Par Jean-Pierre Mbelu
« Sans solidarité, il n’y a pas de victoire. Sans connaissance, il n’y a pas de solidarité. » André Vltchek
Les luttes citoyennes menées au Congo-Kinshasa depuis les années 1960 jusqu’à ce jour ont plusieurs objectifs. L’un des plus grand est la souveraineté intégrale du pays. Il y a aussi la libéralisation de l’espace public afin qu’il devienne un lieu du débat contradictoire et de « la démocratie ». Ces luttes citoyennes veulent libérer le Muntu congolais du statu quo. Il est incompréhensible de prétendre avoir lutté pour « le changement » et de refuser, tout d’un coup, que des questions liées à ce changement en profondeur soient analysées dans l’espace public congolais !
Sur la balkanisation du Congo
L’amplification sur la scène congolaise du problème de la balkanisation du pays paraît un peu curieuse. Des compatriotes veulent savoir pourquoi ce problème n’a pas été posé sous le régime de « la kabilie ». Comment ont-ils su que cela n’a pas été fait ? Où sont-ils allés (fouiner ou) vérifier avant de tirer une telle conclusion ? Ils se seraient faciliter la tâche en allant sur Google ou sur un autre moteur de recherche. Ils auraient taper : « La balkanisation de la République Démocratique du Congo ». Ils auraient été surpris devant le nombre de publications faites là-dessus.
L’amplification sur la scène congolaise du problème de la balkanisation du pays paraît un peu curieuse. Des compatriotes veulent savoir pourquoi ce problème n’a pas été posé sous le régime de « la kabilie ». Comment ont-ils su que cela n’a pas été fait ? Où sont-ils allés (fouiner ou) vérifier avant de tirer une telle conclusion ?
Il semble que plusieurs de ces compatriotes n’ont pas emprunté cette voie. Ils s’en prennent à ceux qui parlent de la balkanisation du Congo-Kinshasa aujourd’hui en oubliant tout le travail intellectuel mené sur cette problématique hier. Seraient-ils « victimes » de l’enfermement dans « les questions d’actualité » ? Il me semble. Cet enfermement conduit, souvent, à « la selfisation de la raison et à sa défaite ». Il est un renoncement à l’exercice de la raison (et de la pensée) sur le temps long. Il peut être le reflet des « cerveaux colonisés ».
Pour cause. En 2013, un groupe d’intellectuels congolais de tous les quatre coins du pays s’est penché sur cette problématique de la balkanisation du Congo-Kinshasa et l’a étudiée en profondeur. Ce groupe a publié un livre intitulé La République Démocratique du Congo face au complot de balkanisation et d’implosion. La bibliographie de ce livre indique, par sa richesse, que cette problématique est « vieille ». Depuis sa publication, certains membres de ce groupe ne cessent de revenir sur « ce complot » et sur ceux qui l’ont orchestré.
Prétendre que le Congo est une jeune démocratie…
Découvrir tardivement que le Cardinal Ambongo et le Pasteur André Bokundoa seraient les premiers à parler de cette problématique peut relever de la paresse intellectuelle et du peu d’intérêt que l’on a pour les questions cruciales face auxquelles notre pays est placé depuis son indépendance jusqu’à ce jour. Le Premier Ministre Patrice-Emery Lumumba, en son temps, en parlait déjà.
Il aurait aussi été préférable que la critique de ces deux pasteurs puisse être un peu argumentée. Cela n’est pas souvent le cas. Les injures remplacent les arguments. Tout semble être lu comme étant « une manœuvre sordide » pour déstabiliser « Fatshi Béton » et décourager les efforts fournis par « les militaires congolais » pour en venir à bout des égorgeurs de nos populations à l’Est du pays.
Il est très curieux de prétendre à la fois que « le Congo-Kinshasa » est « une jeune démocratie » et de refuser un débat ouvert sur un certain nombre de questions. De plus en plus, des compatriotes s’autocensurent et/ou créent des sujets tabous.
Pourtant, ces »militaires » parlent eux aussi du danger de la balkanisation comme en témoigne cet article. Où se trouve l’erreur ?
Plusieurs hypothèses peuvent être élaborées pour répondre à cette question. Voici les miennes :
-Il y a la question de l’enfermement dans le moment présent, dans « les questions dites d’actualité », dans « la selfisation de la raison et dans sa défaite » ;
-Il y a celle de l’accès au livre et/ou de la renonciation à la lecture, à une bonne information recoupée et à la culture du débat contradictoire ;
-La montée du fanatisme, du culte de la personnalité et le manque de formation à la citoyenneté, etc.
Il est très curieux de prétendre à la fois que « le Congo-Kinshasa » est « une jeune démocratie » et de refuser un débat ouvert sur un certain nombre de questions. De plus en plus, des compatriotes s’autocensurent et/ou créent des sujets tabous.
Assumer!
Il y a quelques mois, je me posais la question de savoir s’il est possible de mener des débats intercongolais sans un minimum de culture commune partagée. Comment est-il possible de parler d’une « démocratie » sans des débats contradictoires bousculant certains de nos préjugés, connaissances ou informations approximatives ? Le trajet démocratique n’est-il pas le lieu d’un apprentissage en commun à travers le débat et le consensus provisoire ?
Il devrait en être de même pour la problématique de la balkanisation et bien d’autres. « Les minorités solidaires d’ « assumants » devraient accepter, en conscience, d’être vilipendés et traités comme des « hérétiques de la selfisation de la pensée ».
A l’allure où vont les choses, « la démocratie à la congolaise » pourrait avoir son propre contenu. La multiplication des sujets tabous pourrait faire que « les hérétiques de la pensée évidée » soient guillotinés. Ce ne semble pas être une blague au vu des amitiés et des couples brisés après « les élections-pièges-à-cons » de 2018. Jusqu’à ce jour, la question de « la vérité des urnes » soulève encore des passions. L’aborder est un risque sérieux. Il n’y a que « les tiya mutu bakata » qui osent encore. Eux n’ont pas peur de perdre les amis et les connaissances. Ils « assument » les conséquences de leur soif de connaître et de rechercher, avec les autres, « la vérité ». L’un d’eux a créé une rubrique (de ses articles) intitulée : « J’assume ».
Il devrait en être de même pour la problématique de la balkanisation et bien d’autres. « Les minorités solidaires d’ « assumants » devraient accepter, en conscience, d’être vilipendés et traités comme des « hérétiques de la selfisation de la pensée ». La lutte continue…
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961