Par Jean-Pierre Mbelu
« Il y a des livres qui soignent notre amnésie.Ils nous rendent mnésiques. Fondés sur les faits et/ou sur la promotion des valeurs humanistes. » – Babanya Kabudi
Mise en route
Lire et toujours lire, cela est important avant que l’autodafé devienne la chose la mieux partagée au coeur de l’Afrique. Les jeunes kongolais ont intérêt à comprendre que sans le livre, ils risquent de sombrer de l’ivresse d’une ignorance abrutissante, avilissante et assujettissante Les questions que pose le dernier livre de Charles Onana renvoient à plusieurs autres documentant la guerre raciste de prédation et de basse intensité orchestrée contre le Kongo-Kinshasa et oubliée par une certaine jeunesse kongolaise.
Un livre révélateur
« Holocauste au Congo. L’Omerta de la communauté internationale. La France complice ? » (2023) devrait être classifié parmi « les livres révélateurs ». Ce livre révèle l’ignorance crasse des « intellectuels kongolais de la dernière heure ». Ces compatriotes qui, malgré leurs diplômes universitaires, ne se sont jamais donné la peine de chercher à connaître en profondeur, les enjeux et les causes de la guerre raciste de prédation et de basse intensité orchestrée contre le Kongo-Kinshasa. La campagne publicitaire faite autour de ce livre à Kinshasa a permis, à certains compatriotes, de commencer à vouloir s’instruire sur cette guerre. Dieu merci. Mieux vaut tard que jamais, dit-on. Bravo à ces compatriotes ayant compris que ce livre devrait, contre vents et marées, être lu et débattu au Kongo-Kinshasa par les Kongolais(es). (Le débat devrait se poursuivre.)
La campagne publicitaire faite autour du livre « Holocauste au Congo » à Kinshasa a permis, à certains compatriotes, de commencer à vouloir s’instruire sur cette guerre. Dieu merci. Mieux vaut tard que jamais, dit-on.
Découvrir le contenu de ce livre et découvrir Charles Onana, pour la première fois, cela a conduit certains « jeunes intellectuels kongolais », proches du FPR/APR, à faire un faux procès à ce digne fils du Cameroun/France en le qualifiant de « frustré payé par les FDLR et les négationnistes du génocide rwandais ». Ces « jeunes intellectuels » ne savent pas que Charles Onana a déjà gagné des procès contre Kagame. Ils devraient l’apprendre. Aussi, « Holocauste » n’est-il pas le premier livre de Charles Onana sur la question de la guerre de prédation et de basse intensité imposée au Kongo-Kinshasa. Charles Onana a déjà écrit, entre autres : « Ces tueurs Tutsi au coeur de la tragédie congolaise » (2009) et « Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent » (2012).
Un débat organisé autour de la publication de « Ces tueurs Tutsi » à Bruxelles en 2010 a connu la participation de Cynthia McKinney, ancienne congressiste américaine et envoyée spéciale de Bill Clinton en Afrique. (J’ai modéré ce débat et j’ai entendu le témoignage de Cynthia sur un certain « Joseph Kabila »). C’est Cynthia McKinney qui a préfacé ce livre. « Les intellectuels kongolais de la dernière heure » n’ayant pas lu la préface de Cynthia ne peuvent rien comprendre à la suite de la recherche de Charles Onana sur le Kongo-Kinshasa et les Grands-Lacs Africains.
La suite, c’est « Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent » en 2012.
A la présentation de ce livre à Bruxelles, la salle était pleine comme un oeuf. (Encore une fois, je suis le modérateur.) Au cours de cette présentation, certains éléments présents dans « Holocauste » sont déjà évoqués. A partir de ce moment, on sent que Charles Onana a une obsession : vérifier ce qu’il pense en fouinant dans les documents archivés. Et c’est cela qui fait sa force et le succès de ‘ »Holocauste ». Il analyse les documents archivés. Est-ce possible de le lire et de le comprendre lorsqu’on n’a jamais travaillé sur les archives. Non. Et c’est clair.
Duboiris, Crimes organisés et les autres livres
Charles Onana est lié à une maison d’édition, « Duboiris ». En 2004, Honoré Ngbanda publie, à cette maison d’édition, un livre intitulé « Crimes organisés en Afrique centrale. Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux ». Beaucoup de compatriotes boudent ce livre. Plusieurs refusent de le lire. Ils refusent d’être curieux et critiques. Voilà que certains parmi eux, après 19 ans, donnent l’impression d’apprendre, à partir du livre de Charles Onana, que le Rwanda a des parrains. C’est fou.
Tout en félicitation le travail intellectuel bien sourcé de Charles Onana et sa grande ouverture d’esprit, je suis d’avis que plusieurs compatriotes ont cultivé une haine intellectuelle des leurs qui essaient, depuis plus de deux décennies, d’écrire et de se documenter sur la guerre raciste de prédation et de basse intensité dont souffre le pays.
En fait, il est curieux que certains « défenseurs des droits de l’homme » au Kongo-Kinshasa ne puissent connaître les parrains et les soutiens de Paul Kagame qu’en lisant le dernier livre de Charles Onana, « Holocauste » ». Je suis convaincu qu’intellectuellement, nous avons du souci à nous faire. Une petite consolation : les minorités éveillées connaissent depuis longtemps les coulissent de la guerre raciste de prédation et de basse intensité contre le Kongo-Kinshasa.
Donc, à mon avis, tout en félicitation le travail intellectuel bien sourcé de Charles Onana et sa grande ouverture d’esprit, je suis d’avis que plusieurs compatriotes ont cultivé une haine intellectuelle des leurs qui essaient, depuis plus de deux décennies, d’écrire et de se documenter sur la guerre raciste de prédation et de basse intensité dont souffre le pays.
Je prends quelques deux exemples. Jean-Pierre Badidike et ses amis du Groupe Justice et Libération de Kisangani, en bons témoins du terrain où se déroule la guerre contre le Kongo-Kinshasa, publient, en 2009, un livre intitulé « Guerre et droits de l’homme en République Démocratique du Congo. Regards du Groupe Justice et Libération ». Ce livre décrit, en détails, les faits orchestrés par les seigneurs de la guerre au service du Rwanda et de l’Ouganda. Je parle des faits et non des allégations. Et je crois que le côté très positif de ce livre est que ses auteurs croient que les droits de l’homme doivent être défendus à tout prix. Face à « l’Omerta de la communauté internationale », les auteurs de ce livre ont fini par chercher à savoir si les auteurs du « génocide silencieux » n’étaient pas que des acteurs apparents de cette tragédie. Et que les véritables acteurs majeurs étaient tapis dans l’ombre. (Un jour Badidike, l’un des auteurs ce livre, m’expliquera cette double notion d’acteurs apparents et d’acteurs majeurs en me conduisant à l’aéroport de Charleroi en Belgique. Ces explications étaient tellement claires que j’avais fini par mieux voir les choses.)
En fait, « le génocide silencieux » dont le Kongo-Kinshasa est victime est révélateur de l’instrumentalisation des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la démocratie. (Plusieurs politicards kongolais et plusieurs ONG de « droits de l’homme » kongolaises n’ont pas encore compris cela.) Au nom de ces valeurs instrumentalisées, les acteurs majeurs intervenant dans cette guerre utilisent les acteurs apparents pour tuer la matière grise kongolaise, faire main basse sur les matières premières stratégiques du Kongo, s’emparer de ses terres, désacraliser sa culture et le dépeupler.
Conclusion : Lutter contre la culture hédoniste sans isoler Charles Onana
Tout ceci fonctionne sur fond du triomphe provisoire de la culture hégémonique hédoniste ayant porté l’argent comme valeur marchande au sommet de la hiérarchie de toutes les valeurs et cultivant les passions tristes de la haine (de soi et du nous collectif), de la violence ( et de son nihilisme machettiste) et de la méchanceté afin d’entretenir « la guerre de tous contre tous » nécessaire à l’implosion et à la balkanisation du pays.
La haine de l’intelligence kongolaise entretenue par les hédonistes et consuméristes kongolais se servant des affaires pour vouer un culte éhonté à Mammon est une épée de Damoclès sur la tête de la jeunesse kongolaise.
C’est de cela qu’il est question dans un livre collectif co-écrit par les Kongolais et auquel les critiques acerbes de Charles Onana ne font pas allusion. Oui, les éminences grises kongolaises savent ce qui se passe dans leur pays et ont écrit : « La République Démocratique du Congo face au complot de balkanisation et d’implosion » en 2013.
Ce qu’elles ont mis dans ce livre a beaucoup des accointances avec ce que écrivait en 2010 dans « Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique« .
Isoler Charles Onana de tout ce travail de l’intelligence pour le présenter comme « un frustré » n’ayant aucune connaissance de l’histoire du Kongo-Kinshasa et des Grands-Lacs Africains, c’est perdre de vue qu’il fait partie de la crème intellectuelle kongolaise, africaine et mondiale ayant décidé de se documenter sur « le génocide silencieux » des Kongolais(es). La haine de l’intelligence kongolaise entretenue par les hédonistes et consuméristes kongolais se servant des affaires pour vouer un culte éhonté à Mammon est une épée de Damoclès sur la tête de la jeunesse kongolaise. Il est temps qu’elle se rende compte qu’elle peut compter sur les éminences grises de son pays, de l’Afrique et du monde ayant opté par les valeurs maatiques de la vérité, de la justice et de la solidarité.
Babanya Kabudi