Par Jean-Pierre Mbelu
« Le totalitarisme est la mise en sourdine de la liberté d’expression, de la démocratie, du pluralisme, des contre-pouvoirs et la négation des droits humains les plus fondamentaux. » – Franck Pengam
Exiger que le débat public – le looso, le kinzonzi, les masabakanyi- soit respectueux d’un certain nombre de principes est une chose. Mais vouloir que les débatteurs ne puissent pas recourir au pamphlet, à l’humour, aux blagues pour passer certains messages sous peine d’être traduits en justice est une autre chose. Cette chose s’appelle bêtise.
Dans un pays plongé dans une crise de sens devenue une débâcle, le débat public y est indispensable. Cela d’autant plus que plusieurs compatriotes ne sont plus d’accord sur le sens des mots et sur les orientations données au pays. Les mots et les expressions tels que « politique », « président », « pouvoir », « autorité morale », « grands prêtres », « Etat », « assemblée nationale », « constitution » ne réussissent plus à réunir un consensus minimal chez plusieurs compatriotes.
Il y a un cercle vicieux…
Pour certains, « la politique » au Congo-Kinshasa est synonyme de « Tshididi », de « mensonge », de coups bas assénés aux masses populaires appauvries et assujetties. Explicitons un peu. Pour cacher leurs crimes présumés, certains compatriotes et leurs amis étrangers se sont donnés les titres d' »autorité morale » ou de « grands prêtres ».
Dans un pays où les besoins essentiels tels que l’eau, le courant électrique, l’emploi dignement rémunéré, l’école républicaine, les soins de santé primaires, les routes praticables, le logement décent, etc. sont insatisfaits depuis plusieurs décennies, parler d’un Etat digne de ce nom pose un problème sérieux.
Or, dans certains milieux congolais, eu égard à leur passé et leurs crimes présumés, ils sont tout simplement considérés comme étant des « frappeurs ». Là où des compatriotes affirment avoir « le pouvoir », d’autres y lisent « un os » jeté aux « nègres de service » par ceux qu’ils appellent « les décideurs » les coachant jour et nuit. Pendant plus de deux décennies, il y a eu (et il y a encore) au pays de Lumumba « une caisse de résonance » des « mammonites au pouvoir-os » dénommée « assemblée nationale » ou « parlement » capable d’écrire des lois républicides au seul profit de ses créateurs.
Donc, dans un pays où certains mots et certaines expressions n’ont plus le même sens chez les citoyens, le débat public peut devenir un procès d’apprentissage pour les uns et les autres grâce au choc des idées. Il ne peut pas être judiciarisé à partir des lois liberticides rédigées et votées par les fanatiques, les thuriféraires et les applaudisseurs des « mammonites sorciers » et « vampires ».
Il y a ici un cercle vicieux : chercher à arrêter des citoyens qui, exerçant leur liberté d’expression, occupent l’espace public et décrient les institutions et les animateurs issus d’un long processus affairo-politique vicié et vicieux. Dans un pays où les besoins essentiels tels que l’eau, le courant électrique, l’emploi dignement rémunéré, l’école républicaine, les soins de santé primaires, les routes praticables, le logement décent, etc. sont insatisfaits depuis plusieurs décennies, parler d’un Etat digne de ce nom pose un problème sérieux.
Seul le débat public rationnel et raisonnable peut finir par créer un minimum de culture
D’où le recours aux expressions tels que « Etat raté » ou « Etat manqué ». Dans un pays où les forces de défense et les services de sécurité ont été sérieusement infiltrés par les mécanismes de brassage et de mixage, par la guerre perpétuelle, parler d’une « armée républicaine » capable de vaincre les ennemies l’ayant affaiblie de l’intérieur peut susciter de l’indignation.. Dans un pays où l’économie est sous les fourches caudines du Fonds monétaire internationale et de la Banque mondiale, parler de « souveraineté économique » est un non-sens.
Des compatriotes décérébrés massivement ne savent plus à quel saint se vouer. Plusieurs parmi eux choisissent le fanatisme et le culte de la personnalité. Ils deviennent les défenseurs zélés de la juridisation de l’espace public. A n’en pas douter, cette option a déjà suscité une grande résistance et fait ses martyrs.
Tout cet imbroglio fait que les orientations majeures, la direction, le sens à donner à ce pays demeurent problématiques. De plus en plus, cette crise de sens devient une débâcle. Des compatriotes décérébrés massivement ne savent plus à quel saint se vouer. Plusieurs parmi eux choisissent le fanatisme et le culte de la personnalité. Ils deviennent les défenseurs zélés de la juridisation de l’espace public. A n’en pas douter, cette option a déjà suscité une grande résistance et fait ses martyrs. Elle va en susciter davantage. Elle pourrait faire le lit du renversement de l' »Etat-raté-manqué ».
Car, contrairement à ce que croient ces fanatiques, « les minorités éveillées » croissent en nombre au Congo-Kinshasa et dans sa diaspora. Elles vont finir par devenir une masse critique et constituer une résistance à même de renverser les rapports de force. Seul le débat public rationnel et raisonnable peut encore participer de la guérison du décérébrage dans lequel plusieurs compatriotes sont plongés. Sa juridicisation est une bêtise malgré le zèle pouvant l’accompagner.
Seul le débat public rationnel et raisonnable peut finir par créer un minimum de culture commune indispensable à la cohésion nationale et à la production de « la fraternité de la nuit » par des « consciences adjugées ».
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961