Par Jean-Pierre Mbelu
Les compatriotes ayant choisi de s’engager dans la politique active pour servir le Congo-Kinshasa, leur pays, devraient être attentifs à ce qui se passe dans certains pays du monde. Surtout dans ces pays européens asphyxiés par la politique d’austérité imposée par la Troïka. Ils peuvent apprendre des autres. A voir la pratique politique d’Alexis Tsipras de plus près, les Congolais(es) peuvent être fiers d’avoir eu Lumumba comme Premier ministre. Patrice-Emery Lumumba avait compris, un peu plus tôt, l’importance des solutions alternatives. Alexis Tsipras lui emboîte le pas en allant en Russie à ‘’un mauvais moment’’. Il pose un acte courageux plein de lucidité.
Le Premier ministre grec est en Russie depuis le 08 mars 2015. Son pays, asphyxié par les programmes d’ajustement structurels imposés par la Troïka (Banque Centrale Européenne, FMI et Commission Européenne), a besoin de sortir du gouffre sans fond où il se retrouve.
A quoi servent ces programmes d’ajustements structurels, ces mesures d’austérité ? A empêcher le Premier ministre grec de mettre en pratique son programme de gouvernement tel qu’il l’a présenté à ses concitoyens au cours de sa campagne électorale. Pourquoi ? Pour éviter que la mise en pratique de ce programme ne crée un effet de dominos ; que d’autres pays européens se retrouvant dans les mêmes conditions ne puissent imiter ‘’ce mauvais exemple’’. C’est-à-dire l’exemple d’un pays où l’humain serait une préoccupation majeure pour les gouvernants. L’ultralibéralisme rampant tient à la propagation de ‘’la culture du déchet’’. Il veut que le commun des mortels rampant à quatre pattes et crève et soit jeté dans la poubelle de l’histoire ; que le 1% d’oligarques d’argent continue à s’en mettre plein les poches. En Europe, il tient à assassiner la Grèce et plusieurs autres pays convertis en larbins de la Troïka.
La population grecque était « affamée » par les politiques « d’austérité »
Alexis Tsipras et son parti (Syriza) résistent. Mais pour combien de temps ? Et comment en est-on arrivé là ? Que s’est-il passé en Grèce, avant que le parti de Tsipras ne gagne les élections ? James Petras, conseiller du Premier ministre grec Andrea Papandréou (1981-1984) analyse froidement la situation historico-politique de son pays et soutient que « prisonnière de l’UE politiquement et économiquement, la Grèce était impuissante au plan politique. Mis à part les syndicats qui ont lancé trente grèves générales entre 2009 et 2014, les deux principaux partis, Pasok et Nouvelle Démocratie, ont amené la prise de contrôle par l’UE. La dégénérescence du Pasok en un appendice de l’UE constitué d’oligarques et de vassaux collaborateurs a vidé de son sens la rhétorique ‘socialiste’. Le parti de droite Nouvelle Démocratie a renforcé et rendu plus profonde encore la mainmise de l’UE sur l’économie grecque.
La Troïka a prêté à son vassal grec des fonds « de sauvetage » qui furent utilisés pour rembourser les oligarques financiers allemands, français et anglais et renforcer les banques privées grecques. La population grecque était affamée » par les politiques « d’austérité » destinées à maintenir le flot des remboursements sortant vers le haut.[1]»
Quelle a été la signification de ce sauvetage ? « Le « sauvetage » de la Grèce tant vanté par l’UE, écrit James Petras, était en fait le prétexte pour imposer de profonds changements structurels. Ceux-ci incluaient la dénationalisation et la privatisation de tous les secteurs économiques stratégiques, les remboursements de dettes perpétuels, les diktats étrangers sur les politiques de revenus et d’investissements. La Grèce a cessé d’être un État indépendant : elle a été totalement et absolument colonisée. [2]»
Pourquoi la Grèce n’a-t-elle pas pu être sauvée après l’imposition de la politique d’austérité ? La réponse à cette question est simple. La politique d’austérité ne visait pas le salut de la Grèce. Non. Elle cherchait à l’appauvrir pour enrichir les oligarques d’argent. En effet, « l’austérité » était une politique de classe instaurée par Bruxelles pour enrichir les banquiers étrangers et piller le secteur public grec.
Pourquoi la Grèce n’a-t-elle pas pu être sauvée après l’imposition de la politique d’austérité ? La réponse à cette question est simple. La politique d’austérité ne visait pas le salut de la Grèce. Non. Elle cherchait à l’appauvrir pour enrichir les oligarques d’argent. En effet, « l’austérité » était une politique de classe instaurée par Bruxelles pour enrichir les banquiers étrangers et piller le secteur public grec. La clé du pillage par l’UE a été la perte de la souveraineté grecque. Les deux partis majoritaires, Nouvelle Démocratie et le Pasok, en étaient des complices actifs. Malgré un taux de chômage de 55 % chez les 16-30 ans, la coupure de l’électricité de 300 000 foyers et un exode de masse (plus de 175 000), l’UE (comme on pouvait le prévoir) a refusé d’admettre que le plan d’« austérité » avait échoué à redresser l’économie grecque. La raison pour laquelle l’UE s’obstinait dans cette « politique ayant échoué » résidait dans le fait qu’elle bénéficiait du pouvoir, des privilèges et des profits du pillage et de sa suprématie impériale. [3]»
Tiens ! L’UE n’est-elle pas une ‘’union de vielles démocraties’’ ? La lecture de certains documents et livres remettent de plus en plus en question cette approche de l’Europe.
Christophe Deloire et Christophe Dubois ont découvert que ‘’derrière le rideau des apparences’’, ‘’une superclasse’’ aux innombrables réseaux souterrains à Bruxelles neutralise le suffrage universel et oriente les décisions publiques sans qu’elle fasse la reddition des comptes devant les peuples d’Europe[4].
Alexis Tsipras et la recherche de solutions alternatives
Aux yeux d’Annie Lacroix-Riz, à ses origines, l’Europe serait mal partie en se mettant sous le joug allemand et américain[5].
Revenons à Alexis Tsipras. Aurait-il finalement, à partir de la politique d’austérité imposée au peuple grec, redécouvert cette autre face de l’Europe au point de penser aux solutions alternatives en organisant un voyage en Russie au moment où ce pays est ‘’en guerre avec l’Occident’’ ?
A en croire Jacques Sapir, « l’enjeu de ce voyage est sans doute (…) plus grand. Il est clair que le conflit entre la Zone Euro et la Grèce est inévitable, et que ce conflit peut provoquer une sortie de l’Euro de la part de la Grèce. Si elle doit se résoudre à cette mesure, une mesure qui aura des répercussions considérables sur l’Euro et sur l’Union Européenne, il faudra que la Grèce stabilise la « Nouvelle Drachme. [6]» Elle a donc besoin d’autres partenaires géostratégiques et géoéconomiques.
Dans ce contexte, « le voyage à Moscou d’Alexis Tsipras, mais aussi les relations étroites que son gouvernement est en train d’établir avec la Chine et plus généralement avec les pays des BRICS, représente potentiellement un moment historique. Celui du reflux des institutions européennes de l’UE au profit d’une avancée, certes timide, certes prudente, mais néanmoins réelle des puissances émergentes, comme la Russie et la Chine, dans le jeu européen. C’est pour cela qu’il y a bien plus dans ce voyage que ce que l’œil d’un observateur peut voir. [7]»
En son temps, Lumumba avait essayé une solution alternative pour sortir son pays du pétrin. Lui a été assassiné… Depuis l’assassinat de Lumumba, plusieurs de ses compatriotes ont peur de laisser tomber la cravate pour faire comme Alexis Tsipras. Ils ont peur d’être assassinés… Alexis Tsipras est prêt à mourir pour une noble cause : le service de son pays. Oui. C’est vrai. Alexis Tsipras n’est pas Congolais. Il est Grec. Il est le Lumumba grec.
Alexis Tsipras semble avoir compris que la diversification du partenariat, la recherche des solutions alternatives, tout cela peut être salutaire pour son pays. Il a fait tomber la cravate et joue dans la cour des grands. Sans peur.
En son temps, Lumumba avait essayé une solution alternative pour sortir son pays du pétrin. Lui a été assassiné. Certains de ses compatriotes estiment encore aujourd’hui qu’il avait fait montre d’immaturité politique pendant la guerre froide. Il ne devait pas aller chez ‘’les communistes’’.
Depuis l’assassinat de Lumumba, plusieurs de ses compatriotes ont peur de laisser tomber la cravate pour faire comme Alexis Tsipras. Ils ont peur d’être assassinés.
Alexis Tsipras est prêt à mourir pour une noble cause : le service de son pays.
Oui. C’est vrai. Alexis Tsipras n’est pas Congolais. Il est Grec. Il est le Lumumba grec. Un Grec ayant décidé de lutter contre la vassalité et le servilisme. Jusqu’où ira-t-il ? L’avenir nous le dira.