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Consultations, dialogue et conclave : Comment les « élites » congolaises utilisent leurs populations comme des marchepieds

Consultations, dialogue et conclave : Comment les « élites » congolaises utilisent leurs populations comme des marchepieds

Consultations, dialogue et conclave : Comment les « élites » congolaises utilisent leurs populations comme des marchepieds 640 350 Ingeta

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu apporte un éclairage historique sur les rassemblements des politiques congolais au cœur de l’actualité aujourd’hui avec le récent Conclave de Genval en Belgique, montre comment et l’opposition et la majorité dite présidentielle au Congo sont simplement des forces du statu quo, et expose les limites des élites politiques, intellectuelles, économique et sociales congolaises.

Sur le conclave de Genval (qui a réuni en Belgique « l’opposition congolaise ») et le rassemblement des politiques congolais

Cette rencontre n’est pas la première. Il y a déjà eu d’autres rencontres congolaises comme notamment la conférence nationale souveraine en début des années 1990. A la même époque que cette conférence là, il s’était créé ce qu’on avait appelé USORA (Union Sacrée de l’Opposition Radicale). Qu’est devenu l’USORA la conférence nationale et après ?
Je suis l’un de ceux qui en appellent au rassemblement des Congolais. Mais ce qui me dérange de temps en temps, c’est que le rassemblement se fasse au dépend de l’Histoire. Vous ne pouvez pas vous rassembler à une certaine période de votre vie historique, politico-sociale, sans questionner l’Histoire. Sans questionner les acteurs, pour savoir qui est qui, qui a fait quoi. Sans questionner votre marche à la fois politique, historique et économique.
Pourquoi l’USORA n’a-t-elle pas survécu à la conférence nationale souveraine par exemple? Comment se fait-il que certains membres de l’Union Sacrée de l’Opposition Radicale se trouvent aujourd’hui dans ce qu’on appelle chez nous la vérité présidentielle ? Comment se fait-il que certains membres de cette Union Sacrée de l’Opposition Radicale se retrouvent dans ce qu’on a appelé le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD Goma)?

Sur le contexte du conclave

Si ce rassemblement des congolais de l’opposition et de la société civile était aussi important que cela, on aurait pris au moins 3 ou 4 mois pour le préparer. On en aurait appelé aux experts pour qu’ils étudient les questions du genre : d’où venons-nous, où en sommes nous, où allons-nous ? Nous sommes en guerre depuis plus de 20 ans, qui nous fait la guerre ?
Quand vous vous rassemblez après une guerre qui a duré plus de 20 ans et que vous vous dites, nous nous mettons d’accord contre Kabila, c’est que vous vous moquez de notre histoire ! Ce n’est pas parce que vous vous êtes rassemblés de cette manière là que nous allons tous applaudir. Cette rencontre doit être replacée dans une lecture politico-historique. Cette lecture ne peut pas se faire sans que nous la replacions dans le contexte de la guerre que le connaît depuis plus de 20 ans.
Vous ne pouvez pas à aller à un rassemblement comme celui là, et oublier que c’est l’Occident qui nous fait la guerre et prendre les occidentaux comme accompagnateurs. Il aurait mieux fallu, au lieu de prendre les occidentaux comme accompagnateurs, qu’ils soient des partenaires du dialogue…

Sur la nécessité de questionner l’histoire

Pourquoi cette rencontre a-t-elle eu lieu en Belgique ? Notre histoire nous apprend qu’il y a déjà eu d’autres rencontres des congolais en Belgique et qui ont accouché de grosses souris. Il y a eu une table ronde en Belgique dans les années 1960. Cette table ronde n’a été que politique et pas suivi d’une table ronde économique. Des industriels se disaient à ce moment : « ce qui est bien pour les congolais, ce sont les postes politiques, c’est qu’ils recherchent. Donnons leur des postes politiques. Qu’ils aient des bicyclettes, des motos, des voitures, des costumes cravates, nous allons nous occuper de l’économie ». Vous voyez pourquoi, à chaque fois, qu’il y a une rencontre comme cela à l’extérieur, nous devons questionner l’histoire.
Qu’est-ce que les autres rencontres déjà organisées à l’extérieur du pays ont déjà rapporté ?
Ce que nous remettons en question, ce n’est pas seulement le fait que nous nous réunions à l’extérieur : Se réunir avec qui, pour quoi faire ? C’est la raison pour laquelle en tant qu’acteur politique, on doit marcher avec l’histoire de son pays. N’utilisons pas nos populations comme des marchepieds, faire cela, c’est tomber dans la perversion narcissique. Nous avons besoin d’un leadership politique qui a de la voyance et qui évite les pièges qui peuvent demain quand il est tombé dedans, de se retourner contre lui.

Sur les forces du statu quo

Revenons aux élections de 2011. Quand les résultats sont proclamés, qui sera parmi ceux qui vont dire, « malgré les fraudes qu’il y a eu, cela n’empiète pas sur les résultats finaux ? Didier Reynders, à que les participants du Conclave ont remis leurs conclusions. Où est-ce que Kabila a été accueilli quand il a prononcé son discours vantant l’œuvre de Leopold II ? Au parlement belge.
Ce que nous pensons être l’opposition congolaise, ce que nous pensons être la majorité congolaise sont en fait deux forces du statu quo. Des forces qui ont les mêmes parrains et qui ne questionnent même plus notre histoire avec ces parrains. Où est-ce que Kabila a été présenté comme étant la chance du Congo ? En Belgique. Et au même moment où se tenait ce conclave, la ministre rwandaise des affaires étrangères était aussi à Bruxelles.

Sur les élites politiques, intellectuelles, économique et sociales congolaises

Tshisekedi qui avait gagné les élections en 2011 avait été jugé incontrôlable par les occidentaux. Comment Tshisekedi va nous faire croire que les occidentaux, 5 ans après, ont oublié ce qu’ils ont fait en 2011. On dirait que nous oublions que ces gens travaillent sur le long terme. Nous sommes en train de passer de la trahison des élites politiques, intellectuelles, économique et sociales à ce qu’on a appelé à Kinshasa, « chance eloko pamba ». Nos élites ne lisent plus et ne se forment plus. Ce que nous sommes en train de récolter comme résultat, c’est ce qui se passe actuellement. Si nos élites politiques, intellectuelles, économique et sociales lisaient, ils pourraient se référer, ne fut-ce qu’au livre de Charles Onana, « Europe, crimes et censure au Congo : Les documents qui accusent ».
Le problème que nous avons, c’est celui de la guerre entre, d’une part, les anglo-saxons et leurs alliés, et d’autre part, les congolais. Aujourdhui, de la part des anglo-saxons, il y a comme une stratégie de retournement. Ils retournent les africains contre eux-mêmes et eux se mettent en retrait comme s’ils étaient des conseillers.
Notre responsabilité est soulignée en disant que nos élites politiques, intellectuelles, économique et sociales ne se forment plus. Ceux ou celles qui sont à la tête des formations politiques ne semblent pas avoir une expertise à la hauteur des enjeux géopolitiques et géostratégiques d’un pays comme le Congo. Je n’ai pas entendu parler, pas une seule fois, dans ce conclave, des terres congolaises spoliées, de nos populations chassées de leurs terres… On se rencontre à la va-vite pour parler de constitution et des élections.
Par leur manière de faire, ils ont affirmé que le Congo n’est pas devenu indépendant en 1960. Nos élites politiques sont des esclaves volontaires qui ont encore besoin de pères qui puissent nous paterner pendant que nous essayons de grandir politiquement et intellectuellement.

Sur la question de la bourgeoisie nationale congolaise

La question du financement de Genval pose la question fondamentale de la bourgeoisie nationale. Pendant plus de 50 ans, nous n’avons pas encore réussi à avoir une bourgeoisie nationale digne de ce nom, qui pourrait faciliter l’organisation de rencontres comme celle de Genval. Ne serait-il pas temps que ceux qui pourront prendre le pouvoir demain y pensent ? Comment créer une bourgeoisie nationale congolaise ?
Ce qui a aidé les iraniens à être fiers, malgré tout ce qu’ils ont connu, c’est entre le fait, qu’ils aient eu une bourgeoisie nationale.

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