Par Jean-Pierre Mbelu
« La personne humaine est sacrée. » ( Article 16 de la « Constitution » kongolaise)
Depuis les années 1990, la guerre dite de « Libération » orchestrée par « l’impérialisme intelligent » et ses proxys ougando-rwando-burundo-congolais etc., une véritable culture de la mort s’est installée au pays de Lumumba. Tuer, assassiner, empoisonner, massacrer, tirer sur des manifestants non-armés, violer et éventrer les femmes, violer les hommes, les filles et les femmes en présence des membres de leurs familles, découper les Congolais(es) en petits morceaux, tirer à bout portant sur des manifestants munis des bibles et des chapelets, investir les églises et les hôpitaux pour terroriser et tuer, etc., tel est le spectacle infernal auquel le pays est soumis depuis plus de deux décennies.
Petit à petit, cette culture de la mort a produit des thanatophiles. C’est-à-dire des compatriotes congolais et/ou étrangers vivant sur le sol congolais, amoureux de la mort à donner et/ou à imposer aux autres. Ils aiment et ont banalisé la mort. Parmi eux, certains préfèrent mourir d’une balle dans la tête ou donner une balle dans les têtes de ceux avec qui ils se disputent « le pouvoir-os ». Ils ne connaissent que le langage de la violence et/ou des armes. Ils en vivent.
Les sociopathes et la fausse guerre de libération
Ces sociopathes sont, pour la plupart, ou des victimes des cruautés et violences subies au cours de « la fausse guerre de libération » ou des ex-enfants n’ayant jamais été initiés à la relation à autrui que par le truchement de violence et de la mort. Plusieurs ex-kadogo de l’APR/FPR/AFDL/PPRD/CNDP/M23 appartiennent à cette catégorie. Pour eux, l’accès à l’argent, au « pouvoir-os », aux biens meubles et immeubles, aux « privilèges », etc., passe par la mort. Le sens de l’humain, du « bomoto » a été éteint en eux.
Pour ces sociopathes, l’accès à l’argent, au « pouvoir-os », aux biens meubles et immeubles, aux « privilèges », etc., passe par la mort. Le sens de l’humain, du « bomoto » a été éteint en eux.
Malheureusement, leur façon de faire et d’être a créé des émules parmi leurs clients, leurs alliés et/ou leurs associés, leurs fanatiques, leurs tambourinaires, leurs thuriféraires et leurs applaudisseurs au point de faire de la culture de la mort l’une des choses les plus partagées au Kongo-Kinshasa.
C’est vrai. Tout humain est travaillé au fond de lui-même à la fois par les forces de la vie et par celles de la mort. Il peut, en grandissant, devenir, pour autrui, un « Caïn » ou un « Abel ». Il peut, librement, en conscience, passé de l’un à l’autre. L’éducation(entendue comme processus d’initiation au savoir être avec, par soi et avec et par les autres), la culture, les lois, l’organisation de la cité jouent un très grand rôle dans cette « conversion-reconversion ».
Les lois, lorsqu’elles sont édictées et assumées par des citoyens lucides et conscients de participer à l’édification d’une cité humaine et humanisante peuvent contribuer à la lutte contre la sociopathie et la psychopathie. Il s’agit ici des lois dont les citoyens, à travers une constituante mise en place en bonne et due forme, sont des acteurs légitimes st légitimés (et pas de simples consommateurs des textes rédigés par « les experts-technocrates », comme certains disent chez nous.)
« Le Kongo-Kinshasa ne sera pas toujours faible »
Il en aurait pu en être ainsi si « la Constitution kongolaise » était issue d’un processus ayant permis aux citoyens de se l’approprier. Des citoyens acteurs légitimes et légitimés (comme à Cuba, au Venezuela et en Bolivie) se seraient battus, à plusieurs niveaux de l’organisation de la cité, pour éradiquer la culture de la mort. Son article 16 aurait pu être respecté et défendu.
La personne humaine est la plus oubliée de leurs débats et de leurs monologues sur les plateaux des télévisions. Elle n’est pas au cœur de leurs luttes promouvant « le culte de la personnalité ». La sacralité de la personne humaine est purement et simplement ignorée. Ceux et celles qui bafouent sa dignité jouissent d’une impunité qui ne dit pas son nom.
Voici ce qu’il stipule : « La personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger. Toute personne a droit à la vie, à l’intégrité physique ainsi qu’au libre développement de sa personnalité dans le respect de la loi, de l’ordre public, du droit d’autrui et des bonnes mœurs. Nul ne peut être tenu en esclavage ni dans une condition analogue. Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Nul ne peut être astreint à un travail forcé ou obligatoire. » Malheureusement, comme il s’agit d’un texte produit, non par une constituante congolaise, mais par des »experts » au service des forces économiques dominantes et de leurs sous-traitants organisés en réseau mafieux de prédation, cet article 16 est l’un des plus discriminés.
Les « experts constitutionnalistes » et leurs disciples font l’herméneutique des articles traitant de l’accès et/ou de la conservation du « pouvoir-os », de l’organisation des « élections-pièges-à-cons » et du « parlement », caisse de résonance du réseau mafieux susmentionné. La personne humaine est la plus oubliée de leurs débats et de leurs monologues sur les plateaux des télévisions. Elle n’est pas au cœur de leurs luttes promouvant « le culte de la personnalité ». La sacralité de la personne humaine est purement et simplement ignorée. Ceux et celles qui bafouent sa dignité jouissent d’une impunité qui ne dit pas son nom.
Dieu merci ! Des compatriotes écrivent et se documentent sur cette impunité. De plus en plus, il y en a qui ont choisi de lutter autour des thèmes rassembleurs et mobilisateurs tels que les crimes commis sur le sol kongolais de 1993 à 2003 afin de poser des balises d’une autre culture : la culture de la vie. Même s’ils ont encore en face ces thanatophiles capables de les tuer sans ménagement, ils restent convaincus, à la suite du Professeur Ekofo, que « le Kongo-Kinshasa ne sera pas toujours faible ». Ce « petit principe Espérance » les booste pour plus de mobilisation et de résistance. Est-ce suffisant ? Non. Il y a plus à entreprendre. Il y a une révolution culturelle à mener contre la crise de sens et la crise anthropologique devenues une débâcle au cœur de l’Afrique.
« Nous devons être le changement que nous voulons »
Il est urgent de passer de la déstructuration culturelle à la restructuration culturelle en revisitant la culture du « BOMOTO » et les modalités de l’incarnation de ses marqueurs que sont le respect de la vie du Muntu, la connaissance et la conscience de soi, la solidarité, la justice, la paix, la liberté (sous ses différentes formes), la sécurité (sous ses multiples facettes) dans la matrice organisationnelle de la cité kongolaise. Comment cela adviendra-t-il ?
Il est urgent de passer de la déstructuration culturelle à la restructuration culturelle en revisitant la culture du « BOMOTO » et les modalités de l’incarnation de ses marqueurs…
Par le biais de la refondation de l’Etat, du passage de « l’Etat-raté-manqué » actuel à un Etat digne de ce nom. C’est-à-dire un Etat assumant réellement ses prérogatives régaliennes et géré par un leadership collectif ayant de la voyance et patriote. Ce leadership devrait être capable d’insuffler aux masses populaires un souffle de vie les transformant en « démiurges de leur propre destinée » afin qu’ensemble ils renversent les rapports de force créés au Kongo-Kinshasa par « l’Etat profond » (ou les forces économiques dominantes) et leurs sous-traitants depuis plus de deux décennies.
Ceci constitue un ouvrage à remettre constamment sur le métier dans un contexte historico-politique à la fois kongolais, africain, panafricain et mondial. L’identification d’un « nouvel acteur géopolitique anonyme », ennemi des peuples et des Etats réellement souverains, est un pas important à faire sur cette voie de l’émancipation politique kongolaise. Ses stratégies, ses méthodes, ses modes opératoires devraient être étudiées et approfondies par la masse critique et partagées avec les passent populaires.
Sans la connaissance et la conscience éveillées d’un soi à la fois individuel et collectif, le reste pourrait devenir difficile à réaliser. Pourquoi ? Parce que, comme le disait Einstein, « nous devons être le changement que nous voulons ».
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961