Récit de Arsene Tungali,
Co- Fondateur et Directeur Executif de Rudi International www.rudiinternational.org une ONG humanitaire de droit congolais basee a Goma, a l’Est de la RDC. Il est àgalement Chief Reporter a Now AfriCAN www.nowafrican.org
Contacts: email: arsenebaguma@gmail.com
Site web: http://tungali.blogspot.com
Dimanche 18 Novembre 2012
Tout avait commencé, je ne sais plus quand exactement, mais je me rappelle que tout avait commencé ! Très tôt le matin de ce dimanche, comme d’habitude, je n’avais qu’un seul programme pour l’avant midi et une réunion dans l’après-midi. Je devais aller à l’église car je devais officier pour le culte principal.
En quittant le lit, on pouvait entendre le son des bombes venant du Nord, probablement depuis Kibumba ou plus loin là-bas. Cela avait déjà créé la panique dans les cœurs des gens qui, certains pensaient que c’étaient des coups de tonnerres car le ciel était également sombre.
Je me suis donc rendu à l’église vers 8h30. Avant de commencer, mon pasteur m’a appelé à l’extérieur me demandant de ne pas prendre trop de temps car son frère à Bukavu (Sud Kivu) venait de l’appeler, lui demandant de ne pas quitter sa maison car la situation n’était pas bonne. Alors qu’il parlait, on a vu des foules de gens avec leurs effets venir du Nord.
C’étaient les déplacés du camp de Kanyaruchinya qui descendaient, visiblement trop fatigués, des habits sales et déchirés pour certains, avec leurs effets, soit sur leurs têtes, soit les transportant sur les « chukudu ».Ils avaient des chèvres, des matelas, des bidons, des valises, etc, visiblement des gens déçus de la situation dans laquelle ils vivent, étant obliges de quitter le camp. Juste après, alors que ceux-ci continuaient à descendre, des soldats congolais (en tenue FARDC) descendaient également un à un ou bien par groupe, la plupart étaient à pied certains avec des matelas, leurs arsenal de guerre, très fatigués.
C’était donc sérieux ! Comme les fidèles étaient déjà là, on ne pouvait que célébrer le culte avec eux, mais avec la recommandation du pasteur, le culte devait être bref. On finit généralement à 12h30, mais on a terminé à 11h en demandant aux fidèles de rentrer aussitôt à la maison.
A l’entrée du Musée (entrée du gouvernorat de province à Himbi), la panique générale car beaucoup de gens observaient la foule de déplacés et des soldats. On apprit dans la journée que c’était effectivement le camp de Kanyaruchinya qui se vidait, les soldats quittaient leurs positions se dirigeant vers Sake et Minova, selon les infos reçues. J’ai alors ouvert Internet sur mon téléphone ; sur Facebook, ce ne sont que des infos de par-ci par-là qu’on pouvait lire sur la situation de Goma. C’était donc sérieux !
Je me suis alors mis à poster des messages informant mes amis et la famille sur ce qui se passait, ce que j’entendais et ce que je lisais sur les pages d’autres amis de Goma. Ainsi, j’ai été en mesure d’informer et d’être informé au travers d’Internet car beaucoup de mes amis avaient besoin des infos.
La page Facebook tenue par les rebelles du M23 où ils publiaient en temps réel en swahili nous a servi pour savoir leurs plans et leur itinéraire, leur prochaine cible. J’ai lu qu’ils donnaient au gouvernement un ultimatum de 24 heures pour déclencher des négociations sinon, ils allaient entrer dans la ville la nuit et faire ce qu’ils veulent. Ils avaient encore publié qu’ils ne voulaient pas faire du mal à la population si le gouvernement pliait à leurs exigences. J’avais donc une petite confiance pour la nuit, mais cette nuit pourtant, le pire nous attendait.
Lundi 19 Novembre 2012
On s’est réveillé avec la panique de toute la nuit où l’on s’attendait à tout. Ce fut la plus longue nuit de ma vie. Toute la nuit, des tirs de toute catégorie d’armes dont on ne sait pas l’origine. Alors qu’on savait que les rebelles ne devaient pas entrer la nuit selon leurs propres promesses, cette nuit, nous avons eu comme l’impression qu’ils étaient dans nos murs. Il y a eu des coups de feu pendant toute la nuit perturbant ainsi le sommeil de beaucoup et l’inquiétude qui ne cessait de grandir.
Très tôt le matin, je n’avais besoin de rien d’autre que de lire les infos pour savoir la cause de tous ces coups de feu. Je savais qu’on apprendrait qu’ils sont entrés et qu’ils contrôlent la situation dans la ville. Le Maire de la ville, précisant qu’il n’a pas assez de précisions, dit que ce sont nos militaires qui étaient fâchés qui ont fait tous ces bruits semant la panique dans le cœur de la population. Il dit également que les écoliers devraient rester à la maison afin d’observer la situation pendant la journée, mais que les travailleurs pouvaient aller travailler mais rester vigilants car tout peut arriver.
Comme d’habitude, je me suis connecté sur Internet tôt le matin pour lire les infos de la nuit. Tout le monde ne parlait que de ça. Et tout le monde avait peur pour la journée. On attendait d’apprendre sur les issus des réunions à Kampala sur la situation.
Je me suis rendu au bureau vers 9h comme d’habitude mais avec des inquiétudes. La journée s’est bien passée et vers 14h, j’étais déjà rentré à la maison. Une heure plus tard, mes collègues m’ont rappelé qu’il y avait une urgence et que je devais rentrer pour aider.
Au bureau, autour de 15h10, on entendit un bruit venant de la route à côté, on est tous sorti afin d’observer. Je vis des gens en train de fuir sur la route allant à l’ULPGL (Université Libre des Pays des Grands-Lacs), des véhicules qui quittaient la ville passaient avec une telle allure, leurs phares bien allumés créant la panique. Tous les petits vendeurs sur les rues se mettaient à fuir, fermant leurs effets en cascade.
Nos supérieurs qui étaient en réunion en ville ont appelé et ont conseillé de rentrer dans la clôture et de ne pas repartir sous la tension, mais de pouvoir observer l’évolution de la situation avant de quitter. Immédiatement, un ami qui était du côté de la ville m’appela pour m’annoncer qu’une bombe venait de tomber sur Gisenyi, je n’avais pas assez de détails. Ainsi, j’ai jugé de quitter le bureau et de me rendre très rapidement à la maison pour ne pas attendre la nuit tomber. Sur mon chemin, je n’ai pas emprunté les grandes rues jusqu’à ce que je sois arrivé chez moi à la maison où tout le monde m’attendait.
A Goma, ceux qui vivent dans les quartiers sont toujours informés en retard, mais ceux qui sont sur les grandes rues sont les premiers à être informés et qui paniquent souvent les autres alors qu’il n’y a rien de grave dans certaines circonstances. Sur Facebook, tout se racontait et on pouvait s’informer en temps réel.
Vers 17h, on apprit que la situation s’empirait dans les quartiers près de l’aéroport de Goma car des coups de feu se faisaient entendre de là. Les affrontements se passaient en effet à quelques kilomètres de cet endroit. L’objectif étant de prendre l’aéroport pour marquer leur présence et ainsi, d’entrer dans la ville.
On se fiait aux déclarations du Gouverneur disant que la Monusco (la force onusienne) et la communauté internationale suivaient la situation de près et ne permettraient pas que les rebelles du M23 fassent leur entrée dans la ville et ainsi défier le pouvoir en place.
On s’est couché alors que la tension était si tendue avec des coups de feu venant de partout et cela toute la nuit durant. Des tirs à l’arme lourde et celles d’autres calibres se faisaient entendre. Je me suis couché « les oreilles à l’extérieur », avec les informations que je lisais sur Internet, j’avais tellement peur que je ne pensais pas me réveiller le lendemain matin et prétendre toujours être en RDC. L’on se disait que si les rebelles parvenaient à entrer, on ne serait plus une partie de la RDC car ils changeraient surement le nom de la partie conquise.
Mardi 20 Novembre 2012
Déjà tôt le matin, les coups de feu se faisaient entendre mais cette fois-ci, ils s’étaient déplacés du côté opposé de la ville, c’est-à-dire vers les quartiers sur la route allant vers Sake. On n’avait aucune information par rapport à leur position car le matin, comme il n’y avait pas d’électricité, je n’avais accès ni à la radio ni à la télé et même pas à Internet. Ainsi, j’étais coupé du reste du monde. On pouvait quand même s’imaginer qu’ils ont progressé car le son des tirs se faisaient entendre plutôt de l’autre côté et non plus vers le centre de ville.
Et en pleine journée, on apprit qu’ils étaient enfin entré, ayant pris l’aéroport. Ainsi, des coups de balles se faisaient entendre toute la journée. On ne pouvait sortir la tête car les affrontements se faisaient désormais dans la ville, c’est-à-dire très près de nous.
Goma est pris ! Tout le monde était alors inquiet, on se demandait ce que cela pouvait bien impliquer qu’ils aient assiégé la ville, on avait peur de ce qui allait venir. Mais, je me suis dit qu’il fallait quand même attendre leur arrivée et recevoir leur mode de conduite instaurée.
Tard dans l’après-midi, alors que toutes les radios locales ne fonctionnaient pas, vers 15h15, la RTNC Goma (Radiotélévision nationale congolaise) venait d’annoncer que le porte-parole du M23 devait s’adresser à la population de Goma dans une vingtaine de minutes. Dans les 5 minutes qui suivaient cette annonce, sur ma page Facebook, beaucoup d’autres amis avaient posté le message par rapport à cette annonce. C’était donc officiel, on était sous la conduite des rebelles qui avaient aussi pris la radio nationale pour passer leur message de victoire.
A 16h00, le Lieutenant-Colonel Vianney Kazarama demande à la population de rester calme. L’ARC (Armée Révolutionnaire du Congo) va nettoyer la ville toute la nuit et le lendemain, les habitants devront vaquer à leurs occupations habituelles. Mais à 8h au Stade des Volcans de Goma, un rassemblement avec tous les éléments des FARDC et la Police restés dans la ville pour une prise de contact. Le message est reçu par toute la population et donc, on attend et voir en quoi consiste le nettoyage de cette nuit.
Mercredi 21 novembre 2012
La nuit a été tres calme. Tout le monde avait envie d’aller faire un tour au quartier afin de voir le visage de la ville sous le nouveau regime. Je suis egalement sorti pour chercher de l’energie dans mon telephone que je n’ai pas eu facilement car depuis hier, la ligne a été perturbee, cetrains cables coupes.
Le Mouvement avait fait appel aux FARDC et a la Police encore en ville a venir les rejoindre.