, tire les leçons politiques de ce qui s’est passé récemment au Congo. Il revient également sur la comparaison du Congo avec les camps de concentration nazis et invite les patriotes congolais à ne pas baisser la garde, en dépit de la (petite) victoire obtenue.
Sur la folie meurtrière de la Kabilie
La Kabilie a sombré dans une folie meurtrière. Et si elle a sombré dans cette folie meurtrière, c’est parce que lors de sa réunion du 25 août 2014 à Kingakati, elle avait dit que rester calife à la place du calife était pour elle une question de survie. Il appartient donc aux dignes filles et fils du Congo de pouvoir l’arrêter.
Il n’y a pas eu volte-face de la Kabilie, il y a eu une petite victoire des masses congolaises qui ont pu, abandonnés à leur triste sort par les politicards qui les avaient appelées à envahir la rue, faire face, avec les moyens du bord, mains nues, à des escadrons de la mort armés jusqu’aux dents et accompagnés de chars. Le peuple, qui, habitué à se battre mains nues, a juré de se défendre, a pu réaliser des petits pas importants en remportant cette petite victoire sur la folie meurtrière de la Kabilie. Mais ce n’est que le commencement.
Mais l’ennemi va revoir ses cartes pour revenir à la charge. Si les masses populaires congolaises baissent la garde en se fiant à un processus électoral biaisé et piégé, nous risquons d’avoir pendant longtemps nos yeux pour pleurer.
Sur les signes qui ne mentent pas
L’intervention des ambassadeurs occidentaux dans la tragédie congolaise est une façon de marquer un répit. S’il y avait vraiment eu volte-face, Minaku et toute la kabilie allait pouvoir s’incliner et demander pardon au peuple congolais, pour l’avoir massacré à balles réelles. Or, la kabilie n’a pas fait cela.
Ensuite, il n’y a pas eu d’organisation d’un deuil pour les vies congolaises perdues. Il n’y a donc eu ni appel au deuil, ni demande de pardon. Ce sont des signes qui ne mentent pas.
Sur le rôle de la communauté occidentale dans la tragédie congolaise
Le temps que les médias dominants ont mis pour donner un écho de ces massacres et assassinats des filles et fils du Congo est un signe qui ne ment pas.
Et quand ils en ont parlé, il y a une journaliste de France 24 qui a osé dire qu’elle ne comprenait pas que la communauté occidentale soit restée si silencieuse.
Si les congolais et congolaises, si les patriotes congolais veulent aller jusqu’au bout de leur lutte, il leur appartient de relire Franz Fanon. Ce répit du gouvernement qui n’est pas accompagné d’une demande de pardon, ce répit qui n’est pas accompagné d’une organisation d’un deuil sur tout le territoire est un faux répit. C’est un temps durant lequel la communauté occidentale et ses proxys vont prendre pour pouvoir se réorganiser. L’objectif principal de tout ce qui se passe au Congo-Kinshasa est de pouvoir exterminer le plus possible les congolais, faire main basse sur les matières premières stratégiques du Congo et balkaniser le pays.
Sur le lien entre le néolibéralisme et les massacres au Congo
Pour imposer le système néolibéral comme matrice organisationnelle sur fond de laquelle va fonctionner la kabilie ou les substituts à la Kabilie, il faut mater le plus possible le peuple. Il faut tuer le plus possible le plus. Parce que le néolibéralisme entretient la guerre du tous contre tous et la politique du diviser pour régner.
Sur l’hégémonie culturelle des médias occidentaux
Mais ce qui est bien, c’est que, de plus en plus, les congolais et congolaises, toutes tendances confondues, arrivent à s’exprimer à travers ces médias. Il y en a de plus en plus des amis travaillant au sein de ces médias dominants qui restent tant bien que mal à l’écoute des congolais.
Il y a une petite alliance qui est en train de se créer entre certains de ces médias et les patriotes congolais. Ces vrais que ces médias défendent le néolibéralisme et leurs proxys, mais de temps en temps, ces médias relaient quand même, ne serait-ce que pour caresser les congolais dans le sens du poil, des textes et points de vue des patriotes et résistants congolais. C’est un plus. Tout dépend de la manière dont on appréhende ces médias. On peut y voir un verre à moitié plein ou un verre à moitié vide.
Il y a des petits succès, des petites alliances et petites victoires des congolais à travers ces médias dominants.
Sur les leçons à tirer des événements du 19 janvier 2015
Les masses populaires, par leur mobilisation, mains nues, en se mettant debout, et après avoir remarqué qu’elles avaient été abandonnées dans la rue par les politicards, ont prouvé qu’elles ont du pouvoir et qu’elles peuvent donner le pouvoir.
A supposer qu’internet n’ait pas été interrompu, que les télévisions patriotes aient relayé, sur tout le territoire, le soulèvement de Kinshasa, le Congo aurait basculé dans le camp du peuple.
Mais aujourd’hui, qu’est-ce qu’il se passe ? Après que les masses populaires aient prouvé qu’elles ont du pouvoir, les politicards sont en train de récupérer leur petite victoire en essayant de coaliser avec leurs maîtres occidentaux. Ces politicards font comme si le soulèvement populaire des congolais était une réponse au fait qu’il y avait eu une loi électorale que la kabilie voulait imposer au pays. Non, les masses populaires se sont servies de la protestation à cette loi comme prétexte pour pouvoir engager la rue et dire ce qu’elles ont sur le cœur.
Elles ont dit ceci : Aujourd’hui au Congo, il y a deux camps. Il y a le camp de ceux qui vivent en ville et ont tous les moyens. Le camp des masses populaires qui travaillent et qui n’ont rien. Les gens travaillent et ne sont pas payés. Les enfants ne savent plus aller à l’école. Il n’y a pas d’accès aux soins de santé. Les gens ne sont pas bien nourris. Il y a là des questions liées aux droits sociaux, politiques, économiques et culturels que les politicards réduisent à un objectif vague qu’ils appellent le désir de la démocratie. Non. Si les politicards continuent à croire que ce sont leurs parrains occidentaux qui donnent le pouvoir. Ils vont tout faire et sont en train de tout faire pour récupérer la petite victoire de la rue et avoir accès à leurs prébendes. Ils veulent tirer les dividendes de ce soulèvement populaires pour imposer aux masses populaires congolaises la démocratie bourgeoise qui leur donnera accès aux costumes et aux cravates mais aussi à leurs alliances avec les petites mains du néolibéralisme.
Sur Joseph Kabila et la classe politique congolaise
La Kabilie a versé dans la folie meurtrière et les patriotes congolais doivent pouvoir, de plus en plus, se mobiliser, comme un seul homme pour arrêter ce fou sanguinaire.
Ce qui se joue maintenant, c’est une récupération par le camp de la kabilie avec sa clientèle qui est dans ce qu’on appelle l’opposition. Ces gens habitués aux titres de ministre, honorable ou autre excellence, ont du mal à comprendre que le changement qui doit s’opérer au Congo est un changement profond de système et non une redistribution des prébendes et que c’est le peuple qui doit pouvoir impulser ce changement.
Ces partis politiques sont en train de vendre notre pays aux enchères au nom de leurs relations et alliances avec les maîtres du monde.
Sur la comparaison du Congo à des camps de concentration nazis
Toutes les communications ont été interrompues. A quelques exceptions près, nous n’avons pas pu communiquer avec nos familles, les lundi, mardi et mercredi. Et après la coupure des communications, nos familles ont été livrées à leurs bourreaux.
Etre tué, être coupé de l’extérieur, ne pas avoir suffisamment à manger, n’est-ce pas se retrouver dans un camp de concentration?
Comme à l’époque des nazis aussi, ceux qui tuent au Congo ont des liens avec leurs parrains qui opèrent au Congo à partir des multinationales. Le livre « Le mythe de la bonne guerre de Jacques R. Pauwels (Ed. Aden, 2005) nous montre par exemple comment plusieurs entreprises américaines et anglo-saxonnes coopéraient avec les nazis pendant que les nazis exterminaient les juifs.
C’est ce qui se passe encore aujourd’hui. Pendant qu’on extermine les congolais, il y a des entreprises transnationales qui font des sous au Congo.