Par Jean-Pierre Mbelu.
Au cours des mois de février, mars et avril, nous avons eu la chance d’animer des conférences et de participer aux débats avec quelques partis politiques et organisations de la société civile Congolaise dans certaines villes européennes. Nous sommes allé de Rotterdam et de Genève à Rome en passant par Bruxelles. L’impression générale est que les minorités congolaises organisées et agissantes existent. Elles portent le souci de travailler en synergie pour un autre Congo.
Cette tournée commencée au mois de février 2012, nous a permis de partager certaines préoccupations de nos compatriotes de la diaspora et de nos amis-alliés. A travers plusieurs de nos échanges, quelques constats se sont dégagés : le sentiment de colère partagé contre le hold-up électoral de novembre et décembre 2011 ; le souci de procéder à une autocritique sans complaisance au sein des forces acquises au changement ; le souhait de redynamiser nos différentes organisations et partis politiques travaillant à l’avènement d’un autre Congo ; la volonté de fédérer toutes les forces Congolaises acquises au changement et de mobiliser les moyens nécessaires à l’émancipation de notre pays de la tutelle où le maintiennent « les forces négatives » avec la complicité de certains d’entre nous, de nos élites compradores, servantes de Mammon. Certains de nos compatriotes, en effet, ne se contentent plus d’accuser l’autre, de trouver facilement un bouc émissaire. Ils vous disent aussi que « l’ennemi du Congo, c’est le Congolais lui-même ». (Tshishi tshidiadia lukunde, ntshidi munda mua lukunde, disent-ils.)
Les minorités agissantes et organisées que nous avons rencontrées nous ont laissé une impression positive d’être suffisamment avancées sur les analyses politiques, géopolitiques et géostratégiques de notre pays. A notre grande satisfaction, nous nous sommes rendu compte que plusieurs de nos compatriotes (adultes et jeunes) prennent le temps de lire plusieurs livres publiés sur la marche de notre pays. Ils ont réussi à bien identifier les acteurs majeurs et les acteurs apparents de notre commune tragédie. Le partage des expériences avec certains compatriotes récemment venus et/ou revenus du pays a aidé plusieurs compatriotes de ces villes où les rencontres ont été organisées à confirmer et/ou à revisiter leurs convictions sur le destin du Congo de Kimbangu et de Lumumba.
A presque toutes les étapes de notre tournée (financée en grande partie par le Groupe Epiphanie), nous avons rencontré des compatriotes organisés en associations ou comme membres des partis politiques et soucieux de travailler ensemble.
Répétons-le : il y a un appel permanent à mener un travail en synergie pour l’avènement d’un autre Congo. Mais aussi celui de créer des lieux de réflexion, de planification, de programmation et d’évaluation des actions menées en commun pour une re-création collective de notre commune destinée. Les organisations et associations de la société civile Congolaise réunies en marge de la 19ème session ordinaire du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU au Palais des Nations et à la Maison des Associations du 15 au 16 avril 2012 ont, par exemple, décidé de créer une Centrale de réflexion, de planification et d’actions qui prend en compte toutes les initiatives et contributions antérieures, pour concrétiser les propositions qu’elles ont émises au bout de deux jours de réflexion. En sus, elles ont ajouté une dimension africaine à leur lutte en appelant à la création d’un Observatoire de la société civile africaine pour la paix, le développement et la démocratie en Afrique, eu égard aux faiblesses actuelles de l’Union Africaine.
A plusieurs reprises, nous avons débattu sur la nécessite de mobiliser les différents moyens indispensables à notre lutte. A plusieurs reprises, la question des moyens matériels a été posée et approfondie. A Rome (le 22 avril 2012), une critique des moyens spirituels de notre commune lutte a été formulée. (Dans un pays où les chrétiens (meurent de faim), c’est-à-dire les disciples de Jésus qui, après avoir dispensé ses enseignements aux foules, entend ses disciples lui dire : « Il se fait tard, l’endroit est désert, renvois-les. Qu’ils aillent chercher à manger dans les villages environnants », leur répond : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. (cfr Mc 6, 30-44) A Rome, donc, une remise en question de la pastorale chrétienne dans un pays immensément riche et où les populations sont affreusement pauvres a été faite.)
A Rome, un professeur Ivoirien Boga Sako (auteur de La guerre d’Abidjan n’aurait dû jamais avoir lieu) étudiant la tragédie Ivoirienne (ayant précédé et suivi les élections dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest)en la comparant à la nôtre a aussi indiqué la dimension africaine de notre lutte commune. En effet, il s’est rendu compte comme certains d’entre nous que les acteurs majeurs de notre commune tragédie agissent, comme des loups, en masse. Renverser les rapports de force dans la guerre perpétuelle qu’ils nous livrent ne peut faire l’économie du panafricanisme des peuples Africains.
A Bruxelles, lors de la Conférence de presse du 12 avril 2012, en dehors de l’appel aux médias alternatifs, l’un des journalistes avait posé cette question : « Et maintenant » ?
Cette question qu’il posait au représentant de l’UDPS nous a semblé être au cœur des préoccupations des compatriotes rencontrés. Certains ont formulés le souhait de rompre avec un discours qui départagerait le Congo (RD) en deux parties. D’un côté les spectateurs et critiques acerbes de toutes les actions entreprises. Et de l’autres, des acteurs qui, quand leurs actions ne sont pas à la hauteur des attentes des spectateurs et critiques acerbes, sont facilement qualifiés de « zoba » et/ou des BMW.
Rompre avec ce discours exigerait que chacun de nous, que chacune de nous, dans une bonne division du travail, là où il est, là où elle est, se pose la question de savoir ce qu’il ou elle apporte concrètement à l’édification de notre pays. Que ceux et celles qui, par leur capacité d’éveil et d’action, ont dépassé le niveau des BMW aident ceux qu’ils considèrent comme incapables de sortir de ce système de leur avilissement à devenir des acteurs à part entière de notre lutte commune. Il y va de leur responsabilité civique et patriotique. Nos lieux de rencontre et de lutte devraient aussi devenir des lieux d’éducation civique et patriotique. Cet appel rappelle que le discours dénigrant et méprisant l’autre précède souvent son meurtre physique ou symbolique dans la mesure où il est déshumanisant.
Disons que notre tournée nous a permis de nous rendre à l’évidence qu’il y a des Congolais(es) organisé(es) dans plusieurs villes occidentales. Néanmoins, il arrive que plusieurs d’entre nous ne soient pas informés sur ces organisations. Et il arrive que ce manque d’informations conduise aux affirmations du genre : « Nous, Congolais(es), nous ne sommes pas organisé(es). » Cela étant, la question de l’efficacité et de la performance de toutes ces organisations reste posée vu la misère anthropologique profonde où git notre pays.
Il nous semble que le degré d’efficacité et de performance de nos différentes organisations se mesurera à l’aune des actions à impact visible déjà menées ou que nous aurons menées là où nous vivons et chez nous. Si la nécessité de coordonner ce que nous faisons s’impose, celle de programmation, de planification et d’évaluation de la marche de chacune de nos associations et organisations demeure pour nous une condition sine qua non pour une éventuelle émancipation de notre pays du joug de l’occupation multiforme où il gît.
A défaut d’avoir une structure faîtière coiffant toutes nos organisations et associations, avoir des hommes et femmes pouvant servir de médiateurs entre elles contribuerait à la re-création en commun de notre destin collectif. L’union faisant la force dans un monde où les grands ensembles tendent à avaler les petits, plus nous seront unis, plus nous deviendrons efficaces ; dans une durée que nous aurons à inventer au quotidien. Dieu merci ! Un médiateur est déjà là : Cheik Fita nous appelle à nous identifier pour mieux nous connaître et travailler ensemble.
Visitons son blog et parlons-en autour de nous.
J.-P. Mbelu