Par Jean-Pierre Mbelu
« L’ignorance peut être synonyme d’une non-compréhension du monde dans lequel on vit, d’un manque criant de l’intelligence critique malgré les diplômes accumulés. » – B.K.
La guerre raciste et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa est une guerre par « morceaux ». La traite négrière et la colonisation en ont été les paradigmes. Pour qu’elle perdure, elle obéit, dans le chef de ses commanditaires, à certains « impératifs géostratégiques » que tous les Kongolais et toutes les Kongolaises devraient connaître, maîtriser et partager. Cela leur éviterait de croire en la théâtralisation de la politique au coeur de l’Afrique et de bien identifier les proxys dont cette guerre perpétuelle se sert.
L’instrumentalisation des proxys et la géostratégie
L’instrumentalisation et la manipulation des proxys dans les Grands Lacs africains peuvent prêter à confusion. Eviter la collusion entre les proxys est un vieux principe appliqué par « les maîtres du monde ». Ne pas comprendre cela peut créer de l’illusion, entretenir le manque de discernement et de lucidité.
L’instrumentalisation et la manipulation des proxys dans les Grands Lacs africains peuvent prêter à confusion… Se laisser prendre à ce jeu et perdre de vue que les proxys sont interchangeables peut être démobilisant pour les résistants, les dissidents et les autres minorités organisées et éveillées.
Se laisser prendre à ce jeu et perdre de vue que les proxys sont interchangeables peut être démobilisant pour les résistants, les dissidents et les autres minorités organisées et éveillées. Tout comme ils peuvent se mettre à croire qu’un proxy peut subitement changer de « nature » sans changer de camp.
Au cours de l’histoire, l’usage des proxys est toujours soumis à certaines pressions afin de les pousser à rentrer dans les rangs sous peine de leur faire perdre les privilèges liés à leur rôle de marionnettes, de pantins ou de larbins. L’une des grandes pressions leur est faite pour casser dans leurs coeurs et leurs esprits toute velléité d’émancipation politique souverainiste.
« Les maîtres du monde et ceux qui leur obéissent » sont fidèles à certains principes sur le temps long. En voici quelques-uns que Zbigniew Brzezinski recommandait à Jimmy Carter dont il était le conseiller à la Sécurité nationale : « Eviter les collusions entre vassaux et les maintenir dans l’état de dépendance que justifie leur sécurité ; cultiver la docilité des sujets protéger ; empêcher les barbares de former des alliances offensives.[1] »
Dans cet extrait, les proxys sont assimilés aux vassaux et aux barbares. Les appâter en les accueillant comme des « chefs » participe du ‘ »soft power », de l’imposition la violence symbolique, dans un rapport de force qui leur est défavorable.
Au sujet des ex-vassaux
Des ex-vassaux ayant été victimes de ces « trois grands impératifs géostratégiques » et ayant exercé leur lucidité ont choisi, avec la majorité de leurs populations transformées en masse critique, de diversifier leur partenariat géostratégique. Ils ont surtout compris l’importance de mutualiser leurs efforts avec des « Etats-civilisations » respectueux de leur dignité et leurs intérêts souverains.
Certains proxys, croient dur comme fer, qu’ils valent mieux que les autres aux yeux des « maîtres du monde » et de l’Occident collectif…
Dans les Grands Lacs africains, rien ne semble encore aller dans ce sens ; à quelques exceptions près. Certains proxys, croient dur comme fer, qu’ils valent mieux que les autres aux yeux des « maîtres du monde » et de l’Occident collectif dont Emmanuel Todd venait de décrire « la défaite »[2].
Cette fausseté alimente des débats dans certains milieux politiques de cet espace africain. Bon. C’est toujours bien de débattre. Le faire en sachant de qui et de quoi il est question pourrait aider à avancer dans la lutte pour la production de l’intelligence collective.
Une petite conclusion
Il arrive que le rôle joué par les proxys dans les Grands Lacs africains et dans son voisinage comme acteurs apparents soit confondu avec celui des acteurs pléniers. Ceci peut fausser le débat et retarder la lutte collective pour l’émancipation politique et souverainiste des Grands Lacs africains et le panafricanisme des peuples.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
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[1] N. CHOMSKY, La doctrine des bonnes intentions. Entretiens avec David Barsamien, Paris, Fayard, 2005, p. 61.