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Kabila s’en va et Africom arrive au Congo-Kinshasa ! (suite et fin)

Kabila s’en va et Africom arrive au Congo-Kinshasa ! (suite et fin)

Kabila s’en va et Africom arrive au Congo-Kinshasa ! (suite et fin) 3888 2592 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

Joseph Kabila peut ou pas s’en aller. Ce n’est pas cela qui importe pour ceux qui ont demandé à une partie de la classe politique congolaise de mettre les masses populaires dans la rue. Pour eux, ce qui est essentiel, c’est leur mainmise sur les ressources stratégiques du Congo-Kinshasa et de l’Afrique. Ils tiennent à freiner l’émancipation politique de ce continent. Ils ne veulent pas, dans un monde pluricentré, voir l’Afrique coopérer avec d’autres partenaires extérieurs. En sus, ils estiment que la dépopulation des pays en développement est indispensable à leur sécurité nationale. Africom va les y aider en prenant appui sur les escadrons de la mort formatés en Ouganda, au Rwanda et au Congo-Kinshasa. L’appel au calendrier global, aux élections libres, transparentes et démocratiques, est, dans leur chef, une rhétorique hypocrite. Ils ne croient ni dans les élections, ni dans la démocratie. Ils croient en l’usage de la force brute pour atteindre leur fin : le profit.

Le soulèvement populaire des 19, 20 et 21 janvier 2015 a suivi un mot d’ordre : ‘’Kabila dégage’’. Il s’est localisé dans les rues et a pu atteindre certains lieux comme les universités et les instituts supérieurs. Il s’est intensifié pendant trois jours et les populations congolaises abandonnées par un certain nombre de politiciens ayant lancé l’appel à protester contre une loi électorale scélérate ont pu recourir à ‘’la débrouillardise politique’’ pour tenir tête à la police politique de ‘’la kabilie’’.
Ce soulèvement populaire présente là quelques caractéristiques d’une émeute immédiate. Celle-ci obéit entre autres à un mot d’ordre, est intense et localisable.

Cette émeute immédiate aurait pu se transformer en émeute historique si elle avait par exemple abouti à la réalisation de son mot d’ordre ; si Kabila avait effectivement dégagé. Et si l’occupation des lieux avait duré jusqu’à ce que cet objectif soit atteint. Son intensification aurait permis que plusieurs strates de la population se mobilisent et se retrouvent dans la rue et dans les autres lieux occupés pour s’encourager à aller vers la mise en pratique du mot d’ordre. En effet, « l’émeute historique tient des semaines ou des mois. [1]» A quel moment son seuil est-il franchi ?

« Ils nous ont dit ».. Qui sont-ils?

Alain Badiou répond : « localisation établie, longue durée, possible, intensité de la présence compacte, foule multiforme valant pour le peuple entier.[2] » Il explicite : « L’émeute devient historique quand sa localisation cesse d’être restreinte, mais fonde dans l’espace occupé la promesse d’une temporalité neuve et à longue portée ; quand sa composition cesse d’être uniforme, mais dessine peu à peu une représentation en mosaïque unifié de tout le peuple : quand enfin aux grognements négatifs de la révolte pure succède l’affirmation d’une demande commune, dont la satisfaction donne un premier sens au mot « victoire ». [3]»

Au Congo-Kinshasa, le mot d’ordre des masses populaires, ‘’Kabila dégage’’, a éclipsé celui des politiciens au cours du soulèvement populaire. Et ceux-ci ont pu désorienter les masses en criant ‘’victoire’’ après le retrait de l’article 8 de la loi électorale décriée. Il y a lieu de dire que l’une des raisons pour lesquelles l’émeute immédiate des 19,29 et 21 janvier 2015 ne s’est pas transformée en une émeute historique est cette divergence. Il y a une autre raison : la récupération politicienne du ‘’soulèvement’’. Au cri ‘’Kabila dégage’’, un bon nombre de politiciens a substitué : ‘’Ne touche pas à ma loi électorale’’ ; au nom de la démocratie bourgeoise.

Un échange avec l’un des politiciens les plus en vue au cours de ce soulèvement confirme notre propos. Pendant que le nombre de morts causé par la police politique de ‘’la kabilie’’ augmentait, il nous confie son inquiétude : « Ils nous ont dit que si vous mettez la population dans la rue et qu’on en tue un peu, nous allons intervenir. Nous en sommes déjà à 28. Quelle comptabilité macabre attendent-ils pour finalement intervenir ? » ‘’Ils nous ont dit’’. .. Qui sont-ils ?

Que signifie cette récupération politicienne ? Elle dit, entre autres, en filigrane, que le processus politique congolais est téléguidé de l’extérieur. Un échange avec l’un des politiciens les plus en vue au cours de ce soulèvement confirme notre propos. Pendant que le nombre de morts causé par la police politique de ‘’la kabilie’’ augmentait, il nous confie son inquiétude : « Ils nous ont dit que si vous mettez la population dans la rue et qu’on en tue un peu, nous allons intervenir. Nous en sommes déjà à 28. Quelle comptabilité macabre attendent-ils pour finalement intervenir ? » ‘’Ils nous ont dit’’. .. Qui sont-ils ?

Sont-ce les mêmes partenaires extérieurs dont que Paul Kagame fustigeait la duplicité après la mise en circulation du documentaire intitulé ‘’Rwand’s untold story’’ ? Kagame s’en était, en effet pris à la BBC avant de s’entendre dire par les gouvernants britanniques qu’il devait respecter la liberté d’expression. Voici fut sa réaction devant le parlement rwandais : « Ils vous caressent dans le sens du poil, vous chantent des louanges et le lendemain, ils vous traitent de criminel. [4]»
‘’Ils nous ont dit’’ ; ‘’Ils vous caressent dans le sens du poil’’. Qui sont-ils ?

Ne sont-ce pas ceux qui ont dit un jour de Paul Kagame qu’il était ‘’Our kind of guy’’ [5]? Ne sont-ce pas les mêmes qui, dans leur ‘’stratégie du chaos constructeur’’ sont en train de souffler le chaud et le froid au Congo-Kinshasa ? Présentement, ils ont exigé un calendrier électoral global tout en cherchant à installer Africom au pays de Lumumba avec la complicité tacite ou avouée d’une bonne partie de la classe politique congolaise prise en otage par un débat interminable sur ‘’les élections-pièges-à-con’’ et décidée à servir l’ordre néolibéral mortifère. Une classe politique capable d’envoyer ses compatriotes à la mort pour obéir aux diktats des ‘’partenaires extérieurs’’. Une classe politique envoûtée par ‘’la sorcellerie capitaliste’’ ayant mangé son cœur et son esprit.

Les objectifs d’Africom: La stabilisation de la dépendance de l’Afrique, la dépopulation du tiers-monde

Cette classe politique exige le départ de Joseph Kabila auprès des maîtres auxquels elle obéit au doigt et à l’œil au point de tomber dans le servilisme. Et Kabila peut ou ne pas s’en aller, ce n’est pas cela qui importe aux ‘’maîtres du monde’’. Ils veulent voir Africom prétend s’installer au Congo-Kinshasa et en Afrique. Le motif qu’ils évoquent, celui de travailler à la réconciliation de l’armée avec la population civile, est farfelu. C’est attrape-nigauds. Un pur mensonge !

L’ objectif réel d’Africom : «Stabiliser » la dépendance de l’Afrique, l’empêcher de s’émanciper, l’empêcher de devenir un acteur indépendant qui pourrait s’allier à la Chine et à l’Amérique latine; Africom constitue une arme essentielle dans les plans de domination mondiale des Etats-Unis.

Y a-t-il une armée au Congo-Kinshasa ? Non. Il y a une police politique dominée par des criminels issus de la guerre de prédation et de basse intensité menée par l’Etat profond anglo-saxon contre la région des Grands Lacs africains depuis les années 90. Plusieurs de ces criminels et affairistes sont passés des milices ougandaises et rwandaises pour s’infiltrer massivement au Congo-Kinshasa. Africom ne vient donc pas au Congo-Kinshasa pour un travail éthique de réconciliation. Ce travail lui sert de prétexte pour parachever l’occupation du Congo et de l’Afrique. « Donc, si vous voulez savoir où se dérouleront les prochains épisodes de la fameuse « guerre contre le terrorisme », écrivait Michel Collon en 2011, cherchez sur la carte le pétrole, l’uranium et le coltan, et vous avez trouvé. [6]»

D’où l’importance de connaître l’ « objectif réel d’Africom : «stabiliser » la dépendance de l’Afrique, l’empêcher de s’émanciper, l’empêcher de devenir un acteur indépendant qui pourrait s’allier à la Chine et à l’Amérique latine; Africom constitue une arme essentielle dans les plans de domination mondiale des Etats-Unis. Ceux-ci veulent pouvoir s’appuyer sur l’Afrique et les matières premières sous contrôle exclusif dans la grande bataille qui s’est déclenchée pour le contrôle de l’Asie et pour le contrôle de ses routes maritimes. [7]»

En dehors de cet objectif, il y a un autre : la dépopulation du tiers-monde prônée par Henry Kissinger. Pour lui comme pour plusieurs théoriciens de la politique anglo-saxonne, il y a des ‘’êtres humains qui ne pourront être utilisés’’ ; le profit l’emporte sur leur vie. « En 1989 une étude Mémorandum-200, œuvre du conseiller à la sécurité nationale américaine Henry Kissinger datant de 1974, a été rendue publique. L’étude était consacrée à l’augmentation de la population dans le monde et aux conséquences que celle-ci pourrait avoir pour la sécurité des Etats-Unis et des intérêts américains dans le monde. En guise de solution le Mémorandum-200 proposait de réduire la population des pays en développement ; ce qui permettrait aux Etats-Unis d’accéder aux ressources naturelles de ces derniers. [8]» Tout est fait en fonction de l’accès aux ressources du sol et du sous-sol sur fond du recours au principe de la seule force.

L’appel aux élections libres, transparentes et démocratiques au Congo-Kinshasa est un leurre

Dans ce contexte, l’appel aux élections libres, transparentes et démocratiques au Congo-Kinshasa est un leurre ; un appât. Si l’Etat profond anglo-saxon croyait aux élections, il ne s’allierait pas aux européens pour chasser du pouvoir un président ukrainien élu au suffrage universel. Il ne s’arrangerait pas pour faire ‘’un coup d’Etat permanent au Venezuela’’. Non. Il n’y croit pas. Il croit en sa capacité de maîtriser ‘’un chaos constructeur’’ d’un nouveau désordre mondial.

Quand l’Etat profond anglo-saxon dit ‘’élections libres, transparentes et démocratiques’’, il dit ‘’choix de ses caniches pour perpétuer le pillage et le contrôle des matières premières stratégiques et la guerre de tous contre tous lui permettant de diviser pour régner’’.

Comprendre cela n’est pas très facile dans la mesure où sa redistribution de rôles rend l’action déstabilisatrice qu’il mène en filigrane quasi illisible. Il opère à partir de l’ombre. Il séduit par son argent et sa rhétorique hypocrite. Quand il dit ‘’élections libres, transparentes et démocratiques’’, il dit ‘’choix de ses caniches pour perpétuer le pillage et le contrôle des matières premières stratégiques et la guerre de tous contre tous lui permettant de diviser pour régner’’.

Kabila peut s’en aller ou pas ; Africom va s’installer. Le Congo-Kinshasa ne sera pas sorti de l’auberge. A moins que ses dignes fils et filles pensent sérieusement l’après Kabila et s’initient aux stratégies différentes de celles que plusieurs de leurs compatriotes (aux affaires) reproduisent depuis l’indépendance jusqu’à ce jour. Ce n’est pas à force de répéter les mêmes recettes ayant indiqué leurs limites que le Congo-Kinshasa deviendra réellement souverain. Un changement de paradigme nous semble indispensable. Si le soulèvement de Kinshasa s’était transformé par exemple en émeute historique, lui rester fidèle aurait exigé des patriotes gérant la transition de promouvoir le principe égalité et en mettant de l’ordre dans le mouvement politique qui en serait issu afin que les masses populaires deviennent dorénavant les démiurges de leur propre destinée.

 

Mbelu Babanya Kabudi

[1] A. BADIOU, Le réveil de l’histoire. Circonstances, 6, Paris, Lignes, 2011, p. 56.
[2] Ibidem.
[3] Ibidem, p. 57.
[6] M. COLLON, Libye, Otan et médiamensonges. Manuel de contre-propagande, Bruxelles, Investig’Action, 2011, p51.
[7] Ibidem, p.51-52.

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