Par Jean-Pierre Mbelu
Avant hier, « un mercenaire néocolonial » a mis de côté, en assumant son rôle au Congo-Kinshasa, 4 milliards de dollars au pays de Jean Ziegler. Ses compatriotes ont fait du bruit. Ils n’ont pas récupéré cet argent. Hier, « un cheval de Troie » de Paul Kagame est accusé d’avoir caché 15 milliards dans les Iles Vierges Britanniques. Le pays où l’identité et le patelin lui ont été préparés selon les règles de l’art a crié. Aucune enquête congolaise n’a été initiée sur cet argent en bonne et due forme.
Qui en parle encore ? Presque plus personne. Des voix s’élèvent de plus en plus pour affirmer que malgré ses crimes il est, « le Père de la démocratie » et « le plus grand prêtre » ,que le Congo-Kinshasa n’ait connu.
Aujourd’hui, d’autres « mercenaires néocoloniaux » semblent poursuivre la même œuvre kleptocratique. Des compatriotes, à raison, crient et dénoncent. Habitués à ces cris sans lendemain, « ces mercenaires néocoloniaux » s’en moquent. Ils savent qu’en 2023, l’amnésie aura fait son travail. Et parmi les compatriotes les accusant aujourd’hui, plusieurs se lèveront pour dire que « la politique est dynamique » ; qu’ils ont été, malgré leur enrichissement sans cause, « les meilleurs d’entre nous ». Où se trouve le problème ? Où l’un des problèmes ?
La néocolonie congolaise et l’approche biaisée de la politique
En une « néocolonie » congolaise gagnée par le fondamentalisme du marché mondialiste, la séparation des sphères de la vie ou leur rationalisation l’a emportée sur leur interconnexion dans la vie réelle. L’économique et ses usurpateurs dominent le politique -le vivre ensemble- et la politique. L’éthique et la morale sont coupées de la politique et du social. Le culturel et le spirituel sont coupés de la vie réelle, etc. Cette rationalisation du monde de la vie – dont Max Weber est l’inspirateur- est gobée par les masses populaires et une bonne partie d’ intellectuels de « la cour des grands ». Il n’est pas rare de suivre des émissions télévisées congolaises au cours desquelles « des politicards » affirment que la politique n’a rien à voir avec la morale. Et qu’en politique, « tous les coups sont permis ». L’enrichissement sans cause y compris.
En une « néocolonie » congolaise gagnée par le fondamentalisme du marché mondialiste, la séparation des sphères de la vie ou leur rationalisation l’a emportée sur leur interconnexion dans la vie réelle. L’économique et ses usurpateurs dominent le politique -le vivre ensemble- et la politique. L’éthique et la morale sont coupées de la politique et du social. Le culturel et le spirituel sont coupés de la vie réelle, etc.
Dans ce contexte, il est difficile de faire la différence entre « la politique » entendue péjorativement comme « un ensemble de coups tordus (vols, viols, crimes,etc.) donnés dans le dos des masses populaires » (le Tshididi) et la politique comme « art de gouverner la cité par le débat, la délibération, la participation citoyenne, les décisions collectives et des actions volontaristes faites pour assurer »un vivre ensemble » tant soit peu harmonieux » (la politique au sens noble du mot).
Pour éviter de s’empoigner, disait quelqu’un, il faut commencer par donner leur sens aux mots. Dès que ce point de départ est négligé dans une « néocolonie » où une crise de sens est aiguë, l’unique approche de la politique triomphante est « le Tshididi » et là, « tous les coups sont permis ».
Et les cœurs et les esprits gagnés par cette approche tordue de « la politique » ne seront pas gênée de « manger l’argent volé » au cours de la prochaine campagne électorale. Pour cause. Ils ont ingurgité cette approche biaisée de « la politique » comme étant l’unique et l’indépassable !
Pour une révolution (juridico)culturelle congolaise
D’ailleurs, ils auront à son endroit une position très ambiguë : ils la rejettent à cause de « sa saleté » et « en mangent » quand même « les sous ». Ils n’ont appris que cela comme « définition » de la politique. Ces cœurs et ces esprits ont vu cette « définition » de la politique à l’oeuvre. Qui leur a dit que dans « une néocolonie » phagocytée par l’argent tout le reste des sphères de la vie en pâtissait ? A l’école, à l’université, à l’église, dans les différents bureaux ou dans ce qui en reste, etc. tout est « colonisé » par l’argent. Ces cœurs et ces esprits n’ont peut-être pas appris que le thème de la colonisation du monde de la vie (par la technique et l’argent) est au cœur de « la théorie critique » de certaines écoles politico-philosophiques… Une approche cognitive de la politique dans des collectifs citoyens favorables à l’apprentissage en commun peut faciliter la tâche…
La question des « 4 milliards d’avant-hier », des « 15 milliards d’hier », des « 15 millions d’aujourd’hui » et du suivi de « la vigilance citoyenne » est profondément liée à l’appel lancé par certains compatriotes pour une révolution (juridico)culturelle congolaise. Elle semble être indispensable dans la mesure où elle peut initier un début de lutte contre « le viol de l’imaginaire ». Elle va au-delà des slogans pour « le changement des mentalités ».
Le pays de Lumumba est placé face à une crise de sens impitoyable. Elle décervelle. Elle dit, à sa manière, la crise de la culture dont devrait s’occuper « un Etat reconstructif » demain. Il devra s’occuper, en plus de « la gratuité de l’école », du contenu de ce qui y est enseigné et appris ; et en contrôler l’application dans la vie de tous les jours (par « une police des mœurs »).
La question des « 4 milliards d’avant-hier », des « 15 milliards d’hier », des « 15 millions d’aujourd’hui » et du suivi de « la vigilance citoyenne » est profondément liée à l’appel lancé par certains compatriotes pour une révolution (juridico)culturelle congolaise. Elle semble être indispensable dans la mesure où elle peut initier un début de lutte contre « le viol de l’imaginaire ». Elle va au-delà des slogans pour « le changement des mentalités ». Il s’agit d’un peu plus : de la renaissance de l’homme et de la femme au pays de Lumumba sur une base de valeurs « bomotoïsantes » et/ou « Ubuntuïsantes » ( et du respect du gendarme). Elle assume l’étude de l’interconnexion entre les sphères de la vie, de l’histoire de la domination de certaines d’entre elles sur les autres ainsi que des conséquences mortifères de cela.
Quand, par exemple, des « affairo-apolitistes » au service des usurpateurs mondialistes gèrent le pays de Lumumba en bons sous-fifres, la crise anthropologique et la crise de sens se produisent et se perpétuent. Cela, depuis bientôt plus de sept décennies !
4 milliards, 15 milliards, 15 millions et après ? Quelle est notre capacité de mobilisation citoyenne ?
Comment pouvons-nous nous mobiliser sur le thème de corruption des cœurs et des esprits sur le court, moyen et long terme ? Pourquoi plusieurs parmi nous ont-ils tendance à croire que ce qui a été décrié avant-hier ou hier ne peut pas l’être aujourd’hui du moment que ceux qu’ils estiment être « les leurs » sont aux affaires ? Pourquoi plusieurs d’entre nous ont-ils tendance à oublier les luttes passées quand arrive ce qu’ils nomment « fièrement leur tour » ? Pourquoi nos frères et sœurs ayant perdu leurs vies au cours de ces lutte sont-ils vite oubliés au nom de « nouvelles urgences » ?
La question de notre mobilisation citoyenne sur le temps long est, de près ou de loin, liée à celle de notre approche de la politique comme « devoir », « responsabilité » du citoyen et/ou de la citoyenne. La politique ennoblie nous reconvertirait en luttants acharnés pour que triomphe « un vivre ensemble harmonieux ». Cela est possible au cœur des « mouvements citoyens résistants et patriotes » menés par des « intellectuels organiques et co-structurants » sur fond d’une conscience nationale aiguisée.
La question de notre mobilisation citoyenne sur le temps long est, de près ou de loin, liée à celle de notre approche de la politique comme « devoir », « responsabilité » du citoyen et/ou de la citoyenne.
Des « intellectuels organiques et co-structurants » mobilisant sur le court, moyen et long terme une conscience historique, une conscience critique à l’abri de toute amnésie et une conscience nationale cristallisant les questions essentielles des masses populaires autour d’une idéologie popularisable en vue de l’avènement d’une masse critique infatigable.
Ces « intellectuels organiques » acceptant leur minorisation comme étant le prix à payer pour une politique citoyenne alternative sur le temps long devraient oeuvrer au cœur d’un leadership collectif. Cette politique devrait « co-rompre » les « corrompus » et briser les ressorts de « la néocolonie ».
P.S. J’entends par « idéologie », un ensemble d’idées et de pensées traduites en règles et principes Ubuntuïsants de mobilisation citoyenne et de gouvernement du pays.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961