Par Jean-Pierre Mbelu
« Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain. » – Antoine de Saint-Exupéry
Dressons nos fronts, longtemps courbés
Et pour de bon prenons le plus bel élan,
Dans la paix
Ô peuple ardent
Par le labeur
Nous bâtirons un pays plus beau qu’avant
Dans la paix
Chanter l’hymne national, c’est s’écouter lancer une invitation collective à se redresser, à rompre avec les courbettes promues par la malencontre avec les décivilisateurs et leurs sous-fifres locaux. S’inviter à dresser collectivement les fronts, c’est rompre avec la décivilisation en vue de la re-civilisation. Tel est le plus bel élan à prendre pour recouvrer la dignité.
L’hymne national nous « force » à bâtir notre pays ensemble
Est-ce possible qu’il puisse être pris une fois pour toutes ? Pourquoi ne l’est-il pas jusqu’à ce jour ? Peut-être parce que la décivilisation a profondément désorienté les fils et les filles du pays. Elle les a déraciné(e)s, dépaysé(e)s, aliéné(e)s, à quelques exceptions près. Elle a détruit l’humain, le « bomoto », en ces filles et fils du pays.
L’hymne national nous « force » à bâtir notre pays ensemble. C’est-à-dire que le chanter, c’est aussi prendre un engagement responsable, citoyen. Et le prendre collectivement. Pour dire les choses autrement, cet hymne ne doit sa véritable valeur qu’à son caractère performatif. C’est-à-dire au fait que ce qui est chanté ne peut avoir du sens que si cela se réalise concrètement. Cela relève du devoir et devenir citoyen.
La paix des coeurs et des esprits est l’une des conditions de possibilité de la re-civilisation . Cette paix ne pourrait pas être possible sans une certaine thérapie collective. Surtout pour plusieurs compatriotes ayant sombré dans la psychopathie, la sociopathie, le narcissisme , le sadisme et l’hybris (la démesure).
S’efforcer ensemble pourrait devenir aussi un trajet de thérapie collective . Surtout, si nous acceptons que « bâtir ensemble » devienne un principe structurant l’être et le vivre ensemble. Chanter « O peuple ardent, par le labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant » c’est s’inviter à traduire cela dans les actes.
Donc, l’hymne national nous « force » à bâtir notre pays ensemble. C’est-à-dire que le chanter, c’est aussi prendre un engagement responsable, citoyen. Et le prendre collectivement. Pour dire les choses autrement, cet hymne ne doit sa véritable valeur qu’à son caractère performatif. C’est-à-dire au fait que ce qui est chanté ne peut avoir du sens que si cela se réalise concrètement. Cela relève du devoir et devenir citoyen.
Mettre fin à cette guerre
Accepter que l’hymne nous « force » à bâtir un pays ensemble, c’est vouloir retrouver la voie de la fraternité, d’une fraternité solidaire, capable de convertir « l’unité fabriquée par le sort » en une fraternité et/ou sororité voulue par l’effort et/ou née du travail des bâtisseurs engagés sur le court, le moyen terme et le long terme leur pays plus beau qu’avant.
Mettre fin à cette guerre, c’est aussi une condition de possibilité pour la re-civilisation et pour la création des espaces propices à la thérapie collective. Pour cause, la guerre ensauvage.
L’hymne dit : « Nous bâtirons un pays plus beau qu’avant. » Il ne dit pas : « Nous bâtissons. » Bâtir est ici une action à mener sur le temps long. Contre vents et marées.
Mais depuis que cet hymne a été repris au pays sous Mzee Laurent Kabila, la guerre raciste de prédation et de basse intensité n’a fait que le rendre laid par ses assassinats, ses meurtres extrajudiciaires, sa promotion de l’empoisonnement, de la cupidité et de la convoitise. Cette laideur a produit le nihilisme dans les coeurs et les esprits. Elle est le lieu où germe la haine. Les miettes tombant de la table des trans et multinationale profitant de cette guerre perpétuelle sont jetées aux « mammonistes vampires », négriers des temps modernes, commis à leur service et jouant souvent le rôle de « gouvernants ». Ramasseurs de ces « grains », ils instrumentalisent les identités tribales au nom de la politique du « diviser pour régner », se haïssent mutuellement et tiennent des propos pouvant faire de cette haine un virus collectif.
Mettre fin à cette guerre, c’est aussi une condition de possibilité pour la re-civilisation et pour la création des espaces propices à la thérapie collective. Pour cause, la guerre ensauvage. Y mettre fin et conduire le pays sur la voie d’une éthique reconstructive, respectueuse de la justice transitionnelle, cela est plus qu’indispensable.
Faire de « nous bâtirons un pays plus beau qu’avant » un principe structurant la reliance des « bâtisseurs » kongolais, c’est s’engager à substituer la fraternité solidaire à la haine suicidaire.
Bel élan à prendre
Le « nous » des bâtisseurs est un « biso », il est un « nous collectif ». Il présuppose que les Kongolais et les Kongolaises chantant leur hymne national, la main sur le coeur, s’engagent à être et/ou à devenir tous des « bâtisseurs », des « démiurges de leur propre destinée ». Ce « biso » exclut que, dans la pratique, il y ait d’une part, « des acteurs-bâtisseurs » et d’autre part, « des consommateurs-jouisseurs-paresseux ». Non. L’hymne engage tout le monde à mettre la main à la pâte dans une bonne division du travail et dans le respect du principe de la subsidiarité.
Les luttes menées ensemble, le pays bâti ensemble, l’héritage géré ensemble, la terre protégée ensemble, la paix négociée et/ou gagnée ensemble, telle est la voie du bel élan à prendre, de la transmutation des masses populaires en un peuple des masses populaires et autres moutons de Panurge en un peuple courageux et conscient de ses responsabilités sur le court, moyen et long terme.
Qui va créer les conditions d’une bonne division du travail ? Les collectifs citoyens peuvent le faire en coopérant et en tenant compte des intérêts qui sont les leurs. Un leadership collectif ayant de la voyance peut collaborer avec eux en ne s’ingérant pas dans ce qu’ils sont capables de réaliser ç leur niveau. (Tel est le principe de subsidiarité.)
Faire de « nous bâtirons un pays plus beau qu’avant » un principe structurant l’être et le vivre ensemble peut offrir la possibilité de (re)créer « un peuple ardent par le labeur » émancipé des paradigmes négatifs, héritier des luttes de ses aïeux et enraciné, sur le temps long, dans sa culture millénaire et dans sa terre et disposé à défendre cette terre souverainement.
Les luttes menées ensemble, le pays bâti ensemble, l’héritage géré ensemble, la terre protégée ensemble, la paix négociée et/ou gagnée ensemble, telle est la voie du bel élan à prendre, de la transmutation des masses populaires en un peuple des masses populaires et autres moutons de Panurge en un peuple courageux et conscient de ses responsabilités sur le court, moyen et long terme. Et cela en connaissance de cause.
Ce peuple aura toujours besoin des minorités agissantes de veilleurs et d’éveilleurs l’invitant à penser ce qu’il chante à travers son hymne national et à le mettre en pratique en vue du bonheur collectif partagé. (à suivre)
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961