• IDEES & RESSOURCES POUR REINVENTER LE CONGO

Mufoncol Tshiyoyo | J’assume : « Voir grand et ambitionner l’impossible »

Mufoncol Tshiyoyo | J’assume : « Voir grand et ambitionner l’impossible »

Mufoncol Tshiyoyo | J’assume : « Voir grand et ambitionner l’impossible » 600 340 Ingeta

Par Mufoncol Tshiyoyo

Les erreurs des autres ce que l’on peut en tirer ? C’est à la fois triste et même révoltant quand Evo Morales rencontre Rafaël Vicente Correa Delgado, un ancien président comme il l’est devenu aujourd’hui, et que les deux parlent ensemble de ce qu’il leur est arrivé respectivement en Bolivie, pour la première cité, et en Équateur pour le second. En les écoutant, je ne sais pas si je peux me laisser convaincre que leur message est passé. En ce qui me concerne, sûrement. Car je ne peux répondre à la place des autres témoins de la même histoire, celle centrée sur la domination et la soumission.

Rafaël Correa, l’intervieweur, résume un peu ce que ressemble aujourd’hui la situation de l’Amérique latine dans son ensemble. Et c’est le même constat que je n’ai cessé de faire pour le Congo. Je suis quand même ravi de ne pas être le seul à la percevoir de cette manière. Que nous apprend en fait Rafaël Correa ? Je cite : « La situation en Amérique latine ne doit pas être comparée à la situation actuelle dans les pays « développés » » (et ici les guillemets ont leur importance et je ne fais que le rappeler). Et Correa de poursuivre, le croire ainsi « c’est une grave erreur d’analyse. [Puisque] elle est beaucoup plus proche du moment où aux États-Unis il y avait l’esclavage. Je, (c’est Correa qui le déclare), pense que la réalité de l’Amérique latine est plus proche de cette époque. [Donc], nous devons libérer les esclaves modernes » (dès les 5 minutes : 14 aux 5 minutes 29). N’est-ce pas que c’est tout dire de la part d’un ancien président qui a eu à assumer des responsabilités politiques dans son pays et lequel vit en exil aujourd’hui en Belgique. Disons-le en passant que sa femme serait de nationalité belge.

L’homme, nonobstant ses années de « pouvoir-os », se rend en évidence que les deux et leurs pays ne devraient pas se conduire comme si tout allait de mieux et qu’ils devraient se battre pour ce que les Congolaises et Congolais aiment à nommer la « démocratie », les « droits de l’hommiste ». Ce type de combat est tout faux. Alors, on se demande comment faire prendre raison aux fanatiques de tout bord ? Malheureusement, Correa n’est pas le premier à établir ce diagnostic. Frantz Fanon nous a tous bien avertis et avant que l’histoire ne nous rejoue ses tours. Frantz l’inscrit dans son légendaire texte « La mort de Lumumba : pouvions-nous faire autrement ? » : « Notre tort à nous, Africains, est d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité. Si Lumumba gêne, [C’est le tour de Evo Morales], Lumumba disparaît. L’hésitation dans le meurtre n’a jamais caractérisé l’impérialisme » (Frantz Fanon, Pour la Révolution africaine/Écrits politiques, 2 001). Qu’est-ce qui se passe avec nous et avec les Morales et autres, pendant que la même histoire se répète et se reproduira encore et encore ? Ne serions-nous finalement que des « non-personnes » (Chomsky et André Vltchek) ?

On ne peut pas d’un côté avouer son inimitié contre l’« impérialisme » (je n’aime pas ce terme puisqu’il ne veut tout simplement rien dire) et de l’autre, quand on a tout perdu, faire semblant d’être un bon élève, un soumis.

Le comble, c’est que Rafaël Correa qui établit ce diagnostic semble être le même qui conseille à Evo Morales de recourir à une commission dite vérité et laquelle réuniraient, d’après lui, les Nations Unis, le Vatican (le pape) et la Fondation Carter. Je rêve ou quoi ? Est-ce que ces Latinos que je prenais pour des gens avertis n’apparaissent finalement que l’ombre d’eux-mêmes ? Depuis que les Nations Unies, et où les Nations Unies, même la Fondation Carter, y compris le fameux pape de l’église romaine (et désolé pour les amis prêtres qui vont me lire), constituent une force politique sur laquelle les déshérités, les damnés de la terre apprendraient à compter ? Je reviens encore sur Frantz Fanon : « En réalité l’ONU est la carte juridique qu’utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la force brute a échoué. Les partages, les commissions mixtes contrôlées, les mises sous tutelle sont des moyens internationaux de torturer, de briser la volonté d’expression des peuples, de cultiver l’anarchie, le banditisme et la misère. Car enfin, avant l’arrivée de l’ONU, il n’y avait pas de massacres au Congo. Après les bruits hallucinants propagés à dessein à l’occasion du départ des Belges, on ne comptait qu’une dizaine de morts. Mais depuis l’arrivée de l’ONU, on a pris l’habitude chaque matin d’apprendre que les Congolais s’entre-massacraient » (Idem). Dans la foulée, j’aimerais souligner que ni la Chine ni la Russie ne se préoccupent de ce machin de l’ONU, ni de Pape, ni encore de la Fondation Carter. On ne peut pas d’un côté avouer son inimitié contre l’« impérialisme » (je n’aime pas ce terme puisqu’il ne veut tout simplement rien dire) et de l’autre, quand on a tout perdu, faire semblant d’être un bon élève, un soumis. Quelle pauvre image, mais c’est quelle image, quelle histoire, quel type d’hommes, non seulement pauvres de nous, mais c’est décevant et révoltant quand je pense seulement aux Asiatiques ! L’Occident a échoué à séduire la Chine avec ses « valeurs ». Cette dernière en dehors du capitalisme, elle le fut avant, reste de marbre pour embrasser ni la religion ni la démocratie ni le système politique à l’Occidental alors que les Thuriféraires ne cessent de nous rebattre les oreilles avec toutes ces folies qui les desservent en plus.

Ancien ministre des affaires étrangères de Mitterrand, Hubert Védrine n’hésite pas à reconnaître que « L’Occident n’a plus le monopole de la puissance, même s’il reste puissant et riche. Selon Védrine, les « émergents » se sont levés ; [et que demain] ressemblera d’une certaine façon au XIXe siècle. Comparaison n’est pas raison, le XXIe siècle sera sans nul doute différent, mais si les Européens veulent que l’Europe soit un pôle du monde multipolaire, ce qui n’est pas acquis, ils doivent y réfléchir sérieusement » (Préface de Védrine, VIII, in Renouvin & Duroselle (1 991) « Introduction à l’histoire des relations internationales », Paris : Armand Colin). Qu’est-ce que cela voudrait dire pour les « dominés » d’hier ?

Et que demande-t-on à un leadership conséquent et caractéristique de l’heure : c’est de voir grand et d’ambitionner l’impossible. C’est la raison pour laquelle, nous affirmons que le véritable pouvoir nous tente afin de réaliser le grand rêve de Lumumba 60 ans après. Un jour, « L’histoire dira son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité » (la dernière lettre attribuée à Lumumba). Nous croyons aux mythes de l’histoire. Ces derniers forgent l’esprit de l’homme et l’invite à défier l’impossible.

Le mot que l’histoire dira un jour sera : likambo oyo eza likambo ya mabele.

Mufoncol Tshiyoyo, MT,
Un homme libre

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

Notre travail consiste à :
Développer un laboratoire d’idées sur le passé, présent et futur du Congo-Kinshasa.

Proposer un lieu unique de décryptage, de discussion et de diffusion des réalités et perspectives du Congo-Kinshasa.

Aiguiser l’esprit critique et vulgariser les informations sur les enjeux du Congo, à travers une variété de supports et de contenus (analyses, entretiens, vidéos, verbatims, campagnes, livres, journal).