Par Mufoncol Tshiyoyo
Quelles que soient ses faiblesses, son « infiltration », notamment le fait d’être éditée et financée de et par l’extérieur, ce qui limiterait, pour les uns, son mouvement et suppose également son contrôle, et de là son orientation, la postcolonie comme acte et mouvement d’émancipation n’aurait de sens que si elle était une transition. En effet, la postcolonie est période transitoire vers son devenir, pour ne pas dire son objectif final, qui est la manifestation d’une possibilité d’un soi à la fois authentique et autonome. Qui suis-je ?
Sa transition s’explique par le fait de l’existence d’un « double-je » chez les adeptes de la postcolonie. Ce qui leur donne l’image d’un caméléon capable de changer des couleurs quand l’intérêt autre que personnel le recommande. Il y a en eux un conflit latent et permanent entre une partie de l’autre en soi et d’un Soi qui se recherche. Donc, on peut parler d’instabilité de l’être qui n’arrive pas à s’auto-définir comme il est tiraillé d’un côté par je ne sais quelle reconnaissance à un passé qui n’est pas sien et de l’autre habité par le doute qui le marque dans sa route vers son devenir : lui.
De la postcolonie
Pour nous, la postcolonie reste une transition vers autre chose, celle qui arrive et qui doit se réaliser comme dans la mutation de la chenille vers le papillon. Cette dernière renseigne qu’il y a coupure, fracture, au-delà d’un simple changement d’état. Le premier, celui de la Chenille, disparaît. Alors, définitivement. Il a cessé d’être comme il n’influence plus le second état, celui du papillon qui lui seul existe. Le papillon demeure la seule réalité, le seul réel. Et la chenille qui ne devient pas papillon meurt. Tandis que le papillon qui a réussi sa mutation vole de ses propres ailes, et ce, d’un endroit à un autre en affichant et assumant son unique identité.
Si on ne tue pas en nous ce que l’autre a voulu que l’on soit, et que l’on est à ses yeux, c’est qu’on existe pas. Celui qui s’en montre incapable s’assassine, devient son propre meurtrier. Il tue le soi.
C’est ce second état que je fais désigner par l’expression de « possibilité congolaise », du ou d’un réel congolais. Le second état né de la mort de l’état premier. Ce qui voudrait dire en d’autres termes que si on ne tue pas en nous ce que l’autre a voulu que l’on soit, et que l’on est à ses yeux, c’est qu’on existe pas. Celui qui s’en montre incapable s’assassine, devient son propre meurtrier. Il tue le soi.
Ici, il s’agit de « nous » comme peuple. Parler de « nous » comme identité unique sans parler de la Belgique, sans évoquer le passé belge chez nous, sans faire allusion à l’histoire de la Belgique en RD-Congo. Je précise qu’il est question de l’ « histoire belge», de celle de la Belgique en RD-Congo. Mais pas d’une histoire que les uns appelleraient belgo-congolaise.
Sans fierté, il n’y a pas de soi
Il n’y a pas, et il n’y aura jamais, d’historicité belgo-congolaise, franco-ivoirienne, franco-algérienne, anglo-kenyane, américano-je ne sais plus quoi, là où il y a eu et il y a soumission de l’autre à la suprématie ou à la domination du premier. Il n’y a pas de contrat social là où les contractants ne sont pas égaux en droit. C’est heureusement et malheureusement le cas. Et ce, selon la position situationniste où chacun se place.
Et cette partie de la problématique ne m’intéresse pas du tout dès lors que le temps de chercher à corriger ou de faire marche arrière est désormais révolu. Par le rejet et le refus du « double-je », le temps invite à évoluer vers le soi congolais, vers la manifestation de la possibilité congolaise. Il y a donc revendication pressante d’une possibilité d’un soi affirmatif et fier de l’être. Car sans fierté de soi, il n’y a pas de soi.
Pour être ce que l’on est, celui qui est ce qu’il est, se distingue et est habité par un désir d’être qui le pousse à proclamer son « soi », de dire son fait d’être Congolais.
Mais comment être congolais tout en étant l’autre en même temps. Pour être ce que l’on est, celui qui est ce qu’il est, se distingue et est habité par un désir d’être qui le pousse à proclamer son « soi », de dire son fait d’être Congolais. Je suis congolais sans que l’autre ne trouvât son mot à dire, sans que l’autre ne me l’accordât. Mon fait d’être congolais n’est pas soumis, ou il n’est pas l’objet d’une discussion, d’une conversation, d’un accord et d’un consentement préalable de et avec l’autre. OU je suis congolais, ou je ne le suis pas.
De la manifestation de la possibilité congolaise
Il y a deux manières d’être congolais. La première est inconsciente tandis que la seconde est consciente.
a) Dans la situation de l’inconscience
Elle s’applique à celui et à celle qui, au-delà d’être congolais par héritage de sang, par naissance, ou par acquisition, ne s’est jamais interrogé sur le fait d’être congolais. La question de son identité congolaise n’a jamais fait l’objet d’une interrogation quelconque, consciente ou pas, de sa part. Il se dit être congolais parce que tout le monde dans son entourage l’est. Pour lui, cela suffit d’être où il est, où il se trouve du moment qu’il peut en bénéficier. Mais sa participation au collectif ne souffre d’aucune ambiguïté. Par son travail, il cultive son champ, il produit le maïs, le manioc, il nourrit et entretient l’esprit et l’identité congolaise. Et beaucoup se trouvent dans cette situation. Je dis tant mieux pour eux. Donc, c’est pour eux qu’il faudra tout faire, qu’il faille se battre. Ils sont congolais par la terre et avec elle ils entretiennent un rapport particulier. C’est tout ce qu’il possède.
Est congolais, celui qui acte, qui agit, qui parle, qui entreprend en ayant dans sa conscience, et ce de manière permanence, ce « feeling » de faire partie d’une identité commune : être congolais. Celui qui ne doit pas se gêner, qui ne doit pas s’expliquer de l’être : il est congolais.
b) Dans l’état de conscience
C’est encore plus compliqué pour cette catégorie. Comme pour le premier, ils sont « congolais » par héritage de sang, par naissance et par acquisition. Mais la différence chez eux et avec eux est que l’identité congolaise, le fait d’être congolais, se questionne jour et nuit. Il y a conscience d’être congolais.
Est congolais, celui qui acte, qui agit, qui parle, qui entreprend en ayant dans sa conscience, et ce de manière permanence, ce « feeling » de faire partie d’une identité commune : être congolais. Celui qui ne doit pas se gêner, qui ne doit pas s’expliquer de l’être : il est congolais. Il est lui. Et pour ce faire, il vibre quand il entend parler de la RD-Congo. Il est en communion avec les siens dont il assume la charge, la continuité dans l’histoire et pour qui il assure et entretient l’héritage. Est congolais, l’humain qui reconnait appartenir à un mode de vie partagé par un ensemble. Le fait d’être congolais est un bien commun. Etre congolais est un idéal, mais qui cesse d’exister et d’étinceler le jour où plus rien ne se construit dans ce sens.
Pour un pacte d’amour, de souffrance, d’appartenance à une âme congolaise
Au-delà d’être une simple construction sociale et dynamique, être congolais est l’expression d’une vision et d’une volonté politiquement affirmée. Et face aux périls qui menacent la communauté et le l’identité congolaise assumée, nous en appelons à une volonté politique et réelle pour qu’elle propose un pacte d’amour, de souffrance, d’appartenance à une âme congolaise. Un geste historique s’impose. C’est tout un semble. Si le futur est incertain, il nous appartient de le construire.
La plupart de ceux qui s’expriment sur la RD-Congo ne font allusion qu’aux minerais, à la forêt, à l’eau, bref aux ressources naturelles que détient la terre congolaise. Peu parlent de la RD-Congo en abordant la question la principale ressource qui donne à cette terre toute son importance : l’homme congolais. Il s’agit de ceux qui relayent le message inculqué, la propagande transformée en vérité unique alors que le congolais est avant tout une âme. Le congolais est une humanité. Le congolais est un rêve. Le congolais se résume en sa manière d’être, de pleurer et de célébrer ses aïeux, de chanter sa gloire et son histoire. Il faudra accorder peu d’importance à ces vendeurs de mirage qui font de la RD-Congo un produit de commerce.
Face aux périls qui menacent la communauté et le l’identité congolaise assumée, nous en appelons à une volonté politique et réelle pour qu’elle propose un pacte d’amour, de souffrance, d’appartenance à une âme congolaise. Un geste historique s’impose. C’est tout un semble. Si le futur est incertain, il nous appartient de le construire.
La force des autres résident dans la production et l’entretien d’une pensée dynamique appelée à nourrir l’être en vie. Le temps de production de la pensée, de son animation, de son incarnation, et de sa mise en valeur a sonné. Une pensée qui dit que je suis ce que je vois, ce que je sens, ce que je dis, ce que je peux nommer, et ce quand je le désire et où que je me trouve. Je suis ce que je suis : congolais.
De la langue …
Plusieurs communiquent dans la langue de l’autre sans toutefois ressentir une vibration interne en eux comme quand ils font usage de leur propre langue. Ce qui est évident est que leur corps reste insensible malgré le fait que leur intelligence reste vive. Certaines d’entre nous le vivent en observant note jeunesse à l’écoute de notre culture musicale. Des enfants qui s’arrachent la tête pas à cause d’une belle mélodie musicale mais pour cause d’une belle phrase qui leur apporte tout son sens. Tout leur corps répond, vibre et communique avec l’émotion produit par la phrase entendue en lingala, en tshiluba, en kikongo, en swahili.
Des mots tels que « Kulutu » , « Yaya », ont plus de profondeur quand ils sont dits en lingala, « mukulumpa » en tshiluba, « m’zee » en swahili que quand ils se prononcent dans une autre langue comme par exemple, grand frère, grande sœur en français, « stor bror » en norvégien, « big sister » or « big brother » en anglais. Un autre souhaiterait entendre d’elle lui dire « Tutu wani » en tshiluba que « je t’aime » ou encore « I love you » en français et en anglais. Il y a donc ce genre de feeling qui est indicible et naturel, et, qui ne pourrait s’inventer et se communiquer. Voilà qui nous fait dire que la langue engage à la fois l’intelligence et le sens de celui qui la manie. La langue est une question de vibration du corps. Elle unit l’homme à son âme, celle de celui ou de celle qui la pratique pour dire sa vie.
Si le futur est indéfini et incertain, il appartient aux bâtisseurs de l’inventer, de le créer pour notre jeunesse. La RD-Congo, son idée est un rêve que nous communiquons à ceux qui nous suivent et particulièrement à la jeunesse congolaise.
La langue de l’autre est née de ses difficultés, Elle est née de sa compréhension de son existence, de son histoire, de ses craintes, de ses joies comme de ses malheurs. Mais comment arriver à dire nos malheurs, nos craintes, nos difficultés, notre colère telle qu’elle se ressent dans une langue qui ne peut la capter dans son intégralité parce qu’il y a choix à faire.
L’apprentissage et la maîtrise de la langue de l’autre exigent de nous d’aller à l’école alors que l’autre, chez lui, dans son propre pays, il n’a pas besoin de l’école pour dire sa langue. Et malgré le fait que nous sommes allés à l’école pour l’apprendre, l’autre nous élève à peine au rang de celui ou de celle qui est considéré comme analphabète et illettré chez lui dans son propre pays.
Si le futur est indéfini et incertain, il appartient aux bâtisseurs de l’inventer, de le créer pour notre jeunesse. La RD-Congo, son idée est un rêve que nous communiquons à ceux qui nous suivent et particulièrement à la jeunesse congolaise.
Ce texte fonde notre foi en la RD-Congo. Debout et brisons les chaînes !
Mufoncol Tshiyoyo