L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu expose le processus d’infiltration des rwandais et des ougandais dans les institutions congolaises, analyse le non pouvoir au Congo et ses conséquences sur les enjeux de justice notamment, décrypte l’analyse du professeur Mbata au sujet du « grand soir » du régime kabiliste et rappelle pourquoi nous avons besoin d’une intelligentsia organique et structurante pour inventer un autre Congo.
Sur l’incursion rwandaise sur le sol congolais
Voici ce que nous ne semblons pas voir : Depuis cette guerre, il y a eu des éléments ougandais et rwandais dans les différentes institutions congolaises, l’armée incluse. Et ces infiltrations se font de manière permanente.
Ce ne sont pas des incursions, le Rwanda et l’Ouganda sont présents dans l’armée congolaise et dans plusieurs institutions du pays. Ils sont en terrain conquis, au Congo.
C’est nous qui sommes en train de nous mentir, en croyant qu’il y a un gouvernement normal au pays, qu’il y a des institutions qui fonctionnent normalement, et qui sont gérés par les congolais, qu’il y a une armée nationale dans laquelle les postes de commandement sont tous confiés aux congolais.
Ces soi-disant incursions, qui n’en sont pas, devraient conduire les compatriotes à ouvrir davantage l’œil et le bon. C’est le même mode opératoire qui se poursuit depuis la guerre de l’AFDL.
Le pays va de plus en plus vers son implosion, et malheureusement, pour certains d’entre nous, nous lisons très mal les faits.
Sur le non pouvoir au Congo
Le gouverneur passe à côté de la plaque, quand il écrit, en supposant qu’on va demander aux militaires rwandais de pouvoir retourner chez eux. A quels militaires rwandais, on va demander cela ? A ceux qui font ces « incursions » ou à ceux qui sont déjà dans l’armée congolaise ?
Nous sommes dans un processus chaotique et mensonger que nous n’arrivons pas à approfondir et analyser de manière sérieuse. L’occupation du pays se poursuit et cela que signifie le silence des gouvernants de ce pays.
Ce non pouvoir au Congo finira par conduire à sa balkanisation et à son implosion, si nous n’ouvrons pas l’œil.
Sur les états généraux de la justice à Kinshasa
Tant que ce processus qui a commencé avec la guerre de l’AFDL ne sera pas examiné sérieusement, tant que la vérité ne pourra pas être faite sur ce qu’il y a eu depuis cette guerre là jusqu’à ce jour, tant que les chambres mixtes prônées, par les experts de l’ONU lors du rapport Mapping de 2010, ne seront pas mises en place, tant que les victimes de cette guerre ne pourront pas obtenir justice, on ne peut pas parler des états généraux de la justice au Congo.
Il y a tout un processus chaotique, mensonger à remettre en question si nous voulons que ce pays revienne sur le droit chemin.
On ne peut pas, en 2015, mettre en parenthèses, deux décennies de guerre et prétendre qu’on va faire les états généraux de la justice et prônant le changement de mentalité. Cela ne veut rien dire.
Kabila a un mépris indescriptible pour les congolais qui ne répondent pas à ses caprices et il estime que la meilleure façon d’exprimer se mépris à l’endroit des congolais est de les envoyer, quand il en a envie, en prison.
Rien ne marche au Congo, et il y a, en plus, une complicité terrible entre ceux qui tiennent ces discours creux et les institutions bidon du pays. Une complicité qui va dans le sens de la déstructuration totale du pays.
Sur le professeur Mbata et le « grand soir » du régime kabiliste
Cependant on peut noter quelques petites contradictions : Il critique certains tambourinaires tout en encensant certains autres. Il y a donc une reddition des comptes que notre jeunesse devra demander à tous ces tambourinaires pour éviter, que lorsqu’il y a un changement au Congo, de reprendre les mêmes et de recommencer.
Quand on voit comment un pays comme le Congo-Kinshasa est en train d’avancer aujourd’hui, tous ceux et toutes celles qui estiment qu’il serait mieux de créer une intelligentsia organique et structurante, tous ceux qui s’adonnent à un travail sérieux de l’intelligence, tous ceux qui essaient d’opposer l’intelligence à l’intelligence, sont des éléments à abattre. Il y a des escadrons de la mort qui estiment que les penseurs congolais, les congolais qui prennent du temps pour réfléchir, écrire et débattre sont dangereux et doivent être trucidés.
Sur le rôle des institutions
Ce sont des gens qui se congratulent entre eux et qui se partagent les responsabilités de non pouvoir.
Sur la gestion de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), par Malu Malu et le rôle de l’opposition congolaise
Comment l’opposition congolaise, peut-elle, au même moment, dénoncer et décrier ce processus électoral et regretter le fait que celui qui avait présidé ce processus puisse ne pas être dans la course ? Voilà pourquoi certains membres de cette opposition font partie du statu quo.
Voilà pourquoi nous avons besoin d’une intelligentsia organique et structurante. Les politiques congolais devraient quand même avoir des cabinets qui évaluent, qui étudient et qui veillent à la cohérence de leurs discours.
Au même moment que cette opposition accuse la majorité présidentielle d’avoir commis des crimes contre l’humanité, elle veut aller aux élections contre des criminels contre l’humanité. Pourquoi ne cherche-t-elle pas d’abord à traduire en justice ces criminels, à travailler avec les masses populaires pour qu’elles comprennent que ces criminels contre l’humanité ne peuvent pas organiser des élections auxquelles ils échoueraient parce qu’ils traînent avec eux les casseroles de leurs crimes.
Sur la nécessité d’imaginer un autre Congo
Et puis, comment pourrait-il y avoir une opposition contre un non pouvoir ? Voilà pourquoi nous en appelons de plus en plus à des structures supra partisanes qui privilégient les intérêts congolais. Il est temps que l’on sorte de cette opposition partisane entre partis, qui n’existent pour la plupart que sur papier et n’ont aucune effectivité nationale. Il est temps que l’on mettre en place des structures qui privilégient les questions essentielles du pays, que le Congo devienne un Etat souverain, que le Congo devienne un Etat social et de droit, que le Congo essaie d’assurer la justice sociale pour tous ses enfants, que le Congo essaie de travailler avec l’un ou l’autre pays d’accord avec lui, pour l’intégration politique et économique. Voilà des questions qui importent. Au lieu de cela, on nous parle d’élections, de ceci et de cela. Alors que vous ne pouvez pas en conscience croire que les gens qui ont créé le non pouvoir chez vous, vont se réveiller un matin et créer du pouvoir pour qu’ils répondent de leurs forfaits. Non ! Il faut créer, inventer, imaginer autre chose ! Ce sera pénible. Mais aujourd’hui, en tant que citoyens, nous avons le devoir d’opposer notre intelligence à l’intelligence des autres !