Par Jean-Pierre Mbelu
Le lobbying est l’un des mots les plus utilisés dans certains milieux « politiques » congolais. Plusieurs politicards congolais ne jurent que par les lobbies qu’ils paient cher à l’extérieur du pays. Ils n’en expliquent pas l’importance aux masses populaires qui les soutiennent. Ils ne publient pas officiellement le prix qu’ils paient pour ce service du lobbying.
Souvent, les bénéficiaire de l’influence qu’il exerce ne sont ni cités, ni connus du grand public. Le conflit d’intérêts qu’il provoque et l’histoire de ce service et les dégâts qu’il cause dans la pratique politique, économique, financier, médical, etc. dans plusieurs pays du monde ne sont pas toujours connus de la majorité populaire au Congo-Kinshasa.
La marchandisation du fait politique au Congo
Dieu merci ! Aux USA, des articles et des livres peuvent être publiés sur la question et les protagonistes du marché peuvent être cités. Il arrive que »La lettre du continent » publie des informations importantes sur le Congo-Kinshasa en cette matière. (Combien de compatriotes y ont-ils accès ? Pas beaucoup…)
Il y a là une marchandisation de la politique.Quelle en est la conséquence ? C’est l’esclavagisation du fait politique par le fait économique.
En lisant régulièrement ce journal, un constat saute aux yeux. Une part importante de la politique congolaise ne se joue pas au pays. Non. Elle se joue dans certains cénacles occidentaux où les lobbyistes chèrement payés plaident la cause des « gouvernants médiocres » afin qu’ils ne puissent pas être l’objet du rejet des « maîtres du monde » et que « leurs médias dominants » soignent leur image. En retour, en plus de « leurs salaires », ces lobbyistes et/ou leurs parrains se voient confier certains marchés ou des avantages dans l’accès à celui-ci. Il y a là une marchandisation de la politique.
Quelle en est la conséquence ? C’est l’esclavagisation du fait politique par le fait économique. Le fait politique est purement et simplement extraverti et évidé de tout son sens. Cela, malheureusement, n’empêche pas aux fanatiques, aux thuriféraires et aux tambourinaires d’applaudir ces « gouvernants médiocres » sans aucune exigence permanente de reddition des comptes. Le peuple, comme souverain primaire, est traité, dans ce jeu de dupes, comme un dindon de la farce. Il lui arrive aussi de parler du lobbying sans vraiment en saisir les contours.
Le Lobbying, les USA et Mabunda
Il lui est difficile de comprendre que l’esclavagisation du fait politique par le fait économique dominant (extérieur) anéantit sa lutte pour avoir des gouvernants pouvant être à son service. Pour la petite histoire, le lobbying s’est développé sérieusement aux USA dans les années 1970. Il s’en prenait à « l’Etat providence » initié par Richard Nixon et voulait éviter que les milieux d’affaires puissent être régulés par le pouvoir (étatique et) législatif. « Les lobbyistes ont fait d’immenses efforts pour essayer d’aller jusqu’à écrire la législation. » (N. CHOMSKY, Requiem pour le rêve américain, Paris, Climats, 2017, p. 74)
Il est difficile, pour le peuple, de comprendre que l’esclavagisation du fait politique par le fait économique dominant (extérieur) anéantit sa lutte pour avoir des gouvernants pouvant être à son service.
Plus tard, « le lobbying s’est alors sensiblement amplifié. De nouveaux groupes de réflexion se sont développés pour tenter de contrôler le système idéologique telle que l’Héritage Foundation. Les budgets ont considérablement augmenté – en partie du fait de la télévision. Et le rôle de la finance dans l’économie a tout simplement pris des proportions démesurées. C’est ainsi que la dérégulation a débuté de manière sauvage. » (Ibidem)
Dernièrement, un article publié à Kinshasa traite du lobbying de Jeannine Mabunda aux USA. Cette « présidente de l’Assemblée nationale » aurait voulu, avec certains de ses proches, imposer un certain Malonda comme « président de la CENI ».
Tiens ! Peut-il y avoir un lien entre son lobbying et cette façon de faire ? C’est possible. Elle imposerait le candidat de son camp et « les décideurs US » avaliseraient ce choix en dépit du refus et des marches des Congolais(es). Il y aurait là un cas concret de l’extraversion de « la politique congolaise », comme cela l’a été pendant plus de deux décennies.
Propositions contre un lobbying préjudiciable aux intérêts des congolais
Depuis les années 1970, le lobbying a pris des proportions inimaginables. Et cela dans plusieurs pays du monde. En France, par exemple, Alain Deneault le situe « aux origines de la médiocratie ». (Lire à ce propos ses deux livres : 1. Le totalitarisme pervers d’une multinationale au pouvoir. Aux origines de la médiocratie, Paris Rue de l’échiquier, 2017 ; 2. La médiocratie, Québec, Lux, 2015) Que faut-il faire dans un pays comme le Congo-Kinshasa pour éviter un lobbying préjudiciable aux intérêts du souverain primaire ? Voici quelques propositions.
Inviter les majorités populaires à s’habituer à une demande permanente de reddition des comptes aux « gouvernants » sans attendre l’unique moment électoraliste.
D’abord, créer des médias alternatifs pouvant éduquer et sensibiliser les masses populaires sur cette esclavagisation du fait politique par le fait économique ainsi que sur l’extraversion de « l’affairo-politicaille » au pays de Lumumba. Ensuite, inviter les majorités populaires à s’habituer à une demande permanente de reddition des comptes aux « gouvernants » sans attendre l’unique moment électoraliste. Enfin, sensibiliser les souverainistes de tous les bords congolais à participer à la résolution de la question de la direction (collégiale) du pays et à l’assomption de « la verticalité du pouvoir » par un leadership collectif patriote.
Que signifie assumer « la verticalité du pouvoir » ? Cela signifie avoir réellement un pouvoir légitimé par le souverain primaire et l’exercer en faisant remonter tout vers le leadership collectif. Les partis politiques,les membres du gouvernement, les mouvements de la société civile, les syndicats et tous les mouvements citoyens, etc. doivent être placés dans l’obligation constitutionnelle de déclarer non seulement leurs avoirs mais aussi leurs liens et/ou alliances avec « les agents extérieurs au pays ». Ceux-ci peuvent être des ONG, des bienfaiteurs, des Fondations, etc. Ils doivent être connus et un suivi de leurs liens et/ou alliances doit pouvoir être assuré par le leadership collectif pour éviter les abus et « les révolutions colorées ». « Tomikotisa » devrait être l’un des pratiques ongéistes à bannir.
Le Congo-Kinshasa semble être encore très loin de cette approche…
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961