Par Jean-Pierre Mbelu
« Là où triomphe la cupidité, la boussole éthique se perd » – B. S.
Apprendre qu’un groupe d’individus a eu des cartes bancaires, pendant plusieurs années, pour se servir sur le compte du « Trésor public » peut être révélateur d’un mal très profond ou plutôt d’un mal profondément ancré dans certains cœurs et dans certains esprits kongolais. (Il en est question sur cette vidéo) Ces cartes bancaires à usage abusif sont la face visible de l’iceberg. Certains usagers de ces cartes ont fait partie du réseau transnational de prédation depuis le début de la guerre de l’AFDL.
Leur course à l’ enrichissement illicite trahit leur conversion permanente au matérialisme pur et dur et leur perte de la boussole éthique. Ils peuvent s’enrichir tout en côtoyant la misère de leurs compatriotes au quotidien. C’est-à-dire que ce matérialisme corrompt dans leurs têtes et leurs cœurs les notions telles que le respect de l’altérité, la dignité humaine, la justice sociale, le vivre-ensemble, etc. Pour eux, l’avoir l’emporte sur l’être. Les « bintu » sur « les bantu ». Il y a là une perversion liée à l’idolâtrie de l’avoir.
La fracture sociale au Kongo
Dans ce contexte de perversion, vendre ou acheter les »bantu » (les humains), les fouler au pied, c’est-à-dire « les désacraliser », les opprimer, les réprimer, les appauvrir, les tuer et/ ou les envoyer à la mort etc. , tout cela peut être « normalisé ». Et les « bantu » soumis pendant longtemps à cette perversité, abêtis par les médiamensonges et le « ndombolo wengetisant » peuvent finir par trouver cette « normalisation » de leur chosification et de leur assujettissement « normale » au point de devenir les larbins, les défenseurs des enrichis illicitement ; au point de choisir d’être leurs « esclaves volontaires » passant le clair de leur temps à chanter leurs louanges. Pire : « les bantu » soumis et chosifiés peuvent être prêts à mourir pour ces enrichis illicites et pervertis ayant renoncer à la vivification de l’être, c’est-à-dire aux marqueurs de la dignité humaines que sont la fraternité, l’amour, la liberté, la sécurité, l’humanisme, etc.
Comment mettre fin à cette fracture sociale afin que renaisse un peuple kongolais uni et fort, conscient de ses limites et travaillant ensemble au devenir d’un nous collectif sage ? Tel est l’un des défis à relever sur le court, le moyen et le long terme. Il est difficile à relever. Avec un maximum de courage et de persévérance, cela peut aller.
Ces enrichis illicites et pervertis courent derrière l’avoir et « le pouvoir-os ». Gérant mafieusement celui-ci, ils édictent des lois pour se protéger et constituer une caste d’intouchables. En fait, comme l’écrit, Guy Boulianne, « la loi n’est pas faite pour le pervers. Non, le pervers d’État préfère cette posture bien plus confortable : faire les lois pour les autres, décider qu’elles ne sont pas faites pour lui et jouir intimement de leur transgression au quotidien. »
Jouir intimement de cette transgression crée la fracture sociale. D’un côté, « les kulunas » en costume et cravate protégés par des institutions vides de contenu et de l’autre, des « kulunas » de la rue arrêtés et envoyés à Kanyama Kasese. D’un côté, les enrichis illicites et pervers se protégeant mutuellement et interchangeables et de l’autre, des majorités d’appauvris anthropologiques et de larbins.
« Le petit reste d’éveillés » peine à partager sa lucidité, son bon sens, son sens de l’humain, son sens du discernement et sa voyance. De temps en temps, il connaît des succès… Comment mettre fin à cette fracture sociale afin que renaisse un peuple kongolais uni et fort, conscient de ses limites et travaillant ensemble au devenir d’un nous collectif sage ? Tel est l’un des défis à relever sur le court, le moyen et le long terme. Il est difficile à relever. Avec un maximum de courage et de persévérance, cela peut aller.
Pour la sortie nécessaire de la néocolonisation
En attendant, les enrichis illicites et pervers, en bons »négriers des temps modernes », endettent le pays. En le dévalisant, en vidant ses caisses, ils en font une bonne proie pour les Institutions Financières (dites) internationales. Les caisses vidées doivent être de temps en temps renflouées afin que, par la dette et son service, le pays se transforme à tout jamais, pour les générations présentes et futures, en une »néocolonie » des forces dominantes du capital.
Recréer collectivement la cohésion nationale marche de pair avec la sortie de la néocolonisation. Cela ne peut pas advenir sans changement de paradigme, sans une refonte en profondeur des cœurs et des esprits, sans des enseignements patriotiques réguliers sur l’art de vivre ensemble et de faire société, sans un changement des politiques sociales, économiques, spirituelles et culturelles.
De ce point de vue, « ces négriers des temps modernes » sont nécessaires, voire même indispensables aux « envoyés spéciaux » des forces dominantes du capital. Ils vendent à vil prix le pays de Lumumba en participant de la régression anthropologique de leurs compatriotes.
Donc, par leur enrichissement sans cause, ils coopèrent à « l’esclavagisation » de leur pays comme des mercenaires. Les masses populaires ne semblent pas être très bien outillées pour comprendre ce jeu d’un endettement appauvrissant pour le plus grand nombre et créant une caste de « petits riches » ayant des envies de devenir une grande dynastie de chefs féodaux ayant à son service des majorités des serfs constitués de fanatiques, de tambourinaires, d’applaudisseurs et de thuriféraires. En fait, de chefs féodaux reconduisent le paradigme léopoldien.
Dans ce contexte, recréer collectivement la cohésion nationale marche de pair avec la sortie de la néocolonisation. Cela ne peut pas advenir sans changement de paradigme, sans une refonte en profondeur des cœurs et des esprits, sans des enseignements patriotiques réguliers sur l’art de vivre ensemble et de faire société, sans un changement des politiques sociales, économiques, spirituelles et culturelles ; sans faire de la culture humaniste du « bomoto » une barrière civilisationnelle. Les consciences éveillées, patriotes et souverainistes ont encore et toujours du pain sur la planche.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961