Par Blaise Pascal Z. Migabo
L’espérance de vie du congolais est en réalité de 24 heures renouvelable. Le confinement projeté ne fera pas plus de victime que le virus lui-même ?
La crise du coronavirus a mis à nu le secret de polichinelle le mieux gardé de la RD Congo : le clientélisme et le favoritisme, maitre-mots dans le choix des animateurs des institutions congolaises et de leurs collaborateurs. On a appris que le premier décès suite au coronavirus est un médecin, directeur de cabinet adjoint du Ministre de l’Economie…sa jeune sœur !
Une espérance de vie de 24h renouvelable…
En outre, le coronavirus nous rappelle à quel point la RDC dépend, sur le plan alimentaire, essentiellement des importations (même du Pakistan désertique !) alors que le pays, gâtée par la nature, a plus de 800.000 kilomètres de terres arables, un système de cours d’eau immense abritant des poissons et autres espèces divers et variés, un climat favorable car à cheval de l’Équateur, bref tout ce qu’il faut pour nourrir chaque congolais et importer l’excédent de production.
Coronavirus nous rappelle aussi qu’à Kinshasa et ailleurs dans le pays, les fonctionnaires sont incapables de faire des réserves d’une semaine malgré les potentialités de leur pays
Coronavirus nous rappelle aussi qu’à Kinshasa et ailleurs dans le pays, les fonctionnaires sont incapables de faire des réserves d’une semaine malgré les potentialités de leur pays. Coronavirus vient nous rappeler qu’environ 74% de congolais vivent en dessous du seuil de la pauvreté multidentionnelle fixée à moins de 1.90 dollars par jour. N’est-ce pas révoltant ? L’espérance de vie du congolais est en réalité de 24 heures renouvelable. Le confinement projeté ne fera pas plus de victime que le virus lui-même ? C’est déjà le cas d’ailleurs.
De l’autre côté du fleuve ? Pas Brazzaville, mais le majestueux fleuve qui sépare le pauvre peuple congolais de ses dirigeants. Ces derniers ne gagnent-t-ils pas plus que leurs homologues des pays les plus industrialisés en plus des pots-de-vin et détournements divers et variés qualifiés de licite par… Félix Tshisekedi himself lors de la sa première sortie médiatique internationale en 2019 sur TV5 ? Jamais l’on n’a vu un « homme politique » congolais aussi honnête !
Oui, parlons de la santé. Revenons-y. Est-t-il approprié d’ailleurs de parler d’un système de santé en RD Congo ? Le Covid-19 vient nous rappeler les réalités des « hôpitaux » congolais où doivent se soigner les officiels et leurs familles en cette période où les portes de l’Europe leur sont fermées ! Certains compatriotes se sentent d’ailleurs soulagés par cet état de chose.
Quand l’hôpital Mama Yemo soignait des personnalités d’Afrique centrale…
Dans les années 70, l’hôpital Maman Yemo de Kinshasa (nom de la mère de Mobutu), avec 50% du budget national de la santé (quand même !) était un bijou qui accueillait toutes les personnalités d’Afrique centrale pour des soins et des médecins américains s’y bousculaient non par philanthropie. Il y a quelques jours, il a fallu attendre que des bébés dans des couveuses risquent d’y passer suite à une coupure d’électricité, l’hôpital n’était pas doté d’un générateur pour voir…son Excellence Ministre de la santé et des affaires sociales et humanitaires, que dis-je, l’épouse de Félix Tshisekedi, Dénise Nyakeru héritière de la compassion de l’ex première dame Olive Lembe Kabila, venir telle Mère Theresa, offrir un générateur à cet hôpital pourtant…public. On peut s’imaginer la situation dans les provinces du pays. Catastrophe. La main généreuse de la première dame atteindra-t-elle mes oncles de Kisantu, mes cousins de Mwene Ditu, mes beaux-frères de Boende, mes grands-parents d’Isiro et ma fille à Likasi ?
Revenons à la prévention et à réaction du gouvernement face au coronavirus. Je tais les violations de la Constitution et des lois tant dans le chef de Felix Thisekedi, des ministres, de certains gouverneurs de province, de la police etc. Jeannine Mabunda (speaker de l’Assemblée nationale) n’a-t-elle pas loupé quelque chose ? Vive l’Etat de droit dans lequel la parole du Président de la République ou même ses pensées et rêves ont force de loi. Que dire encore ? Le Coronavirus, en même temps qu’il constitue une menace contre l’humanité entière, nous offre une occasion de repenser « le contrat social » entre le peuple congolais et ses dirigeants et mettre en place une approche managériale efficience et une gestion rationnelle des ressources publiques. Le coronavirus arrive pour rappeler au peuple sa souveraineté et que les dirigeants ne sont que des simples salariés et, comme tout patron, le peuple doit exiger à ces derniers un travail de qualité ainsi que le respect des procédures et du « contrat social ». A défaut, la RUPTURE des liens contractuels s’impose.
Le Coronavirus, en même temps qu’il constitue une menace contre l’humanité entière, nous offre une occasion de repenser « le contrat social » entre le peuple congolais et ses dirigeants et mettre en place une approche managériale efficience et une gestion rationnelle des ressources publiques.
Je considère que nous, survivants des atrocités et de la mauvaise gouvernance dans laquelle excellent les régimes qui se sont succédé en RD Congo, portons une lourde responsabilité, envers les millions de nos compatriotes et de nos proches nous arrachés sauvagement. Cette responsabilité se résume en cet extrait de « Combat pour la liberté » (1958) de Martin L. King : « L’opprimé ne doit jamais laisser en repos la conscience de l’oppresseur (…). Accepter passivement l’injustice (…) revient à dire à l’oppresseur que ses actes sont moralement bons ». Thomas Sankara avaient bien compris cette leçon. Ainsi rappelait-il souvent : « L’esclave qui n’est pas capable d’assurer sa révolte ne me mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maitre qui prétend l’affranchir. SEULE LA LUTTE LIBÈRE ».
Si nous ne décidons pas nous battre pour reconquérir notre souveraineté prise en otage par des gouvernants sans scrupule et de faire de la RD Congo l’oasis à partir duquel l’Afrique toute entière entreprendra la gigantesque œuvre de régénération, elle sera alors le « tombeau africain », son mausolée, dans la continuité de la période géologique de l’histoire de l’Afrique (adaptation faite à partir d’un extrait de « Brutalisme » d’Achille Mbembe).
Blaise Pascal Z. Migabo