Par Jean-Pierre Mbelu
Un certain débat congolais est un peu curieux. Il ne se sert d’aucune documentation. Tout ou presque sort de la tête des débatteurs. Bon ! Il se pourraient qu’ils soient des génies ! Soit !
Pourtant, il y a une très grande et bonne documentation sur les vieilles questions actualisées aujourd’hui. Un exemple. Il y a une vidéo, assez vieille maintenant, sur laquelle Emmanuel Nashi, un congolais pur jus, s’exprime sur la proposition qui a été faite par l’Allemagne au sujet de l’acceptation de la société civile du rattachement du Kivu au Rwanda et du plan Marshall pouvant en être la conséquence. Emmanuel Nashi est encore vivant Il sait dire à qui voudrait l’entendre ce qu’ a été cette proposition. Qui dit l’Allemagne dit son « grand allié » et « l’Etat profond » créant et entretenant les liens entre le CFR (Conseil pour les Affaires Extérieures (US), la Chatham House (britannique) et le Konrad Adenauer (allemand). Soit dit en passant !
« L’Etat profond », une notion absente de plusieurs débats congolais colonisés par les fausses apparences des droites et gauches américaines et britanniques. Soit ! Il y a plus ou moins un mois, j’invitais les compatriotes à lire Judi Rever avant que nous puissions discuter. Je continue à croire, fermement, que lire et partager cette lecture entre nous et avec toutes les autres personnes de bonne volonté serait salutaire pour les débats sur certaines questions dites d’actualité dans les Grands Lacs Africains. Tenez.
Il n’ y a pas de Banyamulenge au Congo-Kinshasa
Au Congo-Kinshasa, un certain faux débat tourné autour des Banyamulenge et ne remet pas en question cette fausse dénomination. Il n’ y a pas de Banyamulenge au Congo-Kinshasa. Il y a des Rwandais réfugiés au pays de Lumumba (après 1959) tout comme il y en a qui sont allés travailler dans l’Union Minière du Haut Katanga pendant la période coloniale et dont la progéniture vit encore dans ce pays.
La fausse dénomination des Banyamulenge est née et liée à la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le Congo-Kinshasa et conçue dans les années 1980.
La fausse dénomination des Banyamulenge est née et liée à la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le Congo-Kinshasa et conçue dans les années 1980. Cette guerre instrumentalise les Tutsi ougandais et rwandais ayant un vieux projet de colonisation du Kivu et des autres régions de l’Afrique centrale.
Ce plan bien détaillé a été confié à Charles Onana. Il dit entre autres ceci : « Nous sommes une minorité dans la région du Kivu mais nous avons pu conserver le pouvoir aux élections de 1960 en profitant de la naïveté des Bantous. Cependant, notre habileté ayant été découverte par la suite par les Congolais « tous les Tutsi de quelque région qu’ils soient doivent mettre en œuvre le plan suivant et contribuer à sa diffusion après de tous les autres Tutsi particulièrement ceux de la région des Volcans ».
Tous les Tutsi doivent savoir que les Hutu sont apparentés aux Congolais et que notre plan de colonisation doit s’appliquer aux deux groupes. Tous les Tutsi doivent connaître les méthodes utilisés avec succès pour conquérir le Rwanda et les appliquer aux Congolais et aux autres groupes ethniques qui les entourent.
Ces tueurs Tutsi au coeur de la tragédie congolaise
Au point 18, ce plan note ceci : « Nous devons lutter contre les Wanandes et les Hutu qui s’opposent à Jean Miruho en nous servant des Hutu naïfs. Profitons de cette cupidité des Hutu. Offrons leur de l’alcool et de l’argent. Ne regardons pas ce que nous dépensons car nous avons suffisamment d’argent. » (Lire C. ONANA, Ces tueurs tutsi. Au cœur de la tragédie congolaise, Paris, Duboiris, 2009, p. 92-85)
« Le rôle des techniciens déployés auprès des Interahamwe était de contribuer à l’extermination des Tutis et d’orienter les milices vers encore plus de massacres. »
Ce plan évoque la connaissance des « méthodes utilisées avec succès, pour conquérir le pouvoir » par tous les tutsi de partout. Il désigne les groupes à coloniser : les Hutu et les Congolais. Il désigne les groupes cibles : les Wanandes et les Hutus. Il indique les points faibles des ennemis désignés : la naïveté et la cupidité. Il indique les moyens à utiliser : l’alcool et l’argent. Dans un premier temps, il a échoué. Pourquoi ? Les Congolais ont découvert la machination et l’ont anéantie. (A ce moment-là, ils n’étaient des BMW. Il fallait les créer pour que la machination prenne…)
Du point de vue des méthodes, lire Judi Rever serait encore très édifiant. Il y en a une qui a tout à voir avec « la communication ». L’APR/FPR allant à la reconquête des Grands Lacs Africains fait un usage « idéologique et idéologisé » de certains mots et expressions. Elle parle du « peuple loyal » pour désigner les populations rwandaises qui lui sont soumises et qui participent à ses attaques contre une autre partie du Rwanda considérée comme « ennemie ». Elle a, dans ses rangs, des « techniciens » proches du renseignement militaire et initiés à l’infiltration et au sale boulot.
Voici ce que Judi Rever en dit : « Les techniciens qui étaient sélectionnés pour infiltrer les Interahamwe ressemblaient à des Hutus : ils étaient plus petits, parlant français. » (J. Rever, p. 105). Et elle ajoute : « Le rôle des techniciens déployés auprès des Interahamwe était de contribuer à l’extermination des Tutis et d’orienter les milices vers encore plus de massacres. » (Ibidem, p. 106)
Le mot « Banyamulenge » est une opération de communication
A mon avis, le mot « Banyamulenge » est une opération de communication. Il fait partie de ces mots et expressions à « un usage idéologique et idéologisé ». De quoi dépend son adoption par certains milieux congolais ? Le plan susmentionné répond à cette question : de la naïveté, de la cupidité, de l’alcool et de l’argent (reçu).
A mon avis, le mot « Banyamulenge » est une opération de communication. Il fait partie de ces mots et expressions à « un usage idéologique et idéologisé ». De quoi dépend son adoption par certains milieux congolais ? de la naïveté, de la cupidité, de l’alcool et de l’argent (reçu).
Ce plan peut avoir été révisé au contact des proxys tutsi et de leurs parrains anglo-saxons dans cette guerre raciste de basse intensité et il compte, pour sa réussite, sur l’habileté « légendaire » des tutsi et sur la naïveté de certains milieux congolais infiltrés et sur leur goût immodéré du lucre et du pouvoir vide de contenu.
Du point de vue des méthodes, l’infiltration des Interahamwe par « les techniciens » a beaucoup joué contre les Hutus. Elle a attisé la haine du monde entier contre eux. Il est fort probable que ces « techniciens » opèrent toujours au Rwanda et au Congo-Kinshasa pour attiser la haine des Congolais les uns à l’endroit des autres et aussi pour les présenter à la face du monde comme des xénophobes impénitents malgré les crimes impunis dont ils sont victimes depuis le début de cette guerre perpétuelle.
Bon ! Maintenant qu’un certain nombre de Congolais, toutes tendances confondues, a décidé de cracher sur l’abondante documentation accumulée sur cette guerre pour débattre au sujet des mots et des expressions idéologiques et idéologisés, espérons qu’il y en ait d’autres compatriotes qui poursuivent le travail de « grandes conférences » sur le pays pour entretenir la mémoire collective et sortir nos populations de l’occupation et l’abrutissement programmés.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961