L’analyste politique jean-Pierre Mbelu décrypte le balai diplomatique de ces derniers jours en République démocratique du Congo, expose le problème des esclaves heureux congolais qui participent à la ruine du pays et explique pourquoi et comment les minorités organisées et agissent doivent prioritairement gagner la guerre idéologique pour mettre fin à la guerre de basse intensité qui nous est imposée.
Jean-Pierre Mbelu : le huis-clos de Ban Kin-Moon, Kabila, Museveni et Kagame : nos jeunes ont tout compris from Etienne Ngandu on Vimeo.
Sur la diplomatie de Kinshasa
Kinshasa n’a pas envie de remporter de victoire diplomatique sur le M23. Le M23, Kinshasa, Kigali, Kampala, c’est blanc bonnet et bonnet blanc. Ces messieurs travaillent main dans la main et servent une même cause en roulant dans la farine les plus naïfs d’entre nous. Leur cynisme est tel qu’ils vont jusqu’à sacrifier certains de nos compatriotes en envoyant des bombes dans des agglomérations de l’Est de notre pays.
Dès que nous tombons dans l’amnésie et que nous nous laissons leurrer par les visites de x ou de y, les concertations par ci et par là, les multiples accords signés, nous risquons de perdre de vue que la guerre qui est menée contre notre pays est une guerre de basse intensité visant la balkanisation du Congo, l’extermination des congolais mais aussi le pillage des matières premières stratégiques.
Sur la visite de Ban Ki Moon à Kinshasa et l’ONU
Ces messieurs là ne cherchent pas à mettre fin à la guerre de basse intensité qui se poursuit au Congo. Mais comme ils sentent maintenant qu’ils sont vus, ils sont en train de chercher comment régler ce problème. Le passage de Ban Ki Moon au Congo ne va rien changer, ne va rien régler. Si Ban Ki Moon voulait s’impliquer réellement chez nous pour qu’il y ait une solution tant soit peu convenable. Il donnerait des conférences de presse, il s’adresserait à Kabila en présence de tout le monde. Or, il ne faut pas oublier que Ban Ki-Moon a eu un huis clos avec Kabila, comme Kabila a eu un huis clos avec Museveni et Kagame.
Si nous ne tenons pas compte de ces rencontres à huis clos, nous risquons de nous leurrer. Kagame, Museveni et Kabila ont une mission qu’ils accomplissent. Le bien fondé de toutes ces visites est de voir si la mission confiée (à Kagame, Museveni et Kabila) est menée à bon port.
Sur l’importance des livres et des textes dans cette guerre
Quand vous avez lu le livre de Charles Onana, « Europe, crimes et censures au Congo : les documents qui accusent » ; quand vous avez lu le livre d’Alain Deneault « Noir Canada » ; quand vous avez lu le livre de Patrick Mbeko, « Le Canada dans les guerres en Afrique centrale » ; quand vous avez lu notre livre, « La RDC face au complot de balkanisation et d’implosion ; mais aussi le livre de Pierre Péan, « Carnages : les guerres secrètes des grandes puissances », vous comprenez mieux ce qui est en train de se passer. Malheureusement, on est en train de nous éloigner des textes et on nous raconte des histoires. Et nous croyons que ces histoires vont contribuer à la fin de la guerre.
Pour sortir de la guerre de basse intensité, nous avons à mettre sur pied un autre système, à refonder l’état congolais. Avec le système actuel, on peut aller au dialogue intercongolais, on peut mener toutes sortes de négociations, avec les acteurs qui constituent l’Etat profond chez nous (à savoir Kagamé, Kabila, Museveni), la guerre de basse intensité ne prendra pas fin.
Sur le manque de volonté politique des dirigeants des Grands Lacs
Comment voulez-vous qu’un trio ayant comme référence Adolf Hitler puisse avoir des questions de justice en vue ?
Tant que la gestion de cet espace géographique dépend de l’ONU et de leurs parrains, il n’y aura pas de justice. Kagame, Museveni et Kabila sont des criminels de guerre, des criminels économiques et des criminels contre l’humanité. Ils sont des criminels parce qu’ils n’ont pas encore été jugés, mais quand vous lisez « le mythe de la bonne guerre » de Jacques Pauwels, vous vous rendez compte que les parrains de ces 3 messieurs ont toujours opéré en tuant, en exterminant les peuples. Le capitalisme du désastre ne peut pas facilement se débarrasser des dégâts humains et de la violence. Ce qui importe, c’est la destruction créatrice : ils détruisent pour créer un ordre propre à eux. Ils ne tiendront jamais compte des coûts sociaux et des dégâts humains.
Sur la nécessité de gagner la guerre idéologique
Que faire ? Il y a nécessité de pouvoir créer, initier une bonne désobéissance civile, partout et à travers le monde. Cela doit être mené au niveau local, provincial, national, sous-région, continental et mondial. Il serait urgent qu’un mouvement international se crée pour lutter contre le 1% qui est en train d’avilir le monde.
Pour ce qui concerne le Congo, les minorités organisées et agissantes doivent d’abord et prioritairement gagner la guerre idéologique. C’est-à-dire, organiser des lieux de rencontres et d’échanges avec nos populations, avec toutes nos populations, pour pouvoir arriver d’abord à créer une bonne masse critique. Combien de nos compatriotes savent que quand Kabila est allé à Addis Abeba, il a rencontré Kagame et Museveni à huis clos ? Combien de nos compatriotes savent que nos matières premières sont bradées à vil prix ? Combien de nos compatriotes savent que la Banque mondiale vient d’octroyer 1 milliard de dollars à ceux qui font office de gestionnaires de notre pays ?
Une bonne partie de notre population n’a pas accès à l’information. Une bonne information est une bonne arme pour mieux lutter. Mais tant que nos masses populaires seront exclus de l’accès à une bonne information, cette guerre de basse intensité risque de durer.
Il y a des actions qui peuvent être prévus, il y a aussi le fait qu’à un moment donné, le peuple refuse de se résigner. Parce que la misère va croissant et on ne sait pas ce que notre peuple peut nous réserver. Mais un travail de communication, d’échanges et de révolution idéologique doit pouvoir être mené petit à petit.
Sur le prêt de 1 milliard de la banque mondiale
La banque mondiale participe de la recolonisation économique de notre pays. Cet argent de la banque mondiale sort de quelle caisse ? Un milliard, c’est quoi ?
La perte estimée dans la vente de nos matières premières dans les îles vierges britanniques était, à elle seule, de 1,5 milliards environ. L’argent qui sort de notre pays et qui est stocké dans des banques à l’extérieur de notre pays dépasse le 1 milliard là. L’argent qui est volé chez nous, puis réinvesti dans le bâtiment, les logements ou les flats dépasse ce 1 milliard là.
Le fond du problème est que l’élite dominante anglo-saxonne est en guerre contre la Chine. Les contrats chinois ont été gelés pour que la Chine ne puisse plus récupérer les matières premières du Congo comme elle l’avait prévu maintenant ce sont les USA avec leurs entreprises qui le font. Alors pour chasser ou diminuer l’influence de la Chine au Congo, qui avait prévu 6 à 9 milliards, la Banque Mondiale vient nous prêter 1 milliard. C’est une manière de créer une dépendance de notre pays, vis-à-vis des institutions financières internationales, qui ne semble pas le travail qui avait été le leur à leurs créations. Ces institutions sont devenues aujourd’hui des agences de l’élite dominante anglo-saxonne cherchant à pouvoir recoloniser notre pays économiquement. Comme Kigali, Kampala, Kinshasa participent de sa recolonisation politique et militaire.
Nous devons avoir cette double dimension de notre recolonisation.
Sur les déclarations de Kagamé sur les congolais
Traiter les Congolais d’animaux, permet à ceux qui les tuent, sous l’instigation de Kagamé, Museveni et Kabila, de ne pas avoir de problème de conscience. C’est un processus permanent dans toutes les guerres. La diabolisation de l’ennemi permet à celui qui le diabolise de pouvoir le tuer sans remord.
Cependant Kagame fait semblant de critiquer Kabila alors qu’ils travaillent ensemble. Et puis quand Kagame se moque des congolais, il fait rigoler. Comment voulez-vous qu’un garçon de course de l’élite anglo-saxonne se moque des congolais ? Il est monté sur ses grands chevaux, parce qu’il a été humilié et cette humiliation par les congolais était visible.
Sur les esclaves heureux congolais
Cependant, il ne faut pas verser dans la victimisation. Nous ne sommes pas toujours les victimes du Rwanda et de l’élite anglo-saxonne. Parce que ceux qui aident ces gens là à régner chez nous sont congolais. Il y a toute une clique de congolais gagnés à la cause de nos envahisseurs. Nous devons pouvoir lutter sans nécessairement nous convertir en victimes. Parce que les notres participent à notre esclavagisation, parce qu’eux-mêmes sont des esclaves heureux.
Du moment qu’on a des jeeps, du moment qu’on peut être gardés par la police, du moment qu’on peut avoir des flats et construire des maisons à gauche et à droite, on croit qu’on est déjà au paradis. Même si le pays dans lequel on vit est en train de devenir un espace géographique vague.
Sur le travail des jeunes congolais aujourd’hui
Dieu merci, nombre de nos jeunes aujourd’hui ont compris ce qui se passe. Et ils s’organisent petit à petit pour renverser la vapeur. Et ils vont mener cette lutte jusqu’au bout. Parce qu’ils ont devancé plusieurs d’entre nous dans a révolution idéologique. Ils ont une grande maîtrise des questions telles qu’elles sont approfondies aujourd’hui à travers leurs petits cercles de réflexion. Le travail va se faire sur le court, moyen et long terme.
Sur le sens de la date du 17 mai 1997
Le pouvoir au Congo est géré par l’ONU. L’afdl, le pprd, rcd et leurs amis assurent le service de sécurité pour l’ONU. Kabila n’est à l’aise qu’à côté de ses maîtres. Quand il est face aux congolais, il est renfermé. Parce qu’il a du mépris pour nous. Il n’y a pas que Kagamé qui croit que nous sommes des animaux, Kabila aussi. Lui, il croit qu’il est notre chef et que nous sommes des animaux
Mais tant que ce sont eux qui, par défi, assurent le service de sécurité des occupants néocolonialistes au Congo, réclamer un quelconque inventaire du bilan de l’afdl depuis le 17 mai 1997 ne sert à rien. Mais même à titre posthume, nos enfants demanderont des comptes à ces messieurs là.
Notre misère est de vouloir travailler pour voir les résultats. Travaillons pour passer le relais. Passons le relais à nos jeunes, à nos enfants. Transmettons leurs des documents qu’ils pourront lire demain. Ils feront peut-être mieux les choses, parce qu’ils sont en train de mieux comprendre ce qui se passe réellement.