Par Jean-Pierre Mbelu
« Ils nous dominent plus par l’ignorance que par la force » – S. BOLIVAR
Plusieurs compatriotes ont cru, à tort, que les différents accords signés entre les « acteurs apparents » et « les élections-pièges-à-cons » qu’ils ont organisée ont mis fin à la guerre de prédation et de basse intensité menée contre le pays de Lumumba. Malheureusement, il n’en avait pas examiné les objectifs à court, moyen et long terme.
Les « acteurs pléniers » de cette guerre, les forces dominantes du Capital, « les ploutocrates », voulaient, entre autres, produire un « Etat-raté-manqué » au cœur de l’Afrique, le livrer aux « majors » anglo-saxons (et mondialistes) et décérébrer la majorité de Kongolais en lui imposant une culture matérialiste de la mort. « La culture de la machette » et de la gâchette facile répandue sur toute l’étendue du pays en témoigne.
Ce pays est devenu « un énorme paradis fiscal »…
Ces « ploutocrates » semblent avoir réussi. L' »Etat-raté » kongolais, depuis plus de deux décennies n’a pas répondu et ne répond pas toujours aux besoins essentiels des populations. Ses institutions « manquées » ont été dépouillées de leurs moyens d’actions. Le témoignage le plus récent en date est celui du professeur Boniface Kabisa, spécialiste en criminologie et en criminalistique. Il l’a donné sur la radio okapi le 09 décembre 2020.
Pour rendre les institutions du pays inefficaces et vides de contenu, la guerre de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa a conduit à la mise sur pied d’une mafia dans ce pays. Il serait tentant de soutenir que ce pays est devenu « un énorme paradis fiscal » pour le plus grand profit des forces dominantes du Capital.
« Selon lui, un cabinet spécialisé dans la mafia mine les institutions du pays. Il organise la corruption à grande échelle depuis plus de 18 ans. Il dispose de ses avocats, de ses juges, bref, de tout. Kabisa corrige les propos de son ancien chef, le professeur Luzolo Bambi d’après qui le pays perdait chaque année 15 milliards de dollars, plus que le budget national. Faux, rétorque Boniface Kabisa. L’ancien conseiller spécial s’était plutôt trompé. Pour le Criminologue, c’est 27 milliards de dollars qui échappent jusqu’à ce jour au Trésor public. »
Donc, pour rendre les institutions du pays inefficaces et vides de contenu, la guerre de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa a conduit à la mise sur pied d’une mafia dans ce pays. Il serait tentant de soutenir que ce pays est devenu « un énorme paradis fiscal » pour le plus grand profit des forces dominantes du Capital.
Elles ne cachent pas ce qu’elles font. Elles savent que, depuis la nuit des temps, elles sont en guerre contre les pauvres (ou les appauvris). L’un des leurs en témoigne quand il affirme ceci : « Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner.» (Warren Buffett, homme d’affaires américain, troisième homme le plus riche au monde, dont la fortune personnelle s’élève à 44 milliards de dollars (Magazine Forbes, 2012).)
Cette « élite intellectuelle » et son approche identitaire
Des articles et des livres traitent de cette « vieille et nouvelle guerre » et de la régression anthropologique qu’elle entraîne. En voici quelques-uns, à titre illustratif : « La nouvelle guerre? Celle des riches contre les pauvres »; V.BUGAULT, Les raisons cachées du désordre mondial. Analyses de géopolitique économique, juridique et monétaire, Paris, Sigest, 2019 ; V. BUGAULT, Demain dès l’aube…le renouveau, Paris, Sigest, 2019 ; M. GEOFFROY, La superclasse mondiale contre les peuples, Versailles, Via Romana, 2018 ; S. ERBS, V. BARBE et O. LAURENT, Les réseaux soros à la conquête de l’Afrique. Les réseaux d’influence à la conquête du monde, Versailles, Va, 2017 : M. PINCON et M. PINCON-CARLOT, Les prédateurs au pouvoir. Main basse sur notre avenir, Paris, Textuel, 2017)
L »approche identitaire de cette « élite intellectuelle » à outrance des questions sociétales et son évitement des analyses de géopolitique économique, juridique et monétaire en font un allié de taille de la balkanisation et de l’implosion du Kongo-Kinshasa.
L’aspect désordre mondial de cette guerre ourdie contre les peuples par des forces dominantes du Capital dont l’anonymat est un trait fondamental est souvent oublié par une certaine « élite congolaise » évitant de situer, dans leur contexte, les travers réels et/ou imaginaires dont témoignent « les prédateurs au pouvoir » (et leurs sous-fifres) cherchant à faire « main basse sur notre avenir ». Cette « élite » semble aimer les sujets qui provoque le buzz et non « les analyses de géopolitique économique, juridique et monétaire » indiquant comment les travers des « sous-fifres » des « ploutocrates » voulus comme des « sujets réels » de débat servent « la politique du diviser pour régner ».
Cette « élite » donne l’impression d’avoir été détournée de la lecture (critique) de Marx. Même s’il est souvent difficile d’identifier ses sources. Souvent, il est pénible de savoir à « partir d’où » elle écrit et/ou parle quand elle semble ne pas être sous l’influence des réseaux à la conquête de l’Afrique et du monde. Elle peut, par exemple, entretenir une confusion permanente et/ou simulée entre la tribalité et le tribalisme, fournir de gros efforts pour défendre ou promouvoir « les identités meurtrières » sans que cela ne la gène.
Son approche identitaire à outrance des questions sociétales et son évitement des analyses de géopolitique économique, juridique et monétaire en font un allié de taille de la balkanisation et de l’implosion du Kongo-Kinshasa. Cette certaine « élite intellectuelle », trop critique à l’endroit des politicards ayant participé à la fausse guerre de libération de l’AFDL vers les années 1990 participe, elle aussi, de cette guerre de prédation et de basse intensité en opposant les compatriotes les uns aux autres dans le mépris total des apports des écrits sur celle de « la superclasse mondiale contre les peuples ».
« La politique du diviser pour régner »
Y aurait-il des tentatives d’ explications à cette déviance identitaire ? Bien sûr que oui. En voici quelques-unes.
La crise d’orientation provoquée par l’assassinat de Lumumba a entraîné un viol de l’imaginaire jetant un discrédit sur nos appartenances réelles. Cela d’autant plus qu’elle est précédée par deux sécessions kasaïenne et katangaise dont les jeux des coulisses n’ont pas encore permis à plusieurs d’entre nous de tirer de bonnes leçons pour le vivre ensemble. Bref, plusieurs d’entre nous refusent d’être guéris de cette crise d’orientation existentielle. Ils refusent de relire Lumumba. Le refus du lire et du relire éloigne l’avènement d’un Kongo ayant rompu avec « la politique du diviser pour régner ».
Plusieurs d’entre nous refusent d’être guéris de cette crise d’orientation existentielle. Ils refusent de relire Lumumba. Le refus du lire et du relire éloigne l’avènement d’un Kongo ayant rompu avec « la politique du diviser pour régner ».
Pourtant, Lumumba nous a avertis en ces termes : « Ces divisions, sur lesquelles se sont toujours appuyées les puissances coloniales pour mieux asseoir leur domination, ont largement contribué -et elles contribuent au suicide de l’Afrique. » Et il montrait une issue à cette « mauvaise politique » en écrivant ceci : « Pour moi, il n’y a qu’une voie. Cette voie c’est le rassemblement de tous les Africains au sein des mouvements populaires ou des partis unifiés. » (La Chine et la Russie ont emprunté cette voie et s’imposent dans un monde de plus en plus multipolaire.).
Longtemps après l’assassinat de Lumumba, plusieurs « intellectuels » kongolais ont été induit en erreur dans leur approche de la fausse guerre de libération de l’AFDL. Un accent particulier a été plus mis sur « les sous-fifres » que sur « l’impérialisme intelligent » ayant conçu cette guerre. « Les tueurs Tutsi » ont été plus mis sur le devant de la scène que leurs commanditaires. (Le dernier livre de Judi Rever rassemble une documentation pouvant aider à relativiser cette approche. Lire, J. REVER, Le Rwanda. L’éloge du sang, Paris, Max Milo, 2019)
Pour rappel, une guerre est dite de basse identité lorsqu’elle est menée par « des acteurs pléniers » se cachant derrière leurs sous-fifres, leurs sous-traitants, leurs proxys, « leurs paralytiques » ; des acteurs pléniers passés maîtres de l’art de la manipulation et de l’instrumentalisation des minorités. Le Cambodge et le Laos en savent quelque chose.
La situation est grave
Plusieurs « intellectuels » kongolais ne sont pas guéris de cette approche identitaire d’une guerre conçue et planifiée par « l’impérialisme intelligent ». Et ils n’ont pas froid aux yeux en affirmant, actuellement, que « la politique étant dynamique », « les impérialistes intelligents » sont nos alliés contre un sous-fifre. Ils ne se posent presque pas des questions liées à cette métamorphose : « Ils deviennent nos alliés depuis quand et pour avoir quoi en retour ?»
Le mal est tellement profond qu’il a provoqué de la régression anthropologique même chez »les élites intellectuelles » supposées être « la lumière » pour le peuple. La situation est grave. Elle désespère plusieurs compatriotes.
La vérité est qu’ils ne sont pas devenus nos alliés. Ils poursuivent leur guerre de conquête des terres, des cœurs et des esprits autrement. Et ils sont au service de leurs « majors ». Un point.
C’est vrai. « Les acteurs apparents » sont corrompus et corrompent jusqu’à ce jour. Ils ne le font pas pour les beaux yeux de leurs tribus. Non. Mais pour creuser la dette publique au profit des agents du mondialisme et de la lutte contre la souveraineté des peuples. «La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique, disait déjà Karl Marx.»
Enfin, le viol de l’imaginaire a produit, dans plusieurs cœurs et plusieurs esprits kongolais la haine du soi individuel et collectif. Une haine autodestructrice. Elle a provoqué chez certains le syndrome de Stockholm, chez d’autres le syndrome du larbin, chez d’autres encore « le mammonisme », etc. Une thérapie collective passant par une révolution culturelle intégrant des données de géopolitique économique, juridique, monétaire et militaire ainsi que l’écriture citoyenne de la constitution engagerait le pays sur la voie la longue guérison.
Le mal est tellement profond qu’il a provoqué de la régression anthropologique même chez »les élites intellectuelles » supposées être « la lumière » pour le peuple. La situation est grave. Elle désespère plusieurs compatriotes. Dieu merci ! Les consciences congolaises éveillées et agissantes n’ont pas encore dit leur dernier mot. La lutte continue.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961