Par Blaise Pascal Z. Migabo
Le peuple congolais n’obtiendra pas le respect de ses gouvernants si nous acceptons d’échanger le présent et l’avenir de notre Nation contre un peu de tranquillité personnelle dans l’immédiat. L’épidémie du coronavirus – on aurait pu l’éviter en terres congolaises – vient rappeler aux congolais que le pays n’est pas gouverné. La « politique du ventre » appliquée avec brio par un « bloc hégémonique » au pouvoir (concepts chers à Jean François Bayart) composés de leurs « excellences », « honorables », « directeurs », « inspecteurs » etc. est la seule qui a jusque-là marché en RD Congo post-Lumumba. Dans les circonstances que traverse actuellement la RD Congo, l’épidémie de coronavirus, vient rappeler aux congolais deux petits mots : « Vous méritez mieux ».
Après l’annonce des tous premiers cas de coronavirus dans la ville de Lubumbashi – poumon économique du pays avec ses 2 millions et demi d’âmes environ -, un compatriote de la diaspora écrivait sur son mur Facebook : « Je crois qu’il est vraiment temps que notre pays expérimente un Président ayant étudié vraiment. Un président intelligent (…). La gestion du Covid19 (sic) prouve que nous méritons mieux. Espérons qu’aux prochaines élections ce vœu sera exaucé ». Je suis tombé sur ce post au moment où je venais de lire un extrait du dernier livre « Brutalisme » du penseur camerounais Achille Mbembe.
La RD Congo a besoin d’un leadership compétent au service de l’intérêt général. Est-ce trop exiger ?
Dans ce livre paru début 2020 aux éditions parisiennes La Découverte, Achille Mbembe évoque la notion de « tombeau universel » en parlant de la déchéance vers laquelle tend l’humanité. Les développements faits par Achille Mbembe peuvent s’appliquer à la RD Congo dans ce que je qualifierait de « tombeau congolais ». Le moment n’est peut-être pas bien choisi pour employer des termes macabres et apocalyptiques. Cependant, pouvons-nous réellement changer ce cycle infernal dans lequel nous sommes plongés depuis des décennies si nous ne sommes pas capables, comme peuple, d’affronter nos peurs, nos craintes, nos souffrances les plus profonds et de nous lever face à nos bourreaux les plus cyniques et les plus importables ?
En observant la situation de la RD Congo depuis le « hold-up » électoral de 2018 signé Joseph Kabila et Félix Tshisekedi ainsi que la montée vertigineuse de la courbe de misère dans laquelle sont prises en otage des millions de congolais surtout en cette période difficile avec ce virus qu’on aurait pu d’ailleurs éviter en RD Congo, je ne trouve pas des mots plus justes que ceux d’Achille Mbembe (toujours tirés de « Brutalisme ») : « Tant d’autres voies s’offraient à nous. Nous aurions pu emprunter tant d’autres chemins. Rien, en effet, ne nous condamnait à échouer sur ces bords ». Oui, la « présidence » de Félix Tshisekedi est un ECHEC sonnant et trébuchant.
On ne peut que se sentir humilié par le manque d’anticipation, l’amateurisme et l’inconscience avec laquelle cette épidémie est gérée par Kinshasa.
Tous les signaux depuis son accession au pouvoir l’indiquent sauf à ceux qui, pour diverses raisons, ont choisi de plonger dans le déni et l’illusion. « Il n’est qu’à un an, il faut lui donner le temps », « il faut lui donner la chance » ou encore « Kabila a détruit le pays en 18 ans » avons-nous l’habitude d’entendre ses défenseurs nous rétorquer. Pendant ce moment, le peuple lui se meurt dans l’insouciance et l’indifférence la plus légendaire. Un diplomate africain, malgré ses efforts de cacher sa déception, me disait amicalement il y a quelques semaines : « A chaque jour qui passe, Félix Tshisekedi prouve qu’il n’a jamais eu ni l’ambition ni la préparation nécessaire pour diriger votre pays ».
A mon avis, pour s’en sortir, la RD Congo a besoin d’un leadership compétent au service de l’intérêt général. Est-ce trop exiger ? Pour l’instant je trouve que le régime Félix Tshisekedi a tout sauf ces deux qualités. Si Félix Tshisekedi avait bénéficié du soutien de certains congolais en dépit de son deal « incestueux » avec le clan Kabila, la (me) « gestion » de tous les jours depuis son « installation » au pouvoir prouve hélas – à ceux qui doutaient encore – que le Congo est très grand et très complexe pour Félix. L’homme n’a visiblement pas hérité ni de l’« érudition » de son paternel encore moins de son «charisme » (l’écrivain romain Salluste écrivait dans « De Bello Jugurthinum » qu’il s’agit là de deux vertus qu’on ne peut pas légués). Plus simple, n’aurait-t-il pas appris l’« orgueil » tant vantée de de son père, ce trait de personnalité qui peut – s’il est bien encadré – être vecteur d’un sentiment de nationalisme et de patriotisme ?
Le gouvernement se moque du peuple congolais dans la gestion de l’épidémie du Covid-19
Parlons du coronavirus. Quand l’on observe la préparation de certains pays africains (plus près de nos réalités) pour prévenir et/ou faire face à cette épidémie, lorsqu’on apprend les mesures juridiques, financières, techniques et humains – encore il faut avoir fait des investissements bien avant – mobilisées par certains pays africains, l’on ne peut que se sentir humilié par le manque d’anticipation, l’amateurisme et l’inconscience avec laquelle cette épidémie est gérée par Kinshasa après n’avoir pas voulu fermer les aéroports aux passagers venant des pays à risque dès la déclaration de la pandémie par l’OMS ou même un peu avant.
Cela dit, je me permets d’être optimiste. Grâce au coronavirus, les congolais peuvent enfin réaliser que le pays n’est pas gouverné. Comment concevoir que, pendant que des professeurs de l’Université de Kinshasa où professe le Docteur Jean-Jacques Muyembe sont en grève et que personne ne veut les recevoir (Félix Tshisekedi a récemment reçu l’artiste musicien Nyoka Longo), le gouvernement soit en train d’exhiber le Professeur Muyembe comme un trophée ? Le gouvernement a annoncé 1,8 millions USD pour lutter contre ce virus dans un pays 32 fois plus vaste que la Belgique et 4 fois plus vaste que la France et l’Allemagne réunies et avec plus de 80 millions d’habitants : Il y a-t-il mieux pour se moquer des congolais ? Au passage, le Ghana a annoncé 100 millions USD pour lutter contre le coronavirus.
Grâce au coronavirus, les congolais peuvent enfin réaliser que le pays n’est pas gouverné.
N’a-t-on pas appris, en pleine crise de coronavirus, que l’(ex) Président Joseph Kabila gagnerait autour de 680.000 USD par mois (six cent quatre-vingt mille !!!). Les anciens présidents de l’Assemblée nationale eux toucheraient autour de 400.000 dollars de rente annuelle chacun ! N’a-t-on pas vu le mausolée d’Etienne Tshisekedi, père de Félix, financé à coup de plus de 2 millions USD ? L’on nous dira qu’il s’agissait d’un financement privé ! N’a-t-on pas vu l’actuel Ministre de l’Intérieur Gilbert Kankonde proposer 9 millions USD pour acheter des extincteurs ? N’as-t-on pas vu André Kabanda, actuel Ministre attaché à la Présidence proposer un budget de 6 millions USD pour les célébrations de l’an I de l’ « arrivée » au pouvoir de Felix Tshisekedi ? C’est dans ce même pays où l’on a appris la « disparition » (on ne parle jamais de détournement) de 15 millions USD, scandale dans lequel Vital Kamerhe, Directeur de cabinet de Félix Tshisekedi avait été cité.
On attendra toujours les résultats de l’enquête de l’Inspection générale des finances placée sous l’autorité unique et directe du…Président de la République. C’est dans ce pays où l’on a appris il y a quelques mois la « disparition » tragique de 200 millions de USD à la GECAMINES, dossier dans lequel est cité l’homme d’affaire Albert Yuma qui a failli être premier ministre de Félix Tshisekedi ! Ce dernier, répondant aux critiques face à ses multiples voyages à l’étranger et leur poids sur le Trésor public n’a-t-il pas dit à la diaspora congolaise le lundi 11 novembre 2019 (près de 10 mois après son accession au pouvoir) ce qui suit : « Le coût de mes voyages n’a même pas atteint 50 millions USD mais j’ai déjà ramené 1 milliards et demi USD au pays » ? Admettons. Pourquoi ne pas affecté 50 ou 100 millions USD dans la lutte contre ce virus ravageur ? Koffi Olomide n’avait-t-il pas raison de chanter « Lokuta eyaka na ascenseur » (le mensonge prend l’ascenseur) ?
Blaise Pascal Z. Migabo