L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu donne des clés de lecture pour mieux comprendre les enjeux de la coupure et de la remise des services sms et internet mobile au Congo, apporte un éclairage sur la comparaison entre les régimes de Mobutu et celui de la Kabilie et rappelle pourquoi l’enjeu du congo est le changement de système et de paradigme et non le simple départ de celui qui l’anime. Il interpelle enfin les congolais sur la mainmise américaine sur le devenir du pays et incite à une reprise en main de notre initiative historique.
Sur l’interruption et la reprise des services sms et internet mobile au Congo
En coupant le Congo du monde, ce régime a révélé davantage sa nature criminogène.
Ce qui étonne un peu, c’est le renversement des rôles. Ce régime qui tue, pille et esclavagise les congolais estime malheureusement qu’il assure l’ordre au Congo. C’est cette inversion sémantique qui prouve que le régime devrait être mis le plus tôt possible hors d’état d’agir. Dans le cas contraire, il risque d’exterminer les congolais et de les diviser pour mieux régner sur eux.
Couper internet, couper les sms, c’est éviter que les congolais ne puissent être en contact permanent entre eux, pour échanger, pour se mobiliser. Parce que ce régime tient à tenir les congolais en otage, il fait tout pour interrompre les routes et les autoroutes de la communication.
Sur l’utilisation des réseaux sociaux
Au même moment que eux utilisent les médias sociaux, ils ne voudraient pas que les congolais fassent la même chose. Pourquoi ? Parce que, eux, voudraient améliorer leur image à l’extérieur du pays, auprès des congolais à l’extérieur et auprès de leurs parrains, et éviter que les compatriotes utilisaient les mêmes réseaux sociaux, à partir du Congo, ne puissent s’exprimer, donner leur avis, remettent en question le régime auquel ces messieurs participent.
Les régimes criminels recourent aux éléments de langage pour avoir un discours uniformisé, parce qu’ils voudraient fabriquer le consentement.
Sur les comparaisons entre la kabilie et le régime mobutiste
Pour sortir du statu quo, il faut changer de paradigmes. Le paradigme étant un ensemble d’idées, de manière de faire et d’être qui est dominant dans la vie d’un peuple. Il y a eu cela pendant plus ou moins 35 ans, et vous ne changez pas un système comme ça, en disant Mobutu est parti, les choses vont s’améliorer, on sera en démocratie, en oubliant que beaucoup de ceux qui avaient travaillé avec Mobutu ont été récupérés par les rébellions au sein desquelles ils ont évolué. Après avoir commis des crimes abominables dans ces rébellions, ils sont revenus aujourd’hui, ministres, PDG, DGA, etc… Ainsi le système perdure et il n’y a pas eu de changement de paradigmes. Mais le système est allé au-delà de ce qu’on a vécu sous Mobutu. Sous Mobutu, nous n’avons pas connu plus de 6 millions de morts. Et cette situation risque de perdurer avec le prochain départ de Kabila s’il n’y a pas de ruptures profondes opérées au niveau du paradigme congolais.
Sur l’impact économique de l’interruption des services sms et internet mobile
Sur les déclarations de l’envoyé spécial américain, Russ Feingold, au Congo
Pourquoi Feingold vient-il parler de l’organisation des élections au Congo maintenant? Comment peut-il tenir un discours sur les élections, après que les Etats-Unis aient soutenu les pays qui ont envahi le Congo en 1996/1997 et qui ont permis à Kabila d’être là où il est aujourd’hui, sans qu’il soit passé par des élections ?
Comment peut-il justifier un discours sur les élections, au vu du soutien que son pays a offert à tous ces criminels venus prendre possession du Congo, détruire ses institutions, sans que justice ait été rendu au Congo pour tous ces crimes commis avec son pays et les élites anglo-saxonnes comme commanditaires ?
Comment peut-il tenir ce genre de discours au Congo ?
Voilà les questions que nombre de compatriotes ne se posent pas. Certains même applaudissent des mains et des pieds, en disant : « Il y a des pressions qui se font de l’extérieur, il faut que Kabila parte… »
Mais ces pressions ne se font pour eux, congolais. Quand les américains parlent d’élections transparentes, libres et démocratiques, ils disent des élections capables de promouvoir aux postes de responsabilités les congolais ou les minorités infiltrées au Congo qu’ils sont en train de plébisciter maintenant. Ce n’est pas pour rien que tout en faisant pression pour qu’il y ait des élections, ils sont déjà en train de plébisciter x ou y.
Obama récemment n’y est pas allé par le dos de la cuillère pour dire que les USA vont promouvoir les jeunes leaders en Afrique.
Sur le départ de Kabila.
Kabila part, et après ? Est-ce qu’il y a des pensées élaborées sérieusement sur l’après-Kabila ? Pourquoi devons-nous nous extasier en évitant de nous dire ce que nous devrions faire pour que l’après Kabila ne soit pas comme l’après Mobutu ? Pourquoi les mêmes qui ont placé hier Mobutu, l’ont chassé, ont placé Kabila père puis l’ont chassé, maintenant après avoir placé Joseph Kabila tiennent-ils à le chasser ?
Comment opérer une rupture avec ce jeu en essayant de mener des réflexions à tête reposée, en essayant de mener des réflexions froidement pour ne pas nous entraîner dans ce théâtre qui n’a fait que trop durer. Allons-nous continuer à être des spectateurs de ce théâtre ou nous allons, en nous appuyant sur les masses populaires congolaises, pour protéger nos terres, rompre avec cette lobotomisation, rompre avec cette pensée unique qui nous confine à croire que ce sont les mêmes qui doivent à tout moment faire et défaire les rois au Congo ? Alors que le monde est en train de devenir pluripolaire, nous restons avec les yeux braqués sur ceux qui ont prétendu être les vainqueurs de la guerre froide ?
Sur Christopher Ngoyi
Il faut arrêter de donner des primes aux criminels de guerre et criminels économiques pour pouvoir assainir la vie politique au Congo et l’asseoir sur des bases éthiques et politiques convenables.