Par Amba Wetshi.
Tout le monde regarde. Et laisse faire. Ne pas avoir «le sang arabe» est une métaphore qui veut dire simplement que les Congolais manquent du courage pour affronter les sicaires du pouvoir en place et «dégager» leur tyran. Ils n’osent pas croiser le fer alors que leurs conditions sociales sont pires que celles que vivaient les Tunisiens et les Egyptiens.
A l’issue d’une réunion restreinte organisée par des diplomates occidentaux en poste à Kinshasa, l’un d’eux a prononcé une phrase lourde de sens : «Les Congolais n’ont pas le sang arabe…».
Et pour cause ?Le 20 mars dernier, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme (BCNDH) a publié un rapport « tardif » mais accablant sur des graves violations massives des droits et libertés imputables aux forces dites de défense et de sécurité avant, pendant et après les élections du 28 novembre 2011 soit entre le 26 novembre et le 25 décembre. La Garde présidentielle, la Demiap, l’Agence nationale de renseignements (ANR) et les unités spéciales de la police nationale ont été épinglées. Il s’agit des organismes relevant directement de «Joseph Kabila».
Le rapport fait état d’une centaine de blessés et de trente-trois personnes tuées dont vingt-deux par balles. Il fait également état de deux cent soixante-cinq cas d’arrestations et de détentions arbitraires dont les victimes seraient des militants de l’opposition. Il est enfin question d’une vingtaine de personnes «portées disparues».Au lieu d’exiger des «comptes» au régime tyrannique et fasciste de «Joseph Kabila», les Congolais se sont attardés sur l’accessoire. A savoir, le «délai de publication» de ce document. C’est à dire trois mois après les élections. Une attitude qui rappelle celle de cet homme – l’idiot – qui regardait le doigt du Sage alors que celui-ci lui montrait la lune. Inutile de dire que le corps diplomatique accrédité au Congo redoutait que ce rapport provoque une agitation dans les milieux proches de l’opposition. A la surprise générale, rien ne s’est passé.
Le jeudi 29 mars dernier, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE) conduite par l’eurodéputé Mariya Nedelcheva a publié les conclusions de son rapport sur l’élection présidentielle et les législatives. La sentence est sans appel : «La mission considère que les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées lors du processus électoral sur ces scrutins remportés par le chef de l’Etat sortant Joseph Kabila et l’alliance de partis qui l’ont soutenu.». Les «analystes congolais» ont préféré mettre l’accent sur le caractère «tardif» du document au lieu d’en tirer des enseignements. Un de ces enseignements est clair : le Congo-Kinshasa est dirigé par un «Président tricheur». Un usurpateur.En réalité, ces deux rapports successifs rédigés par des organisations internationales devaient être interprétés comme un message subliminal de «responsabilisation» que l’on pourrait décrypter comme suit : «Les faits sont là ! Prenez vos responsables. Il vous incombe à façonner votre destin. La balle se trouve dans votre camp». Une fois de plus, rien ne s’est passé.
Les Congolais – grands ou petits – continuent à vaquer à leurs occupations avec cette indolence devenue légendaire. Ils continuent à manger et à boire. Ils continuent à commenter l’actualité politique dans les « Matanga ». D’où cette réflexion interpellante de ce diplomate occidental. Que voit-on? En Tunisie et en Egypte, les peuples de ces deux pays, soucieux de plus de justice, de liberté et de dignité, sont descendus dans la rue pour faire « dégager » deux dictateurs redoutés et redoutables (Ben Ali et Hosni Moubarak). Ils n’ont pas attendu l’aide de la « communauté internationale ». En Libye, bien que bénéficiant de la «couverture aérienne» des forces de l’OTAN, ce sont les Libyens qui ont combattu le pouvoir en place sur le terrain. Arme à la main.
Plusieurs événements récents survenus au Congo-Kinshasa donnent des Congolais l’image d’un peuple peureux. Peu tenace. Un peuple sans mémoire et dénué de toute capacité d’indignation. Un peuple incapable de faire le départ entre le bien et le mal, le juste et l’injuste, l’acceptable et l’inacceptable, la vérité et le mensonge. Des faits?L’assassinat de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana en juin 2010 au siège de la police nationale avait suscité plusieurs «marches de protestation». «Kabila assassin au Congo», criaient la population kinoise lors des obsèques de Chebeya. Deux années après, la mémoire collective semble avoir effacé ces deux crimes d’Etat dont on en parle aujourd’hui sur un ton anecdotique. On pourrait dire autant du «suicide» d’Armand Tungulu Mudiandambu le 2 octobre 2010 dans un cachot de la garde présidentielle de «Joseph Kabila» au Camp Tshatshi.
Le 26 novembre dernier, une vingtaine de militants de l’opposition pro-Tshisekedi ont été abattus comme des «lapins» par cette même garde présidentielle. Sous d’autres cieux, les parents des victimes se seraient constitués parties civiles en saisissant les juridictions internationales. Au Congo, c’est le silence plat.
Ce même 26 novembre, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, leader du plus grand parti de l’opposition et candidat à l’élection présidentielle a été bloqué à l’aéroport de Ndjili pendant huit heures. Rien ne s’est passé. Depuis trois mois, le président de l’UDPS se trouve en résidence surveillée de facto. Tout le monde regarde. Et laisse faire. Ne pas avoir «le sang arabe» est une métaphore qui veut dire simplement que les Congolais manquent du courage pour affronter les sicaires du pouvoir en place et «dégager» leur tyran. Ils n’osent pas croiser le fer alors que leurs conditions sociales sont pires que celles que vivaient les Tunisiens et les Egyptiens. Il en est de même des Libyens.
En un mot comme en cent, ce diplomate occidental a voulu dire que les ex-Zaïrois sont tétanisés par la peur pendant que l’avenir de leur Nation est en péril. Malheur donc à ceux qui espèrent une intervention de la « communauté internationale »…
Par Amba Wetshi.