Par Jean-Pierre Mbelu
Dans un pays en ‘’guerre perpétuelle’’ comme le Congo-Kinshasa, il devrait être intéressant de s’interroger, à nouveaux frais, sur le rôle des ‘’forces de maintien de la paix’’ et sur celui de l’entretien des conflits. A quoi servent réellement ‘’les forces de maintien de la paix’’ dans un contexte de guerre de basse intensité ? Pourquoi les conflits ethniques ou tribaux, les oppositions partisanes sont-ils nécessaires à la domination globale US ou occidentale ? Comment sont-ils instrumentalisés ? Ces questions apparemment futiles nous semblent importantes. Y répondre régulièrement peut éviter au Congo-Kinshasa et à l’Afrique de briser leur volonté d’indépendance et de conjurer l’esclavage politique dans lequel ‘’le nouvel ordre mondial’’ tient à les maintenir. Revisiter l’histoire de nos luttes d’émancipation politique est, dans ce contexte, indispensable. Pour éviter la (mauvaise) répétition de l’histoire, dit Peter Dale Scott, il faut l’étudier. Oui. Il faut étudier pour éviter d’être victime de l’ignorance et de l’amnésie.
Il est curieux que les derniers apports sur les commanditaires de la guerre de basse intensité menée contre la région des Grands Lacs africains ne puissent avoir suffisamment d’incidence sur l’approche des attaques à mener contre les FDLR. Pour rappel, le documentaire intitulé ‘’Rwanda’s untold story’’ de la BBC est arrivé à la conclusion selon laquelle cette guerre menée par les anglo-saxons par les proxys rwandais et ougandais interposés avait comme objectif majeur le Congo-Kinshasa. Un avocat de la défense au TPIR, Christopher Black, a écrit un long texte sur la criminalisation de la justice à Arusha. Ce texte contient un extrait d’une lettre de Paul Kagame écrite à Museveni sur cet objectif final. Cette guerre de basse intensité devait conduire au vol et au pillage des ressources du sol et du sous-sol congolais. Un objectif suffisamment atteint pour le moment. La prochaine incursion d’Africom au Congo-Kinshasa servira le même objectif.
Si ce contexte est perdu de vue, il devient compliqué de comprendre le prétexte permanent auquel recourent les protagonistes de cette guerre de basse intensité. Des compatriotes croient encore en l’ONU comme ‘’force de maintien de la paix’’. Soit ! Mais rares sont ceux qui se posent la question de savoir le rôle que jouent des ‘’forces de maintien de la paix’’ au cours d’une guerre de basse intensité.
Le rôle néfaste joué par l’ONU au Congo
Au Congo-Kinshasa, le rôle néfaste joué par l’ONU est bien connu des lecteurs de Frantz Fanon quand il fustigeait les erreurs de Lumumba en ces termes : « Il ne fallait pas faire appel à l’ONU. L’ONU n’a jamais été capable de régler valablement un seul des problèmes posés à la conscience de l’homme par le colonialisme, et chaque fois qu’elle est intervenue, c’était pour venir concrètement au secours de la puissance colonialiste du pays oppresseur. [1]» Fanon évoquait à ce moment-là comme preuves le Cameroun d’Ahidjo, le Vietnam et le Laos. Il croyait fermement qu’ « il n’est pas vrai de dire que l’ONU échoue parce que les causes sont difficiles.
Il est donc clair que la question n’est pas de choisir entre Joseph Kabila et la Monusco dans la guerre perpétuelle entretenue entre les Africains. Les deux peuvent être renvoyés dos à dos, vu le rôle mortifère qu’ils jouent au Congo-Kinshasa.
En réalité, l’ONU est la carte juridique qu’utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la force a échoué. Les partages, les commissions mixtes contrôlées, les mises sous tutelle sont des moyens légaux internationaux de torturer, de briser la volonté d’indépendance des peuples, de cultiver l’anarchie, le banditisme et la misère. [2]» Pour Frantz Fanon, l’une de grosses erreurs de Lumumba fut d’avoir cru en ‘’l’impartialité amicale’’ de l’ONU. A ses yeux, Lumumba « oubliait singulièrement que l’ONU, dans l’état actuel, n’est qu’une assemblée de réserve, mise sur pied par les grands, pour continuer entre deux conflits armés la lutte pacifique pour le partage du monde. [3]» (p.876)
Il est curieux que plus de cinquante ans après, il y ait encore des Congolais(es) qui croient en ‘’l’impartialité amicale’’ de l’ONU ! Et dans la théâtralisation du différend opposant la Monusco au ‘’raïs’’, certains disent : ‘’Que Kabila parte et que le Monusco reste’’ !
Pourtant, la question ne nous semble pas être celle de choisir entre la peste et le choléra. Non. Elle est celle de dire la partition que chacun joue au cours d’une guerre de basse intensité.
Qui est Joseph Kabila?
Qui est Joseph Kabila ? ‘’Un cheval de Troie du Rwanda’’. C’est-à-dire ‘’un agent double’’. Or, les tactiques utilisées par l’Etat profond anglo-saxon incluent « l’usage de la tromperie, l’infiltration d’agents doubles et d’agents provocateurs et même des actions de transfuges infiltrés dans les mouvements populaires légitimes, comme cela s’est passé avec les mouvements anticolonialistes après 1945. [4]» Ces tactiques facilitent l’extension et la permanence de la guerre de basse intensité. Elles permettent de comprendre pourquoi Africom tient à s’installer au Congo-Kinshasa et la Monusco à traquer les FDLR.
Insistons. « La tactique adoptée pour étendre la militarisation soutenue par les États-Unis consiste à attiser les insurrections tribales locales en perpétrant délibérément des atrocités de tout ordre, notamment sur les civils, à terroriser les populations locales et à encourager les actes de résistance désespérés — bref, une stratégie de crimes de guerre délibérés, assumée officiellement. [5]»
Nous devrions nous rappeler vue que quand la Monuc (devenue plus tard la Monusco) est intervenue au Congo-Kinshasa en novembre 1999, une coalition de quelques armées africaines était en train d’en découdre avec les proxys anglo-saxons. Elle est venue casser la dynamique de cette coalition. Elle risquait de constituer un frein à la domination globale anglo-saxonne fondée sur la guerre perpétuelle en Afrique des Grands Lacs. Elle voudrait rester au Congo-Kinshasa jusqu’en 2035[7]. Le subterfuge est de fragiliser l’UA, de saper son autorité et d’anticiper l’étouffement du panafricanisme des peuples.
Connaître ces tactiques permet de comprendre le rôle que joue la Monusco comme force de maintien de paix. « Les troubles et l’instabilité générés par les opérations militaires états-uniennes, et occidentales en général, (ou par leurs proxys et autres infiltrés) servent ainsi à justifier la présence des « forces de maintien de la paix ».
La question n’est pas de choisir entre Joseph Kabila et la Monusco
C’est ce petit secret bien embarrassant qui se cache derrière la terminologie Opérations de maintien de la paix, que l’OTAN agisse directement comme en Afghanistan et au Kosovo ou que ce soit l’ONU qui entre en action, comme en Haïti depuis 2004 ou au Soudan depuis 2007 (deux pays aux riches ressources pétrolifères) ou comme en République démocratique du Congo (riche en minerais) depuis 1999. [6]» Il est donc clair que la question n’est pas de choisir entre Joseph Kabila et la Monusco dans la guerre perpétuelle entretenue entre les Africains. Les deux peuvent être renvoyés dos à dos, vu le rôle mortifère qu’ils jouent au Congo-Kinshasa.
Nous devrions nous rappeler vue que quand la Monuc (devenue plus tard la Monusco) est intervenue au Congo-Kinshasa en novembre 1999, une coalition de quelques armées africaines était en train d’en découdre avec les proxys anglo-saxons. Elle est venue casser la dynamique de cette coalition. Elle risquait de constituer un frein à la domination globale anglo-saxonne fondée sur la guerre perpétuelle en Afrique des Grands Lacs. Elle voudrait rester au Congo-Kinshasa jusqu’en 2035[7]. Le subterfuge est de fragiliser l’UA, de saper son autorité et d’anticiper l’étouffement du panafricanisme des peuples.
Espérons que la présence de Robert Mugabe à la tête de l’UA pourra contribuer à mettre fin à ces ‘’crimes organisés’’ ; et que les dignes filles et fils du Congo-Kinshasa finiront par créer des alliances stratégiques à même de conduire leur pays sur une véritable voie d’émancipation politique. Dans un premier temps, les BRICS et l’Amérique Latine peuvent être un choix utile.