Par Jean-Pierre Mbelu
Mise en route
Une approche réductionniste de l’identité et la culture peut être tributaire d’une sérieuse crise identitaire dans un monde pris dans un tourbillon nihiliste ou à cause de certaines habitudes de penser.
Ce chaos est aussi le fruit de l’usurpation de l’identité nationale par les mercenaires au service des globalistes apatrides, ennemis acharnés des Etats-nations souverains (et au service des peuples). Ce chaos impose insidieusement une hégémonie culturelle dominante au détriment des cultures des populations instrumentalisées et/ou manipulées.
Tenez. « En tout homme se rencontrent des appartenances multiples qui s’opposent parfois entre elles et le contraignent à des choix déchirants.[1]» Malheureusement, « à toutes les époques, il s’est trouvé des gens pour considérer qu’il y avait une seule appartenance majeure, tellement supérieure aux autres en toutes circonstances qu’on pouvait légitimement l’appeler « identité ».[2]»
Ces gens peuvent instrumentaliser les appartenances religieuses et/ou ethniques pour créer « le chaos contrôlé » au profit du capital. Ce chaos est aussi le fruit de l’usurpation de l’identité nationale par les mercenaires au service des globalistes apatrides, ennemis acharnés des Etats-nations souverains (et au service des peuples). Ce chaos impose insidieusement une hégémonie culturelle dominante au détriment des cultures des populations instrumentalisées et/ou manipulées.
Au Kongo-Kinshasa, par exemple, la culture hégémonique dominante l’emporte, dans les coeurs et les esprits de ces populations, sur les principes, les règles et les valeurs constitutifs du « BOMOTO ».
Un recours sélectif à l’histoire
Il y a, au Kongo-Kinshasa, comme un recours sélectif à l’histoire de ces dernières six décennies. L’assassinat de Lumumba, les deux sécessions du Katanga et du Kasaï , le coup d’Etat de Mobutu et le coup d’Etat permanent fait au pays par les huissiers du capital ne sont pas souvent pris en ligne de compte dans la relecture que plusieurs compatriotes font de l’histoire du pays.
Le discours culturaliste du recours à l’authenticité n’a pas contribué à la mise debout d’un peuple pouvant conquérir son indépendance économique et rompre avec le néocolonialisme. Donc, après Lumumba, le Kongo-Kinshasa »a été de facto recolonisé par le capital occidental ».
Juste après la table ronde politique de Bruxelles, des Kongolais « de père et de mère » se sont laissé corrompre au détriment de leur frère Lumumba. Celui-ci avait commis le péché de poser et de répondre à la question suivante : « Qu’est-ce que l’indépendance » ? Avec certains parmi eux, Mobutu, porté par les globalistes apatrides, a réussi un coup d’Etat afin que la différence entre l’avant indépendance et l’après soit nulle.
Au service des huissiers du capital, il a entrepris une initiative culturaliste dont les Kongolais ont été fiers sans que cela contribue à l’avènement d’un pays souverain. Il en va de même de la réduction de la culture kongolaise à la musique divertissante produite par les « de père et de mère » convertis en mammonistes.
Trois livres et un article , entre autres, sont très édifiants sur la colonisation de la sphère culturaliste de Mobutu par la politique de l’Occident collectif et les huissiers du capital. Citons-les:
– J. CHOME, L’ascension de Mobutu. Du sergent Joseph Désiré au général Sese Seko, Bruxelles, Complexe, 1973
– E. TOUSSAINT, Procès d’un homme exemplaire ; Bruxelles, Al Dante, 2015
– L. DE WITTE, L’ascension de Mobutu. Comment la Belgique et les USA ont installé une dictature, Bruxelles, Investig’Action, 2017
– O.SCHALK, Autrefois dirigée par Patrice Lumumba, chantre de l’anticolonialisme, la RDC a de facto été recolonisée par le capital occidental, dans Investig’Action , 31 octobre 2022
Le discours culturaliste du recours à l’authenticité n’a pas contribué à la mise debout d’un peuple pouvant conquérir son indépendance économique et rompre avec le néocolonialisme. Donc, après Lumumba, le Kongo-Kinshasa »a été de facto recolonisé par le capital occidental ». Cet article, riche en documentation, donne des détails importants à ce sujet.
Il souligne que lorsque Mobutu a voulu faire les choses à sa tête et au profit du Kongo, un autre homme lige a été trouvé par les globalistes apatrides en la personne de Laurent-Désiré Kabila.
Il a cru, lui, Mzee Kabila, qu’il pouvait, en bon lumumbiste, renouer avec la tradition de l’indépendance politique et économique du pays. Cela n’a pas marché. Son revirement a conduit à son assassinat. Et depuis lors, la seule chose durable au Congo, c’est la (néo)colonisation comme dirait Raf Custers3. Donc, tous les accords signés par les belligérants-mercenaires au service de l’Occident collectif n’ont pas mis fin à l’exploitation du pays et à l’assujettissement de ses populations.
Prétendre dans ce contexte (néo)colonial que les armes ont été prises pour résoudre une question identitaire est une façon d’escamoter la question essentielle de la néocolonisation du pays. Les identités minorées et/ou majorées au Kongo-Kinshasa sont utilisées et mises au service de la néocolonisation. Elles sont rendues meurtrières afin qu’elles servent la politique du « diviser pour régner » et entretiennent le climat du chaos contrôlé.
Sun City, un rendez-vous illusoire
Un pas aurait été franchi si, après Sun City, une véritable Commission Justice, Vérité et Réconciliation avait pu être mise en place après une réelle identification et un réel recensement des populations kongolaises. Cette Commission aurait permis une relecture tant soit peu « juste » et « vraie » de l’histoire de la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée par procuration contre le pays de Lumumba. Un minimum de bases nécessaires à une « Ethique reconstructive » du pays auraient été lancées. Que nenni. Cette étape a été ignorée … Pourquoi ?
Avec un peu de recul, il y a lieu de soutenir que Sun City, Prétoria et les autres lieux où ces accords ont été signés ont précédé Minsk. Les mêmes acteurs majeurs y ont eu recours pour permettre aux proxys de se réarmer, de se remettre en ordre de batailler pour parachever le projet de la balkanisation et de l’implosion du Kongo-Kinshasa.
Sun City se situait dans le contexte de tous ces accords signés contre la souveraineté du Kongo-Kinshasa. Avec un peu de recul, il y a lieu de soutenir que Sun City, Prétoria et les autres lieux où ces accords ont été signés ont précédé Minsk. Les mêmes acteurs majeurs y ont eu recours pour permettre aux proxys de se réarmer, de se remettre en ordre de batailler pour parachever le projet de la balkanisation et de l’implosion du Kongo-Kinshasa. Sun City fait partie des rendez-vous illusoires pris pour berner les Kongolais(es) en quête des titres politiques sans assises économiques sérieuses.
Malheureusement, le rejet du livre, le refus d’une sérieuse prise de distance critique vis-à-vis de la mémoire collective kongolaise, la volonté d’ignorer l’importance de la production de l’intelligence collective dans la création de la cohésion sociale, tout cela rend ce rendez-vous illusoire important dans les coeurs et les esprits des élites kongolaises en faillite.
Une petite conclusion
Le Kongo-Kinsgasa a un problème sérieux. : lutter contre l’usurpation de l’identité nationale en particulier, contre l’ instrumentalisation et/ou la manipulation des identités et des cultures, en général, dans un pays plongé dans une guerre perpétuelle. Cette lutte passe prioritairement par la (re)conquête de la souveraineté intégrale.
Se tromper de priorité, croire qu’il faut lutter pour « la démocratie » pendant qu’il est question de la lutte pour la (re)conquête de la souveraineté, c’est brouiller les cartes et perdre le fil de notre histoire collective.
La souveraineté (re)conquise peut faciliter l’organisation des lieux du recensement et d’identification des populations ; mais aussi ceux où « l’Ethique reconstructive » peut aider à identifier les plaies non-cicatrisées liées à cette guerre perpétuelle et participer de leur guérison tout en créant des espaces de lutte contre la haine nihiliste de soi et de l’altérité. Des espaces de réconciliation avec soi-même, avec son passé exorcisé de la violence gratuite, et avec les autres sans renier son ancrage national.
Se tromper de priorité, croire qu’il faut lutter pour « la démocratie » pendant qu’il est question de la lutte pour la (re)conquête de la souveraineté, c’est brouiller les cartes et perdre le fil de notre histoire collective. Tel est le piège dans lequel les belligérants-mercenaires et leurs alliés au service du capital sont en train d’entraîner le pays actuellement.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
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[1] A. MAALOOF, Les identités meurtrières, Paris, Grasset, 1998, p ? 10.