Par Jean-Pierre Mbelu
Depuis l’assassinat de Patrice Emery Lumumba, la classe politique congolaise ou ce qui en reste connaît une grave désorientation existentielle. Pour éviter de connaître le sort de Lumumba, elle a choisi l’esclavage volontaire et/ou le marionnetisme costumé et cravaté. Manipulée par les forces dominantes du capital, cette classe politique congolaise ou ce qui en reste refuse de se mettre d’accord sur la question essentielle face à laquelle le pays est placée : la souveraineté. Elle préfère servir les officines secrètes des forces dominantes du capital qui la manipulent.
Elle crée une fausse opposition pour obéir aux ordres de ses parrains. Ceux-ci veulent que les Congolais, dans leur immense majorité, puissent croire qu’il y a de « la démocratie » au Congo-Kinshasa. Et que, dans ce pays, il y a, d’une part, « des partis au pouvoir », et d’autre part, des « partis de l’opposition ». Comment peut-il y avoir cette dichotomie dans un pays « non-souverain » où un sénat d’un pays étranger formule des orientations politiques et juridiques à suivre ? Comment ? Il y a plus que cela.
L’opposition des pions
Ce « sénat » appartient à un pays où la structure faîtière du pouvoir (le CFR et/ou l’Etat profond) oriente tout : la politique de « la gauche » et de « la droite », les options économiques essentielles, la désignation de l’ennemi, la programmation de la guerre, la politique étrangère, etc.
Dans ce pays où plusieurs mots ont perdu leur sens, opposer « les pions » afin qu’ils s’entre-détruisent en vue de donner, aux populations appauvries anthropologiquement qu’on y fait de « la politique » est le jeu préféré des manipulateurs ayant orchestré la guerre de prédation et de basse intensité au cœur de l’Afrique.
Comment expliquer que dans un monde où les grands pays ont compris l’importante de cette structure faîtière du pouvoir, un « sénat étranger » vienne s’immiscer dans « la politique » interne d’un pays tout en l’orientant vers sa prise en otage par les Institutions Financières (dites) Internationales au service de l’hégémonie US ? Et au Congo-Kinshasa, le triomphe de cette hégémonie est dénommé « partenariat win win » ! Bon sang !
A un certain moment, une nette impression de navigation à vue se dégage de « la pratique politique » au Congo-Kinshasa. On y parle de « pouvoir » et « d’opposition » sans que les véritables attributs du pouvoir soient définis. Est-ce possible de parler du « pouvoir » sans les capacités économiques, financières, culturelles, politiques, sociales, spirituelles propres et les moyens y afférents ?
Dans ce pays où plusieurs mots ont perdu leur sens, opposer « les pions » afin qu’ils s’entre-détruisent en vue de donner, aux populations appauvries anthropologiquement qu’on y fait de « la politique » est le jeu préféré des manipulateurs ayant orchestré la guerre de prédation et de basse intensité au cœur de l’Afrique.
La Voie de Lumumba
S’inspirant des recherches des sciences sociales et psychologiques, ils étudient les masses congolaises et africaines au quotidien. Ces manipulateurs savent comment créer de l’émotion joyeuse au cœur de ses masses quand, après avoir fabriqué et enrichi leurs pions, ils les opposent les uns aux autres en vue d’appliquer leur stratégie de « chaos organisateur ». Et en voyant certains signes de ce « chaos orchestré », les masses congolaises fanatisées applaudissent en disant : « Béton » et/ou « Ye meyi »! Pendant ce temps, ces « pions » ayant leurs lobbies au pays de l’Oncle Sam se moquent de ces masses abruties à dessein ! D’où viendra une thérapie collective ?
Cette « voie » préconise l’expérimentation de la pratique démocratique au sein des mouvements populaires et des partis unifiés. Sur cette « voie », l’union autour des questions essentielles et des objectifs communs fait une réelle force et est un moyen pour résister à la politique du « diviser pour régner ».
Ces manipulateurs obéissent à certains principes dont celui-ci : ne jamais laisser les vassaux coaliser. Au besoin, il faut les opposer pour qu’ils s’entre-tuent. Cela permet à ces manipulateurs de rester les seuls maîtres sur le terrain où se déroule « le chaos organisateur de leur domination.
Traitant de la question de « la voie » à suivre au sujet des partis politiques, Lumumba disait ceci :
« Pour moi, il n’y a qu’une voie. Cette voie, c’est le rassemblement de tous les Africains au sein des mouvements populaires ou des partis unifiés. » A son avis, « toutes les tendances peuvent coexister au sein de ces partis de regroupement national et chacun aura son mot à dire tant dans la discussion des problèmes qui se posent, qu’à la direction des affaires publiques. » Et il ajoutait : « Une véritable démocratie fonctionnera à l’intérieur de ces partis et chacun aura la satisfaction d’exprimer librement ses opinions. »
Cette « voie » préconise l’expérimentation de la pratique démocratique au sein des mouvements populaires et des partis unifiés. Sur cette « voie », l’union autour des questions essentielles et des objectifs communs fait une réelle force et est un moyen pour résister à la politique du « diviser pour régner ». Lumumba dit : « Plus nous serons unis, mieux nous résisterons à l’oppression, à la corruption et aux manœuvres de division auxquelles se livrent les spécialistes de la politique du « diviser pour régner ». »
Penser une structure faîtière congolaise devient plus qu’une nécessité
Or, « les spécialistes » de cette politique ont, eux, compris l’importance de cette « unification ». Leurs propres partis sont unifiés par des structures faîtières. Celles-ci peuvent désigner « Un Etat profond », « Un Conseil des Affaires Extérieures » (CFR), « une monarchie », « une loge instituée », « un pouvoir héréditaire », « un guide de la révolution », « un leadership collectif d’un parti communiste », etc.
Les pays ayant réussi, pendant plusieurs années à créer des structures faîtières du pouvoir, sont, soit ceux qui ont dominé ou veulent encore dominer le monde, soit ceux qui résistent, protègent leur souveraineté ou émergent sur la voie de la multipolarité. Pendant ce temps, le Congo-Kinshasa, affaibli par la guerre de prédation et de basse intensité, pense la politique en termes de « pouvoir » et « opposition » sans avoir « le pouvoir réel » et sans aucune structure faîtière.
En Iran, le Guide Suprême, assume le rôle de la clé de voûte de cette structure de direction du pays. Il travaille de concert avec les Gardiens de la Révolution, l’Assemblée des Experts, le Conseil de Discernement, etc. Au Cuba, « les fédélistes » et leur parti font l’affaire. En Chine, la multitude de membres du parti communiste oriente les choses dans la bonne direction. En Russie, « Russie unie » tient encore le coup. Aux USA, le CFR contrôle et oriente l’administration américaine, de gauche ou de droite, la politique étrangère, la politique économique, plusieurs médias et certains organismes aux dimensions « internationales » comme le Bilderberg et la Trilatérale, etc. En Belgique, la monarchie joue le rôle de la structure faîtière. Les échanges et les négociations pour la formation du futur gouvernement se font sous la supervision du Roi. Il est le symbole de l’intérêt général belge.
Donc, les pays ayant réussi, pendant plusieurs années à créer des structures faîtières du pouvoir, sont, soit ceux qui ont dominé ou veulent encore dominer le monde, soit ceux qui résistent, protègent leur souveraineté ou émergent sur la voie de la multipolarité.
Pendant ce temps, le Congo-Kinshasa, affaibli par la guerre de prédation et de basse intensité, pense la politique en termes de « pouvoir » et « opposition » sans avoir « le pouvoir réel » et sans aucune structure faîtière. Ses « politicards » préfèrent adhérer aux structures faîtières des autres au lien de créer les leurs. Il y a là un manque de créativité, d’inventivité et d’imagination. Le refus de savoir et la volonté d’ignorer aidant. Mawa plein ! Et »la voie de la coexistence », de l’existence avec autrui, préconisée par Lumumba, n’est même pas étudiée et appliquée.Terrible !
Au cœur d’un monde de plus en plus incertain, penser une structure faîtière congolaise devient plus qu’une nécessité. Il y va de la survie du pays de Lumumba.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
Sources :
- D. MITTERRAND, Le livre de ma mémoire, Paris, Jean-Claude Gawsewitch, 2007
- M. COLLON et G. LALIEU, La stratégie du chaos. Impérialisme et islam. Entretiens avec Mohamed Hassan, Bruxelles, Investig’Action, 2011
- « Africains, levons-nous ! » Discours de Patrice Lumumba, prononcé à Ibadan (Nigeria), 22 mars 1959, Paris, Points, 2010
- P. et D. VILLEMAREST, W. WOLF, Faits et chroniques interdits au public. Tome II. Les secrets de Bilderberg, Aquilion, 2004
- N. CHOMSKY, La doctrine des bonnes intentions, Paris, Fayard, 2005
- RDCongo: des sénateurs américains plaident pour plus de sévérité envers la corruption au Congo — La Libre Afrique