Par Mufoncol Tshiyoyo
Le meurtre de George Floyd aux États-Unis me laisse de marbre.
Une civilisation qui a su produire de l’esclavage, elle a vendu des êtres humains comme si c’était du bétail pour se réaliser, cesse de surprendre lorsqu’un de ses supposés meilleurs produits commet en direct et en public un meurtre. Une société qui se subdivise en différentes races et hiérarchisées, condamnant celles qui sont reléguées au bas de l’échelle à l’errance, à la faim, au froid, à la maladie et à la chosification, et ceci pour garder visible l’exceptionnalisme occidental, ne peut objectivement émouvoir que tous ceux et toutes celles qui se sont laissé prendre dans le piège du mythe du dernier « homme » (La Fin de l’histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama, Paris : Flammarion, 1 994).
Le reste du monde, clone de l’Occident?
En effet, il y a lieu de se demander ce que proclamait la version des faits selon Fukuyama, à travers son expression du « dernier homme » et à quoi ce dernier ressemblait. Pour Fukuyama, il n’y a aucun doute que le monde assiste au triomphe de l’occident qui se traduirait « par l’épuisement total des alternatives viables et systématiques à la [création occidentale] […] Nous assistons à la fin de l’histoire en tant que telle, c’est-à-dire le point final de l’évolution idéologique de l’homme et de l’universalisation de [tout ce qui est occidental] ».
Il y a toujours un lien entre les actes que subissent les masses dépersonnalisées et le discours auquel ils ont été nourris. En sciences sociales, l’idéologie est par définition une production humaine qui obéit à des enjeux, des logiques et des processus. La question, c’est quand l’Occidental triomphe et après ?
Il y a toujours un lien entre les actes que subissent les masses dépersonnalisées et le discours auquel ils ont été nourris. En sciences sociales, l’idéologie est par définition une production humaine qui obéit à des enjeux, des logiques et des processus.
Dans Le Défi Asiatique, critiquant le point de vue de Fukuyama, l’auteur sri-lankais d’origine Indienne, le professeur Kishore Mahbubani, dénonce l’accueil qui a été réservé en Occident à la publication du livre de Fukuyama. Il écrit à propos : « Le grand enthousiasme qui a suivi la publication de cet ouvrage à l’Ouest reflète le profond désir de l’occident de croire que l’histoire se conclut par son triomphe, et que le reste du monde ne peut que devenir un clone de l’Occident » (Mahbubani, 2008 : 22).
Voilà que le mot est dit : « le clone de l’Occident ». On y est presque dans le cas de George Floyd, assassiné aux USA, pour avoir été reconnu comme un « clone », en d’autres termes comme un sous-homme sur lequel tout est permis. Et ils peuvent en faire tout ce que bon leur semble. C’est vite fait. Mais il est à noter qu’il ne s’agit point plus du premier crime du genre.
Nous sommes condamnés à vivre
Au Congo, Lumumba un des morts sans sépulture fut décapité vivant. Tuer le jour et en public semble être une des spécialistes de la civilisation. Kadhafi a physiquement aussi été liquidé. Son assassinat en direct et en plein jour était non seulement filmé mais également justifié. Comme trophée, la joie non feintée de Madame Hilary Clinton à l’annonce de l’assassinat de Kadhafi à Tripoli : « We came, we saw, he died » (Nous sommes venus, nous avons vu et il est mort), des propos tenus en direct, en public et avec sourire. Personne n’a osé dire quoi que ce soit.
Nous avons le droit de vivre. Nous sommes condamnés à vivre. Et nous devons en assumer le plein droit. Pour ce faire, commençons par la désoccidentalisation du mythe de l’Occident comme une civilisation authentique, po likambo oyo eza likambo il y a mabele.
Non, c’est bien moi qui ne suis pas malade quand l’assassinat de Floyd me laisse de marbre. Il y a au Congo plus de 12 000 000 de morts congolais. Le Congo attend sous pression la matérialisation dans le sang, le pleure et la douleur de la balkanisation programmée du territoire déjà divisée à partir de l’Allemagne en quatre royaumes. Cependant, les morts au Congo n’émeuvent personne. Qui s’en émeut ? C’est pour toutes ces raisons que j’avais décidé de ne plus pleurer, de ne plus seulement dénoncer, mais d’agir. Même si la plume, l’écriture et les mots restent avant tout mes premières armes, celles qui sont à ma disposition. La prison est mentale.
Nous avons le droit de vivre. Nous sommes condamnés à vivre. Et nous devons en assumer le plein droit. Pour ce faire, commençons par la désoccidentalisation du mythe de l’Occident comme une civilisation authentique, po likambo oyo eza likambo ya mabele.
Mufoncol, MT,
Un homme libre et un dissident